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Lipoatrophies et méthodes de comblements

jeudi 1er décembre 2005

Dans la longue liste des effets secondaires associés au traitement de l’infection par le VIH, il en est un qui occupe une place un peu particulière : la lipoatrophie. La disparition de la graisse sous-cutanée peut affecter différentes parties du corps telles que les avant bras, les jambes - où elle peut faire ressortir les veines, on parle alors de muscles d’athlète - et les fesses. La lipoatrophie peut également siéger au niveau du visage, atteignant les joues - disparition des boules de Bichat - les tempes ainsi que le tour des yeux. Si des vêtements permettent de masquer, tout au moins dans certaines situations, la perte de graisse affectant jambes, bras et fesses, pour le visage, c’est une autre histoire...

Ainsi la lipoatrophie qui va d’un début de creusement des joues dans les cas les plus légers, à une situation où l’on distingue le contour des os du crâne, peut constituer un véritable stigmate pour les personnes atteintes. La lipoatrophie contrarie un secret qu’on désire conserver, celui du virus qui a investi son propre corps. Des regards un peu insistants échangés dans la rue ou le métro peuvent au quotidien renvoyer à sa propre maladie. La lipoatrophie met à mal l’image de soi, elle est source d’angoisse. En rendant le regard des autres difficile à supporter, elle peut fragiliser socialement en isolant la personne de sa famille, de ses amiEs, en lui faisant perdre son emploi ou en constituant un obstacle à la recherche d’un travail. C’est dire si des solutions sont nécessaires pour corriger au mieux cet effet secondaire qui peut se révéler être un véritable handicap.

Dans ce dossier, vous trouverez tout d’abord quelques informations d’ordre épidémiologique et sur les facteurs influençant la survenue de la lipoatrophie mais aussi plus généralement la lipodystrophie et les altérations métaboliques, puisque ces trois types d’effets secondaires sont étroitement liés. Quelques informations sur les mécanismes biochimiques de la lipoatrophie/lipodystrophie sont ensuite présentées. Le paragraphe suivant est consacré aux méthodes, autres qu’esthétiques, permettant de limiter avec plus ou moins de succès la survenue ou l’aggravation de la lipoatrophie/lipodystrophie. La suite de ce dossier est consacrée à trois méthodes de restauration de volume permettant de corriger la lipoatrophie faciale. Un premier paragraphe est consacré au New-Fill® dont le remboursement a été notifié au début de 2005. Vous y trouverez notamment certaines informations pratiques. Les deux paragraphes suivants sont consacrés à l’autogreffe adipeuse et au Bio-Alcamid, deux autres techniques alternatives au New-Fill®. Une comparaison de différents aspects de ces trois techniques clôt ce dossier.

Données épidémiologiques, lien avec les altérations métaboliques et facteurs associés

