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Féminismes, sexe, grabuge & VIH

Parler de féminisme sans parler de sida, c’est marcher sur des cadavres

vendredi 1er avril 2011

Pour la “Journée des Femmes” 2011, nous n’avons pas rejoint le rassemblement organisé le samedi 5 mars Place des Droits de l’Homme (!) par le CNDF (Collectif National pour les Droits des Femmes). Toutefois, nous y étions, en marge, diffusant un tract faisant état de notre colère, parce qu’une fois de plus, cette journée n’était pas la nôtre.

Encore une fois, dans les campagnes clinquantes des organisations officielles, les femmes séropositives sont ignorées  : rien sur l’exclusion des femmes des essais thérapeutiques, rien sur notre accès réduit à des traitements de qualité, rien sur notre surexposition à l’épidémie, et aux effets indésirables de médicaments élaborés sans tenir compte de nos spécificités physiques.

Cette année, nous sommes particulièrement révoltéEs contre celles et ceux qui, se pensant féministes, et de gauche, entendent précariser un peu plus les travailleuses et travailleurs du sexe, en pénalisant le client.

Prétendant une fois de plus décider à notre place comment nous devons
disposer (ou pas) de nos corps, les tenantEs d’une morale bien-pensante et électoraliste font le jeu du sida  : clandestiniser, invisibliser le travail sexuel, accroît les risques de contamination en rendant les travailleurSEs du sexe plus vulnérables et en les éloignant des structures de prévention.

Cette année, nous nous reconnaissons d’autant moins dans cette manifestation que l’actuel féminisme “mainstream” fait le jeu du racisme gouvernemental. Les femmes voilées sont exclues, instrumentalisées et infantilisées ; selon ces féministes, elles incarneraient la non-intégration,
symboliseraient la barbarie, et surtout, ne sauraient pas ce qu’elles disent.

Stigmatiser, marginaliser  : face au sida, ces démarches sont contre-productives, criminelles.

Cette année encore, les divers appels à rassemblement ne font pas mention des trans’ qui subissent pourtant une véritable dictature sociale quant à leurs corps et leurs identités. Quid du sexisme mâtiné de transphobie que les femmes trans’ subissent quotidiennement  ? Quid de la prévalence VIH chez les trans’  ? De leur inexistence dans la surveillance épidémiologique, des interactions entre hormonosubstitutions et antirétroviraux  ?

Nous n’avons que faire de féministes qui entendent parler pour nous, qui cautionnent en notre nom des lois racistes et répressives, qui excluent les trans’ de leurs manifestations, s’arrogeant jusqu’au droit de déterminer nos genres et nos identités à notre place.

Face au sida, toutes les femmes subissent les inégalités socio-économiques, les inégalités physiologiques, et les normes inégalitaires qui régissent les rapports hommes/femmes. Et personne n’en parle.

Toute l’année, nous luttons pour les droits de touTEs celles et ceux qui subissent une oppression sexiste, gouines voilées, hétéroTEs putes, biEs précaires, trans racialiséEs, femmes au foyer en baggy et drag-kings en jupe.

Ce 8 mars, sur le Parvis des Droits de l’Homme, nous étions là pour le redire  : «  parler de féminisme sans parler de sida, c’est marcher sur des cadavres  ».