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Édito

juin 1999

L’IGAS ET LES HANDICAPES NANTIS

Quand nous disions que nous, malades du sida, étions désormais considérés non seulement comme des empêcheurs de tourner en rond mais également comme des profiteurs d’un système censé avoir fait son temps ...

Cette logique suit son cours, puisque ce sont maintenant les handicapés dans leur ensemble dont il faudrait revoir la position de nantis, selon le rapport de l’IGAS sur l’A.A.H.

Dixit les auteurs de ce rapport, l’Allocation Adulte Handicapé est définitivement trop « attractive » pour ne pas être à réformer :

c’est le minimum social le plus élevé (avec le minimum vieillesse ) ; la prise en compte des ressources ouvrant le droit administratif est trop favorable, même les étrangers peuvent désormais en bénéficier s’ils sont en situation régulière ; l’appréciation de l’état de santé du candidat est telle qu’un certain nombre de bénéficiaires peuvent être soupçonnés de ne pas être réellement handicapés.

Poursuivant son compte-rendu surréaliste, l’IGAS propose que des mesures dissuasives soient prises pour restreindre drastiquement l’accès à l’allocation : fiscalisation de l’A.A.H., fin de la possibilité de recours sans risque, ouverture du recours aux représentants de l’Etat, révision du Guide-Barème d’appréciation du handicap, renforcement du contrôle des ressources par les CAF...

Le tout s’achève sur l’énonciation d’une proposition très « air du temps » : faire passer tout le système de l’A.A.H. dans une prestation universelle d’incapacité. Cette idée pourrait théoriquement être entendue si l’intention de ce projet n’était pas d’enfermer l’A.A.H. dans un cadre plus restrictif et contraignant, où le contrôle social et le nivellement par le bas, sous la tutelle des médecins inspecteurs de la sécurité sociale, commenceront tranquillement à se mettre en place.
A la lecture de ce rapport, on comprend alors pourquoi il fut si peu diffusé.

Cynique, franchement grossier, de toute façon politiquement insupportable, ce bilan comptable du handicap doit au contraire être largement communiqué afin que les ministères concernés s’expriment clairement à son sujet et expliquent à tous les malades si oui ou non ils ont l’intention de continuer à poser les jalons d’une politique qui ne veut plus les prendre en charge et qui ne poursuit qu’un seul objectif : déverser le gros du « stock » des handicapés (c’est le terme employé dans le rapport !) - et les malades du sida seront les premiers servis bien entendu - sur un marché du travail inadéquat et obligé, seule obsession d’une pensée gouvernementale étroite. C’est pourquoi Act Up-Paris s’est chargé de l’envoi de ce rapport aux associations de malades et handicapés, à la presse et aux partis politiques.

Nous n’avons évidemment pas l’intention de laisser s’installer ce climat de contrôle et restriction. Bien entendu, les C.O.T.O.R.E.P. travaillent mal ; cela fait longtemps que nous le disons. Mais, pour pallier ces dysfonctionnements, nous attendons autre chose qu’un nouvel empiètement sur les droits des malades. Nous exigeons des insitutions la responsabilité politique, l’innovation et un vrai travail sur le statut social de la maladie. Il est inconcevable que les responsables des politiques de santé de ce pays n’aient rien d’autre à proposer que des bilans financiers, des économies sur le dos des handicapés, l’abandon de minima sociaux et la « voie royale » du retour au travail.

La suite de ce numéro d’Action = Vie : Le rapport de l’I.G.A.S sur l’A.A.H