Une étude publiée en 2002 portant sur 614 personnes vivant avec le VIH issue de la cohorte APROCO (Agence nationale de la recherche sur le sida-EP11), indiquait qu’environ 60 % d’entre elles présentaient au moins un signe de lipodystrophie. De plus, un syndrome mixte était plus fréquent qu’un syndrome isolé de lipoatrophie périphérique ou d’accumulation de graisse localisée, et la prévalence de lipodystrophie ne différait pas entre le 12ème et le 20ème mois. Les symptômes les plus fréquemment observés étaient une augmentation du tour de taille, une atrophie faciale, la proéminence de certaines veines du corps - en particulier au niveau des jambes - et enfin une atrophie musculaire et/ou graisseuse au niveau des membres inférieurs et supérieurs et/ou des fesses. L’étude s’est également intéressée aux liens pouvant exister entre lipodystrophie et altérations métaboliques telles que troubles de la glycémie et hypercholestérolémie. Ainsi observait-on l’apparition d’un diabète dont la prévalence était plus importante à 20 mois - puisque qu’atteignant 8% des personnes - qu’à 12 mois où seulement 3% des patientEs étaient touchéEs. Une hypertriglycéridémie ou une hypercholestérolémie était constatée, respectivement chez 30% et 57% des personnes incluses dans l’étude. Hypertriglycéridémie et hypercholestérolémie étaient simultanément observées chez presque 20% des patientEs. L’absence de lipodystrophie et d’altération métabolique était constatée chez près de 20% des personnes participant à l’étude, alors que la présence d’une lipodystrophie ou d’une altération métabolique isolée était observée, respectivement chez 20% et presque 50% des patientEs. Par ailleurs, les altérations métaboliques étaient plus fréquentes chez les personnes présentant une lipodystrophie. Ainsi, alors que la prévalence des altérations de la glycémie touchait 16% des personnes n’ayant pas de symptôme de lipodystrophie, elle atteignait respectivement 25% chez les personnes ayant de 1 à 3 symptômes et 28% chez les patientEs ayant plus de 4 symptômes. La prévalence de l’hypercholestérolémie était respectivement de 48%, 62% et 62% dans chacun des trois groupes précédents. L’étude a également permis de cerner un certain nombre de facteurs associés aux lipodystrophies et qui peuvent également être reliés aux altérations métaboliques. Par exemple, l’atrophie périphérique est plus fréquente chez les personnes plus âgées et chez celles ayant une durée d’exposition cumulée à la stavudine plus importante. L’accumulation locale de graisse se rencontre plus volontiers chez les personnes ayant eu une variation importante du taux de lymphocytes CD4+ entre le début de leur prise en charge médicale et la période de l’étude et chez les patientEs exposéEs au saquinavir et ceux ayant une durée d’exposition importante à la lamuvidine. Un syndrome mixte - à la fois accumulation de graisse et lipoatrophie - est plus fréquent parmi les personnes traitées au saquinavir ou longuement exposées à la stavudine. Le sexe masculin est un facteur associé uniquement à la lipoatrophie périphérique, probablement en raison d’un mécanisme hormonal ou bien parce que la graisse corporelle est moins localisée de façon périphérique chez l’homme de telle sorte qu’une diminution de celle-ci est plus facilement repérée.

 A retenir
L’étude sida-EP11 montre chez les personnes vivant avec le VIH sous multithérapie, une forte prévalence de lipodystrophie et d’altérations métaboliques. Ces altérations métaboliques étaient présentes dès 12 mois après l’initiation d’une thérapie comportant un inhibiteur de protéase et étaient plus communes chez les personnes atteintes de lipodystrophie. L’âge est un facteur associé aux lipodystrophies ainsi qu’aux altérations métaboliques, alors que d’autres facteurs, tels que l’indice de masse corporelle, le taux de lymphocytes CD4+ et le type d’inhibiteurs de la transcriptase inverse ou de la protéase utilisés en multithérapie, dépendent du type de lipodystrophie. L’étude confirme que l’exposition à la stavudine est systématiquement associée à une lipoatrophie.

Origine de la lipodystrophie
lipoatrophie induite par les antirétroviraux

Les mécanismes conduisant à l’apparition d’une lipodystrophie/lipoatrophie, conséquence d’une multithérapie, sont très complexes et à l’heure actuelle imparfaitement connus. Rappelons que le tissu adipeux est constitué de cellules différenciées, notamment spécialisées dans le stockage de la graisse sous forme d’acide gras. On a recensé plusieurs altérations morphologiques et moléculaires inter-dépendantes affectant le tissu adipeux de personnes vivant avec le VIH atteintes de lipoatrophie. Ainsi, le traitement antirétroviral, en particulier les inhibiteurs de protéase et inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse, agissent en diminuant l’expression de facteurs de transcription des adipocytes tels que PPAR-g , SREBP-1 et C/EBP-a et altèrent la production de marqueurs insulino-sensibles des adipocytes tels que la sous-unité b du récepteur de l’insuline et Akt/PKB. Ces médicaments contrarient aussi l’expression d’adipokines, cytokines produites par le tissu adipeux, telles que TNFa, interleukine IL-6, adiponectine et leptine. Il en résulte l’inhibition de la différenciation, c’est-à-dire la maturation, des adipocytes, l’apparition d’une insulino-résistance et une apoptose, conduisant finalement à la lipoatrophie. Tous ces troubles, associés à une libération d’acides gras par le biais d’un tissu adipeux insulino-résistant, pourraient être impliqués dans l’ensemble des altérations métaboliques et dans l’insulino-résistance observée chez les personnes vivant avec le VIH souffrant de lipodystrophies.

