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Le Conseil national du sida (CNS) rend un avis favorable à la mise à disposition des autotests de dépistage de l’infection à VIH

vendredi 22 mars 2013

Dans son avis du 20 décembre 2012, rendu public aujourd’hui, le Conseil national du sida s’est prononcé en faveur de la mise à disposition des autotests. Il avait été saisi cet été par le Ministère de la Santé suite à l’autorisation d’un autotest (OraQuick Test) aux États-Unis.

Comme le rappelle cet avis, le but de ce dispositif est de toucher des personnes actuellement éloignées des autres dispositifs de dépistage : il s’agit notamment de cibler « l’épidémie cachée » constituée par les personnes ignorant leur séropositivité, épidémie dont la dynamique induit un risque accru de transmission, notamment chez les gays et les migrantEs, chez qui la prévalence est la plus inquiétante. Il s’agit notamment de cibler des gays ou bisexuels vivant une sexualité cachée, parfois en parallèle d’une situation conjugale classique, ou des personnes éloignées géographiquement des lieux de dépistage. Il s’agit également de s’adresser à des publics précaires tels que les travailleurSEs du sexe ou les usagerEs de drogue.

Act Up-Paris, qui s’était par le passé positionnée contre ce dispositif, à l’instar du CNS, a également modifié sa position au vu des données récentes de l’épidémie, de l’efficacité des nouveaux tests, mais également au vu des données sociologiques sur la potentielle demande de la part de publics particulièrement exposés et non-inclus dans les dispositifs habituels de dépistage.

Deux militantEs de l’association ont été auditionné par le CNS, et avaient soulevé à cette occasion des points de vigilance en partie repris dans l’avis :

  • Il avait été mentionné que ce nouveau dispositif ne devra pas être délivré par les acteurs habituels du dépistage, car face à un public vivant « caché » ou dans la peur d’être identifié dans sa demande de dépistage, la délivrance du test par des associations ou institutions identifiées « sida » serait une erreur. L’avis conforte ce point de vigilance, en écrivant que « le Conseil juge nécessaire la mobilisation des acteurs, notamment associatifs, mais également institutionnels qui ne sont pas exclusivement dédiés à la lutte contre le VIH/sida ». Ainsi, les autotests ne doivent pas réitérer l’erreur des TROD, confiés trop souvent à des associations dont le public est déjà dépisté, et ne doivent pas constituer une nouvelle manne financière pour des acteurs en manque de nouveaux « gadgets » à proposer au public. Les autotests doivent donc être délivrés de manière intelligente et subtile, avec des méthodes d’approches jusqu’ici non-employées en France (par exemple en utilisant d’autres prétextes pour proposer aux personnes ces autotests, et en évitant absolument de le faire avec une identification « lutte contre le sida »).
  • Il sera nécessaire de s’assurer de la communication qui sera réalisée autour des auto-tests : si ce dispositif apparaît comme un outil potentiellement pertinent pour des personnes isolées et/ou ayant la crainte d’être vues dans les structures classiques de dépistage, il faudra, comme pour tout dispositif de dépistage, s’assurer qu’il ne soit pas mal utilisé. Ainsi, Act Up-Paris souligne le risque de voir des personnes utiliser ces tests dans le cadre de relations sexuelles, à fin de « sérotriage », c’est-à-dire pour sélectionner ses partenaires sexuelles (voire de les exclure) sur la base de leur statut sérologique.
  • Autre point de vigilance, qui n’a pas été retranscrit dans l’avis, il est nécessaire de se prémunir contre les tentatives à venir de faire des autotests une première étape dans la mise à disposition des PrEPs (antirétroviraux préventifs, non encore commercialisés en France). Ces tests ne sont pas en soi une garantie supplémentaire de bon usage des PrEPs, qui nécessitent des tests réguliers. Les PrEPs posent des problèmes de mise à disposition plus complexes, et les autotests constitueraient a priori un risque de « bricolage » préventif trop important.
  • Enfin, il ne faudrait pas que cet avis serve d’argument supplémentaire à la baisse des moyens des centres de dépistages anonymes et gratuits (CDAG) ou autres dispositifs médicalisés : d’une part parce que ces tests, moins efficaces, peuvent être envisagés pour des personnes qui ne se feront de toute façon pas dépister, mais constituent un danger pour des personnes qui abandonneraient les formes de dépistages classiques pour ce type de dispositif (tests moins efficaces, manque d’encadrement comportemental), ce risque ayant d’ailleurs été calculé récemment. De plus, chez des publics très exposés comme les gays, les migrantEs, les travailleurSEs du sexe ou les usagerEs de drogue, le dépistage des autres IST, telles que la syphillis ou l’hépatite B et C sont des priorités : ces infections constituent autant de portes d’entrée pour le VIH, et non dépistées, peuvent accroître la dynamique de l’épidémie et les complications qui s’ensuivent (notamment la co-infection VIH/Hépatite C).

Les autotests doivent donc être mis à disposition de manière réfléchie, et ne doivent pas faire oublier la complémentarité du dépistage avec le préservatif et l’adoption plus générale d’une démarche de santé sexuelle complète (adoption de comportements safe, dépistage des IST, régularité du dépistage VIH).