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OMS : liste des actions essentielles pour Gro Harlem Brundtland avant son départ

jeudi 30 janvier 2003

« L’OMS est bien engagée dans la voie nécessaire pour répondre à tout ce qu’on attend d’elle. Le rôle critique que joue la santé dans le développement est désormais largement reconnu. Nos priorités sont maintenant bien comprises. » dixit Gro Harlem Brundtland.

Le Conseil exécutif de l’Organisation Mondiale de la Santé vient d’identifier le successeur de Gro Harlem Brundtland à la tête de l’organisation. Ce nouveau mandat devra être validé par l’Assemblée mondiale de la Santé en mai, et débutera en juillet prochain. L’heure est donc au bilan, notamment en ce qui concerne la politique mise en oeuvre par l’OMS pour lutter contre l’épidémie de sida, une épidémie responsable de la mort de plus de trois millions de personnes par an et qui représente une crise sanitaire internationale sans précédent.

Dans de son allocution de départ de novembre dernier, Gro Harlem Brundtland déclarait avoir « mis l’accent sur la priorité à accorder à l’amélioration de la santé des pauvres ». Rappelons pourtant que l’OMS, se soumettant à la volonté américaine, a été l’un des principaux freins à l’accès aux traitements contre le sida pour les malades des pays en développement. Malgré l’explosion de l’épidémie et le nombre toujours plus important de morts, Gro Harlem Bruntland a longtemps refusé d’inscrire l’accès aux traitements antirétroviraux parmi les priorités de l’OMS, préférant promouvoir une politique focalisée sur la prévention des contaminations - ce alors que l’arrivée des génériques et la mise en place de programmes pilotes témoignaient de la faisabilité à moindre coût de la mise sous traitement dans les pays à ressources limitées. Par ailleurs, il aura fallu plusieurs années de lutte pour qu’enfin l’OMS inscrive les traitements antirétroviraux dans sa liste des médicaments essentiels. De même, alors qu’il existe des traitements génériques beaucoup moins coûteux que les produits des multinationales, l’OMS fait preuve d’une lenteur extrême pour valider la qualité de ces produits et favoriser ainsi leur utilisation dans les pays en développement.

Cette attitude s’explique en partie par le fait que l’OMS est en permanence sous la menace de coupes budgétaires des pays riches et est de plus en plus dépendante de bailleurs privés, qui financent deux tiers de son budget actuel. Une situation nettement renforcée par les multiples partenariats public/privé encouragés par Gro Harlem Brundtland.

L’initiative « Accelerating Access » en est une parfaite illustration. Lancée en 2000 par l’ONUSIDA et plusieurs laboratoires pharmaceutiques, ce programme, repris par l’OMS en 2001, devait permettre de développer l’accès aux antirétroviraux dans les pays pauvres. Après deux années, seules 25 000 personnes dans le monde ont à un moment ou à un autre bénéficié de traitement à travers cette initiative. En outre, cette dernière a généré nombre d’effets pervers que l’OMS a cautionnés : instrumentalisation des institutions internationales de santé par les compagnies pharmaceutiques, discrimination entre pays, contrôle et monopolisation des marchés, court-circuitage des systèmes nationaux d’approvisionnement en médicaments, développement de prescriptions irrationnelles et dangereuses.

Gro Harlem Brundtland souhaitait mettre l’accent sur la priorité à accorder à l’amélioration de la santé des pauvres. Pourtant, lors des dernières négociations à l’OMC, alors que les pays riches menaient une véritable politique d’intimidation et de pression sur les pays en développement pour empêcher le recours aux génériques, la Directrice générale de l’OMS n’a à aucun moment défendu la primauté du droit à la santé sur les intérêts commerciaux.

Durant le mandat de Gro Harlem Brundtland, l’épidémie de sida n’a fait que prendre plus d’ampleur. 42 millions de personnes sont aujourd’hui contaminées par le VIH/sida, un quart d’entre-elles devraient être mise sous traitement immédiatement. Au terme de cinq années de mandat il reste désormais 6 mois à Gro Harlem Brundtland pour rattraper un partie du temps perdu.

Pour cela plusieurs mesures s’imposent :
 Publier les sommes que chaque pays (et en particulier ceux du G8) devrait consacrer a la lutte mondiale contre le sida en 2003 pour être en conformité avec les engagements pris à l’ONU et à Gênes en 2001 ;
 Produire enfin un plan d’action pour atteindre l’objectif que Gro Harlem Brundtland s’est fixé à Barcelone, en juillet 2002 : permettre la mise sous traitements antirétroviraux de 3 millions de personnes d’ici à 2005 ;
 Imposer la réintégration des négociations sur les effets du respect de la propriété intellectuelle sur la santé dans le cadre de l’Assemblée Mondiale de la Santé et non à l’OMC ;
 Reconnaître publiquement que le régime de propriété intellectuelle prévalant dans les pays riches sur la santé est incompatible avec les impératifs de santé publique dans les pays en développement et l’ampleur de la crise sanitaire actuelle ;
 Appeler à la levée des brevets sur toutes les technologies de santé ;
 Mettre à la disposition des départements de l’OMS chargés de la lutte contre le sida et l’accès aux médicaments les moyens de valider dans les plus brefs délais la qualité des différents médicaments génériques existants ;
 Mettre en place un véritable travail d’assistance technique dans les pays en développement, en matière de mise en place de programmes de prise en charge médicale.