 A retenir
Par un mécanisme complexe et encore mal connu, les ARV inhibent la différenciation des adipocytes, provoquent l’apparition d’une insulino-résistance et favorisent la mort cellulaire programmée, avec à la clef la survenue d’une lipoatrophie.

Changement de traitement

Afin d’interrompre, voire d’inverser, le phénomène de lipodystrophie/lipoatrophie souvent associé à la prise d’un inhibiteur de protéase (IP) ou de certains inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) comme la stavudine, un certain nombre de stratégies de remplacement - switching en anglais - d’ARV ont été testées. Les données les plus complètes nous viennent de MITOX, un essai clinique ayant pour but d’étudier l’impact du remplacement d’un INTI par l’abacavir sur la graisse des membres supérieurs et inférieurs. Le remplacement de la zidovudine ou de la stavudine par l’abacavir a conduit au bout de 24 semaines à une augmentation de graisse aux niveaux des jambes et des bras de 11%, soit 0,4 kg. Hélas, ce changement est cliniquement sans effet. En revanche, à 104 semaines, l’augmentation de graisse était passée à 35% avec, cette fois-ci, un effet notable en terme clinique. Cependant, le bénéfice potentiel apporté par un tel changement de traitement doit être mis en balance avec le risque d’apparition de nouveaux effets secondaires associés à l’ARV de remplacement. Par exemple, dans l’étude MITOX, 10% des personnes ayant changé pour abacavir ont développé un syndrome d’hypersensibilité.

En plus du remplacement d’un ARV par un autre, un certain nombre d’études ont tenté de sélectionner un ou des traitements proposés en première intention, évitant l’utilisation de INTI. Ainsi, dans un essai clinique randomisé portant sur 262 personnes, celles prenant un traitement à base de ténofovir/lamivudine présentaient, après 96 et 144 semaines, une masse graisseuse au niveau des jambes et des bras significativement plus importante que celles ayant pris le traitement à base de stavudine/lamivudine. Par conséquent, ce type de stratégie peut permettre de retarder l’apparition de la lipoatrophie. Une autre approche consisterait à utiliser des médicaments capables d’empêcher l’apparition du phénomène de lipoatrophie. C’est le cas des molécules de la classe de la thiazolidinedione, ligand du récepteur PPARg, actuellement indiqué dans le traitement du diabète. Malheureusement, et bien qu’une petite étude portant sur l’effet de la rosiglitazone sur la masse graisseuse au niveau des bras et des jambes ait semblé prometteuse, un essai clinique contre placebo de 48 semaine s’est révélé décevant. Cet échec souligne l’étiologie multifactorielle de la lipoatrophie et la difficulté qu’a cet effet secondaire à être enrayé par un seul médicament.

Une approche thérapeutique alternative pourrait venir de l’emploi de metformine, d’hypolipémiant, d’hormones de croissance et plus récemment de pause thérapeutique. Par exemple, la metformine, un normoglycémiant, permet de réduire l’accumulation de graisse intra-abdominale, mais aggrave la lipoatrophie périphérique. Ni le gemfibrozil, utilisé dans le traitement de l’hypertriglycéridémie, ni la pravastatine, un hypolipémiant, n’améliorent la lipoatrophie et de plus, ils n’ont qu’un effet limité sur les triglycérides et le cholestérol. Enfin, bien que l’hormone de croissance puisse être effective pour réduire l’accumulation de graisse intra-abdominale, une étude a montré que son utilisation était associée à plusieurs effets secondaires, notamment une insulino-résistance et l’aggravation de la lipoatrophie. Au contraire, une autre étude, portant sur 31 personnes suivies sur 12 semaines, faisait apparaître une diminution de la lipoatrophie ainsi qu’une réduction de la graisse viscérale sans effets secondaires sur la glycémie ou le cholestérol. Bien sûr, des études incluant un plus grand nombre de personnes sur une durée plus importante sont indispensables pour préciser le rôle de l’hormone de croissance sur cet effet secondaire.

