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Aide médicale d’État : François Fillon introduit la préférence nationale

dimanche 30 novembre 2003

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004, François Fillon a décidé de s’attaquer de nouveau à l’Aide médicale d’Etat (AME), dispositif qui permet jusqu’à présent aux étrangerEs sans-papiers malades d’accéder à des soins gratuits.

Non content de promettre à nouveau le paiement du ticket modérateur pour les bénéficiaires de l’AME, François Fillon entend également restreindre l’offre de soins couverte par l’AME ainsi que les critères d’ouverture de droits. Sous couvert de « réforme », il s’agit en fait d’un véritable démantèlement de l’accès aux soins pour les sans-papiers, et par là d’une application de la préférence nationale au système de santé : les étrangerEs sans-papiers n’auraient en effet pas droit aux mêmes soins que le reste de la population. Dominique Versini s’était pourtant engagée à garantir la gratuité des soins et à consulter les associations sur toute décision gouvernementale concernant l’AME.

Or, force est de constater que tel n’a pas été le cas. De plus, pour justifier ses projets, François Fillon avance des chiffres mensongers. Il se base sur un rapport de l’IGAS, qui mentionne lui-même que ses chiffres sur les dépenses liées à l’AME sont peu fiables. Et ceux avancés par le ministre pour 2003 correspondent pour moitié à des dépenses des années précédentes — ce qu’il se garde bien de dire. Plus grave encore, les montants affichés intègrent des frais dus à des pathologies graves, notamment des dépenses importantes pour des antirétroviraux. Or les personnes concernées devraient être régularisées en raison de leur état de santé (article 12 bis 11° de l’ordonnance de 1945), et ainsi bénéficier de la CMU et du 100 % Affections longue durée (ALD). Il est de même scandaleux de faire porter la responsabilité du coût de l’AME aux demandeurSEs d’asile, quand ils-ELLES sont censéEs bénéficier eux-ELLES aussi de la CMU. Enfin, il est aussi à noter que sont comptabilisés dans le coût de l’AME les frais liés aux interruptions de grossesse et aux accouchements anonymes, ainsi que les soins donnés aux personnalités étrangères accueillies par le corps diplomatique français…

Conséquences dramatiques

Quand vous êtes sans-papiers, sans droit, sans revenu, et que l’accès aux soins vous est difficile, vous ne pensez pas prioritairement à votre santé, tant qu’une maladie grave n’handicape pas lourdement votre vie. L’accès aux soins se fait alors bien souvent trop tard. Ces mesures auront donc des conséquences dramatiques en termes de santé, individuelle et publique, et sont inconséquentes d’un point de vue strictement budgétaire, puisque les frais médicaux occasionnés seront encore plus lourds. Le Ministère des affaires sociales sait pourtant que les inégalités face à la santé sont particulièrement flagrantes pour les migrantEs, et encore plus quand ilsELLES se trouvent en situation administrative précaire. De fait, le rapport de l’IGAS lui-même mentionne les données épidémiologiques fournies par l’InVS : augmentation des nouveaux cas de sida chez les étrangerEs (5 % en 1995, 22 % au premier semestre 2002), et inégalité dans l’accès au dépistage et la découverte du statut sérologique (elle se fait dans 68 % au moment du diagnostic du stade sida pour les migrantEs venant d’Afrique sub-saharienne, contre 42 % pour les françaisES). C’est en toute connaissance de cause que François Fillon défend ces mesures racistes, au mépris des conséquences sanitaires qu’elles ne manqueront pas d’avoir si elles sont adoptées. Dans la perspective des élections régionales, nous saurons rappeler le sort auquel les parlementaires et le gouvernement auront destiné les sans-papiers malades.

Act Up-Paris exige :
 l’abandon immédiat de tout projet de restriction de l’accès à l’Aide médicale d’Etat ;
 l’abrogation de l’article 57 de la loi de finances rectificative pour 2002 ;
 la régularisation de tous les sans-papiers et leur intégration dans la CMU.