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Chiffres du sida : la manipulation continue

vendredi 17 avril 1998

Act Up-Paris exprime son désaccord sur l’interprétation des dernières données épidémiologiques concernant le sida.

Le 9 avril, le Secrétariat d’Etat à la Santé annonçait la chute de 70% des décès dus au sida entre 1995 et 1997 et la baisse de 50% du nombre d’hospitalisations sur la même période. Délivrées dans le but de faire les gros titres, ces interprétations sont incomplètes. En tronquant la réalité, elles sont contestables.
La référence à l’année 1995 n’a d’autre objectif que de produire des chiffres spectaculaires. En effet, on sait que depuis 1996 avec l’arrivée des antiprotéases et la mise en place des multithérapies, les décès ont fortement chuté. L’annonce du 9 avril ne fait que confirmer cette donnée. Cependant, elle occulte une information publiée par le BEH n° 9/1998 : sur l’ensemble de l’année 1997, le nombre de décès ne diminue plus. Par rapport à 1996, ce nombre est resté stable. 902 personnes sont mortes du sida l’an dernier.

Concernant les hospitalisations, la diminution du nombre de journées masque un autre phénomène. Celui de la lourdeur des prises en charge (grande précarité des malades, affections opportunistes graves, échappements thérapeutiques, atteintes neurologiques, etc.) attesté par l’accroissement de la charge de travail des personnels soignants et médicaux. Il est temps que les autorités en charge de l’hospitalisation mettent en place des enquêtes de qualité afin que l’exacte réalité de cette situation soit connue.
On assiste donc à une nouvelle manipulation politique des chiffres du sida, prélude à un désengagement de l’Etat.

Pourtant, la réalité reste inquiétante et appelle des ajustements significatifs :
 6 000 personnes sont contaminées chaque année et aucune campagne de prévention d’envergure n’est mise en place.
 Chez les personnes contaminées par voie hétérosexuelle, le nombre de cas de sida augmente de 10% entre les 2 semestres de 1997 (chiffres RNSP, Réseau national de Santé Publique).
 Une proportion importante de patients ne connaît pas sa séropositivité avant le diagnostic de sida (56% des sujets hétérosexuels diagnostiqués sida au second semestre de 1997, 45% chez les homosexuels/bisexuels et 20% chez les toxicomanes). Ces chiffres du RNSP montrent que le recours au dépistage est encore difficile pour diverses raisons : exclusion sociale, non-perception du risque, facteurs psychologiques...

Plusieurs milliers de personnes sont en échec thérapeutique : ni les pouvoirs publics ni les firmes pharmaceutiques ne s’en préoccupent.
Plutôt que des annonces fracassantes, Act Up-Paris exige de Bernard Kouchner qu’il se mette au travail.