 A retenir
Obtenir la régression d’une lipoatrophie apparaît difficile et est souvent un processus incomplet. Il semble donc plus prudent d’éviter, tant que faire se peut, l’apparition de cet effet secondaire, plutôt qu’essayer de le combattre une fois qu’il s’est installé. De nouvelles recherches sur l’effet lipotoxique - c’est à dire la toxicité pour les graisses - à long terme des ARV sont nécessaires afin de savoir s’il est réaliste de vouloir empêcher la survenue de la lipoatrophie. L’utilisation de combinaisons d’ARV limitant l’apparition de lipoatrophies semble une bonne stratégie, bien que limitée par le phénomène de résistance virale.

Principe d’une méthode de restauration de volume par voie transcutanée

La peau est constituée de trois tissus différents superposés. De l’extérieur vers l’intérieur, on rencontre tout d’abord l’épiderme dont la surface est formée de cellules mortes kératinisées qui desquament. Son épaisseur est faible, de l’ordre du millimètre et varie selon les parties du corps. L’épiderme, qui se compose de 5 couches cellulaires superposées, n’est irrigué par aucun vaisseau sanguin. En revanche, il contient de nombreuses terminaisons nerveuses. Vient ensuite le derme, tissu de soutien qui assure à la fois la solidité et l’élasticité de la peau. Il est traversé par les vaisseaux sanguins et les nerfs et sert d’ancrage aux glandes sudoripares, responsable de la sudation, aux poils aux glandes sébacées et aux ongles. A l’intérieur du derme, on distingue les dermes superficiel et moyen, situés immédiatement sous l’épiderme, ainsi que le derme profond ou chorion qui occupe les 4/5 de la hauteur du derme. La couche la plus profonde est l’hypoderme, matelas graisseux et réserve énergétique, moulé sur les muscles sous-jacents. En cas de lipoatrophie c’est la graisse de l’hypoderme qui disparaît de façon plus ou moins importante et donne un aspect caractéristique émacié. On dit aussi que le « visage prend l’ombre ». Les méthodes de restauration de volume viseront donc à remplacer, par exemple de façon naturelle grâce à l’injection de graisse autologue prélevée sur une autre partie du corps de la personne, le matelas de graisse ayant plus ou moins disparu. Des produits artificiels, New-Fill® - en provoquant l’épaississement de la peau - et maintenant Bioalcamid®, une endoprothèse, combleront le vide laissé par la disparition de la graisse.

New-Fill® (acide polylactique)
Mécanisme d’action et études cliniques

Des injections d’acide polylactique dans le derme profond augmentent le nombre de fibroblastes, cellules du tissu conjonctif impliquées dans les fonctions de soutien, de mouvement, de réponse immunitaire, de croissance et qui sécrètent les composés de la matrice extracellulaire : laminine, fibronectine, collagène... et les protéines du tissu conjonctif. L’injection de New-Fill® stimule la production de collagène, principale protéine dans le corps humain présente dans le derme. L’épaississement obtenu est aussi probablement dû à un phénomène de fibrose induite par le produit. L’acide polylactique connaît de nombreuses applications dans le domaine médical, par exemple pour faciliter l’injection sous cutanée ou intramusculaire de médicament, pour les implants osseux et matériaux de suture pouvant être dissous, et dans le domaine de la cosmétique depuis plus de dix ans. New-Fill® est un produit d’emploi sûr, inerte d’un point de vue immunologique, biodégradable et biorésorbable après 2 à 3 années. Il est totalement éliminé de l’organisme sous forme de dioxyde de carbone sans laisser de métabolite actif dans l’organisme. De plus, il est supposé demeurer actif au-delà de sa période de présence dans le derme.

Cependant, l’effet de New-Fill®, même s’il persiste au moins 2 ans, n’est pas définitif et de nouvelles séries d’injections peuvent être nécessaires chez certaines personnes. D’autre part, l’acide polylactique ne permet pas de restaurer la masse graisseuse perdue au site d’injection, mais accroît plutôt l’épaisseur du derme principalement en augmentant le nombre de fibroblastes et ultérieurement par le dépôt de fibre de collagène. Ce mécanisme d’action offre l’avantage que le nouveau tissu ainsi formé ne sera pas perdu en cas de progrès de la lipoatrophie. En revanche, il n’est pas fait pour les autres parties du corps lorsqu’elles sont affectées par cet effet secondaire.
Plusieurs essais cliniques ont permis de montrer le rôle bénéfique de New-Fill® dans la correction de la lipoatrophie faciale. Citons une étude d’une durée de 24 semaines incluant 30 personnes, 28 hommes et 2 femmes, vivant avec le VIH et traitées en moyenne depuis 80 mois par une thérapie à base de INTI et 44 mois par un traitement comportant un IP. Ces personnes ont reçu trois injections de 4-5 ml de New-Fill® au 1er jour et aux 2ème et 4ème semaines. A la 12ème semaine, une augmentation moyenne de l’épaisseur de la peau de 4-5 mm était notée et persistait au moins 18 semaines après la dernière injection. Aucun effet de l’injection d’acide polylactique sur le taux de lymphocytes CD4+ ou sur la charge virale n’a été observé.

En pratique
Un long travail de lobbying mené par les associations de lutte contre le sida, réunies au sein du groupe inter-associatif TRT-5, a permis d’obtenir le remboursement de New-Fill® lorsque celui-ci est prescrit en indication du traitement de la lipoatrophie chez les personnes vivant avec le VIH sous multithérapie. Le décret précise également qu’il s’agit d’une cure de 5 séances espacées chacune d’au moins un mois. Le tarif de remboursement, paru au journal officiel du 15 février 2005, est fixé à 295 euros. Toutefois, le prix de vente aux pharmacies d’officine par le laboratoire Sanofi-Aventis, qui commercialise New-Fill®, demeure libre. Par conséquent, une pharmacie de ville pourra, en fonction de la marge bénéficiaire qu’elle vise, vendre New-Fill® au prix qui lui convient. La plus grande vigilance est donc de rigueur. Il est indispensable de s’assurer que son prix est effectivement de 295 euros, avant toute commande à la pharmacie. Dans le cas contraire, il ne faut pas acheter le produit et si possible signaler tout écart aux associations. Il y a actuellement environ 130 praticienNEs forméEs à l’injection de New-Fill®, mais seulement un petit nombre d’entre eux/elles réalisent effectivement cette intervention.
Votre médecin, s’il ou elle est rigoureuxSE, devrait avant tout vous poser un certain nombre de questions relatives à votre peau : avez-vous eu de l’acné ? Une dermite séborrhéique ? De l’herpes ? Des cicatrices ? Comment votre peau réagit-elle au soleil ? Etes-vous fortement allergique aux piqûres d’insecte ? Avez-vous des problèmes neurologiques type paralysie faciale ? En tout état de cause, tout ce qui diminue la souplesse de la peau peut gêner la réussite de l’intervention. Les flacons qui vous seront remis contiennent en fait une poudre que le/la médecin devra mettre en solution par addition d’eau, au moins deux heures avant de procéder à l’injection. La quantité d’eau ajoutée est fondamentale. Effectivement, il faut en mettre suffisamment afin d’obtenir une préparation dont la viscosité soit telle qu’elle permette une bonne répartition du produit lors de l’injection et surtout qu’elle ne provoque pas l’apparition de nodules disgracieux. CertainEs praticienNEs vont, en plus de l’eau, ajouter un anesthésique local, la lidocaïne, qui permet de réduire la douleur qui peut accompagner l’injection. Une autre possibilité pour éviter la sensation de douleur consiste à appliquer, une demi-heure avant l’injection une crème type EMLA®, contenant également de la lidocaïne. À la fin de la séance, il est souhaitable de mettre un peu de glace au niveau des zones d’injection. Il sera ensuite recommandé de masser 1 à 2 minutes, matin et soir, pendant une semaine à l’aide d’une crème à l’arnica. À l’issue de l’injection, la personne va observer un gonflement au niveau de la zone d’injection qui va s’estomper au bout de 48h environ. Bien que parfaitement normal, cela peut surprendre surtout lors de la première séance d’injection. Il peut également apparaître un hématome qui se résorbera plus ou moins vite, il est dû au traumatisme provoqué par les piqûres. Dans l’idéal, votre médecin vous proposera un suivi, avec photographie - normalement gratuite - et questionnaire visant à apprécier votre degré de satisfaction. L’injection peut être effectuée au niveau des joues, 4 à 5 mL par joue, selon la sévérité de la lipoatrophie. Elle peut aussi être réalisée au niveau de la tempe et autour des yeux, la quantité injectée est alors de 0,4 ml environ - quelques gouttes en somme - et le résultat est plus long à obtenir que pour les joues. La cure comporte de 3 à 8 séances nécessitant pour chacune d’elle 1 à 2 ampoules, c’est à dire un kit, selon la sévérité de la lipoatrophie. Les effets indésirables parfois constatés à l’issue d’une injection sont : petites grosseurs, hématomes et exceptionnellement paralysie faciale. Deux autres effets secondaires imposant l’arrêt de la cure peuvent être rarement observés, il s’agit de la vascularite régressive et du granulome inflammatoire - nodule rouge inflammatoire. La durée d’efficacité du produit est de une à trois années. Un retour à une lipoatrophie peut être constaté. Bien sûr le produit de comblement ne changera pas l’aspect de la peau (taches brunes, cicatrices dues à une acné antérieure, couperose). Si une cure de 4 à 6 séances d’injection de New-Fill® ne donne pas de résultat satisfaisant, l’emploi d’une autre méthode de correction de la lipoatrophie doit être envisagé.

 A retenir
Bénéficiant depuis peu d’une prise en charge par l’assurance maladie, et technique particulièrement légère car ne nécessitant pas d’hospitalisation, New-Fill® est une excellente méthode de correction de la lipoatrophie faciale. Le résultat n’est pas immédiat : il faut une cure de 5 séances espacées d’un mois ; de plus, certaines lipoatrophies sévères ne répondent pas à ce traitement.

Autogreffe adipeuse ou lipostructure (coleman)

Une autre méthode de restauration de volume par voie transcutanée, ne nécessitant pas de chirurgie lourde telle qu’ouverture de la peau afin de glisser une prothèse, est l’autogreffe adipeuse. Cette technique consiste à prélever, sous anesthésie générale, un volume de graisse, généralement au niveau de l’abdomen, et, après centrifugation, à le ré-injecter au niveau de la zone du visage présentant une lipoatrophie. Il s’agit d’une greffe adipocytaire consistant à effectuer une sorte de
« maillage » sous la peau et non pas simplement à injecter une boule de graisse. Ce maillage permet d’obtenir une bonne revascularisation de la graisse injectée de façon à ce que la greffe « prenne » effectivement. En aucun cas la graisse injectée au niveau des joues ne peut se déplacer vers une autre partie du visage ou vers le cou par exemple. De l’aveu même des médecins, cette technique, délicate à mettre en œuvre, est très « opérateur dépendante », il est donc indispensable de choisir un médecin dont on sait qu’il a l’expérience de ce type d’intervention. L’inconvénient principal de cette méthode est sa lourdeur de mise en œuvre, même si l’intervention en elle-même n’excède pas une heure. Effectivement, il faut tout de même prévoir une hospitalisation de 24 à 48 heures et plusieurs jours de repos afin de se remettre de l’anesthésie générale et pour permettre à l’hématome et à l’œdème de se résorber. Bien sûr, si la personne ne présente pas de graisse au niveau abdominal, ce type d’intervention n’est pas possible.

 A retenir
Alternative pour ceux et celles qui préfèrent une méthode « naturelle », l’autogreffe adipeuse évite l’injection d’un corps étranger. En revanche, il s’agit d’une technique plus lourde que New-Fill® - puisque chirurgicale - nécessitant hospitalisation, anesthésie générale et une période de repos post-opératoire.

Bio-Alcamid

Dans certains cas particulièrement sévères, New-Fill®, l’autogreffe adipeuse ou d’autres méthodes de restauration de volume, ne suffiront pas à corriger de façon satisfaisante une lipoatrophie faciale. Un produit récemment envisagé comme pouvant être utilisé dans la correction de la lipoatrophie a fait son apparition, il s’agit du Bio-Alcamid. Bio-Alcamid est une endoprothèse injectable, commercialisée par la firme italienne Polymekon, indiquée pour la correction de déficit des tissus mous. Il s’agit d’un polymère gélifié composé de réticulations exclusives de groupes alkyl-imidiques (environ 4 %) et d’eau (environ 96 %). Après avoir été implanté à l’aide d’une seringue, le produit est recouvert par l’organisme d’une capsule très mince - 0,02mm - de nature collagénique qui entoure totalement le gel et l’isole des tissus qui l’accueillent en le transformant en une véritable prothèse. La formation de cette capsule permet à tout moment d’envisager le retrait de l’implant par une petite incision réalisée sous anesthésie locale qui permet d’éliminer le surplus de produit. Il s’agit d’une technique non chirurgicale - on ne passe pas au bloc opératoire - permettant de corriger en une seule fois un volume moyen à important avec un résultat immédiat durable et, semble-t-il, avec une bonne tolérance. Le produit est indiqué pour les pommettes, mais aussi les fesses. Pour le visage, le volume à injecter est d’environ 3 ml. Pour les fesses, une injection d’au moins 100 ml dans chaque fesse est nécessaire. Elle est effectuée sous anesthésie locale, de préférence en position debout, et dure environ deux heures. Après ce type d’intervention, il est possible de s’asseoir immédiatement. L’inconvénient majeur est le prix du produit. Pour les fesses, 200 ml de Bio-Alcamid coûte 3900 euros auxquels il faut rajouter la prestation du/de la praticienNE. le coût total est de 5000 à 6000 euros. Pour le visage, le prix est d’environ 1000 euros, soit un coût au ml environ 3 fois plus élevé que dans le cas d’une intervention pour les fesses. En terme de remboursement, le produit ne bénéfice d’aucune prise en charge par la sécurité sociale.

 A retenir
Permettant de restaurer des volumes plus importants, Bio-Alcamid peut constituer une excellente alternative dans les cas de lipoatrophie faciale ne répondant pas à un traitement par New-Fill® ou l’autogreffe adipeuse. Ce produit est d’autant plus intéressant que son effet est immédiat et qu’une seule injection est généralement nécessaire. Il peut être utilisé pour la lipoatrophie des fesses. L’inconvénient majeur, est son prix d’autant plus qu’il ne bénéficie d’aucune prise en charge par la sécurité sociale.

Comparaison des trois méthodes présentées

L’autogreffe adipeuse est une technique chirurgicale qui nécessite pour le/la praticienNE une solide expérience en la matière. New-Fill® est une technique médicale de mise en œuvre plus aisée. Enfin, Bio-Alcamid est une technique frontière entre le chirurgical et le médical nécessitant un apprentissage pour le/la praticienNE et une attention particulière aux risques d’infections. En terme de risque associé au produit injecté, l’injection de sa propre graisse est évidemment la technique la plus sûre. L’obtention d’un résultat nécessite un délai pour New-Fill® et est immédiate pour Bio-Alcamid. Au niveau des indications, la lipostructure est adaptée à une correction de volume modéré de même que New-Fill®. Ce dernier est également parfaitement indiqué pour corriger une ride pouvant avoir pour origine une très légère lipoatrophie. Bio-Alcamid est quant à lui indiqué pour des corrections de volumes plus importantes. La graisse, comme le Bio-Alcamid sont extractibles après injection, dans la mesure où New-Fill® est résorbable, la question ne se pose pas.

Conclusion

Véritable stigmate pour les personnes atteintes, la lipoatrophie constitue un enjeu majeur - un de plus - de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH. Au demeurant, la meilleure stratégie pour lutter contre la perte de graisse sous-cutanée, demeure le choix d’un traitement permettant de prévenir ou à défaut, de limiter l’apparition de cet effet secondaire. Malheureusement le choix d’un traitement bénéficiant de la meilleure innocuité est parfois limité notamment par le phénomène de résistance virale sans cesse en progression. Lorsque la lipoatrophie est constatée, il est souhaitable qu’elle le soit le plus tôt possible. Un changement de traitement peut s’avérer dans certains cas intéressant. Lorsque la lipoatrophie est installée, il existe un certain nombre de méthodes de correction dont New-Fill® et l’autogreffe adipeuse, méthodes bénéficiant d’une prise en charge par l’assurance maladie. Dans les cas de lipoatrophies les plus sévères, c’est à dire, chez les personnes qui ont le plus besoin d’une prise en charge médicale, les méthodes précédentes peuvent se révéler inopérantes. Reste alors Bio-Alcamid, mais celui-ci est onéreux et ne bénéfice d’aucun remboursement.