Accueil > Étrangers > Restriction des conditions d’accès à l’Aide médicale d’Etat : « nous (...)

Restriction des conditions d’accès à l’Aide médicale d’Etat : « nous sommes de mauvais élèves, nous n’avons pas bien travaillé »

mercredi 18 juin 2003

Le 12 juin dernier, Act Up-Paris organisait un zap contre le ministère des Affaires sociales. Depuis la fin du mois de mai, les associations et la presse avait connaissance d’un projet de circulaire du cabinet de François Fillon visant à restreindre très fortement les conditions à l’Aide Médicale d’État (AME), prestation qui permet aux étrangerEs sans papiers de bénéficier d’un accès gratuit aux soins de santé. Cette circulaire n’a qu’un seul objectif : exclure du dispositif de l’AME tous ses bénéficiaires et plus particulièrement les sans-papiers. Alors que les militantEs d’Act Up-Paris occupaient la cour du ministère, Patricia Sitruk et Pierre Soutou, respectivement conseillère technique et chargé de mission au cabinet de Fillon, ont rencontré deux représentants de notre association Jérôme Martin et Sylvain Dambrine. Nous publions la transcription des propos échangés pendant ce rendez-vous.

Jérôme Martin : Le sujet qui nous amène c’est le même que la dernière fois. À savoir la réforme de l’AME [Aide Médicale d’État] que le gouvernement ne cesse de vouloir imposer aux personnes les plus précaires. En janvier dernier, après nos actions et les pétitions de MDM [Médecins du Monde], MSF [Médecins sans Frontières], vous avez pris plusieurs engagements : premièrement, dans le cas d’une éventuelle application de la loi, ou d’une circulaire, recadrant l’AME, il ne serait pas touché au principe de la déclaration sur l’honneur. Deuxièmement, vous vous étiez engagé, ainsi que Dominique Versini, à consulter les associations avant toute modification du dispositif. Or, aucun de ces deux engagements n’a été tenu, puisqu’il y a un projet de circulaire qui est maintenant à l’étude dans ce ministère et qui revient complètement sur le principe de déclaration sur l’honneur. De plus, les associations n’ont pas été consultées. Donc c’est pour ça qu’on a fait ce zap ce matin, c’est pour ça qu’on n’a pas demandé de rendez-vous. Je vous ai déjà parlé en janvier, je pense qu’il y a un moment où il faut que vous compreniez que ce que vous faîtes c’est du racisme d’État. On est déjà face à un système qui est inégalitaire entre les étrangers régularisés, les Français et les étrangers sans papiers. Vous êtes en train, vous, puisque vous travaillez dessus, de renforcer cette inégalité. Donc, j’affirme, Act Up-Paris affirme et d’autres associations vont l’affirmer également que vous appliquez au système de santé le principe de préférence nationale lepéniste.

Sylvain Dambrine : Par ailleurs, vous devez assumer les impacts en terme de santé publique que cela va avoir. L’impact sanitaire que cela va avoir sur la santé des sans papiers. Qu’est-ce que ça veut dire ? Comment pouvez-vous assumer ces conséquences-là ? Ils vont attendre d’être tellement malade pour se faire soigner ? La prise en charge va être tellement plus compliqué. Qu’est-ce que ça veut dire ? Que leur santé ne compte pas ? Moi, j’aimerais savoir comment vous envisagez cette décision ?

Jérôme Martin : Pour que la discussion soit rapide. On a contacté la Direction des Affaires Sociales qui a été chargée de rédiger ce projet de circulaire. J’ai eu la directrice adjointe, je crois, je ne sais plus son nom, je n’ai pas mes notes avec moi. Je lui ai bien demandé qui avait la responsabilité de cette décision, qui avait eu cette bonne idée de vouloir gonfler artificiellement les ressources des demandeurs, de vouloir remettre en cause le principe d’urgence médicale et le principe de déclaration sur l’honneur ? Elle m’a dit : « cela vient du politique, cela vient de François Fillon et un peu de Mattéi, mais essentiellement du cabinet Fillon ». Après on peut poser des questions simples : à combien estimez-vous la vie d’un sans papiers ? Puisqu’il est question de cadrer l’AME. C’est comme ça qu’il faut poser les questions.

Pierre Soutou : Vous avez dit qu’un certain nombre d’engagements n’ont pas été tenus… Je suis un peu étonné, enfin, il faut être plus précis sur les faits [suit un historique non retranscrit car inaudible.].

Jérôme Martin : L’historique, on connaît, le 17 février…

Pierre Soutou : Après on va voir où on diverge, puisque apparemment on est pas sur la même longueur d’onde. Il [le Premier Ministre] a demandé à Madame Versini de rencontrer les associations concernées. Cette rencontre a-t-elle eu lieu ou pas ?

Jérôme Martin : Oui, elle a eu lieu. Elle a abouti au fait que le gouvernement a suspendu l’application de la loi. Ce que les associations n’ont pas vraiment interprété comme une victoire, puisque la loi reste effective et elle peut à tout moment être appliquée. Dans ce cas là, oui, les associations ont été consultées. Moi je vous parle maintenant de l’application. Je vous ai dit que vous vous étiez engagé devant les associations, et Dominique Versini avec vous, que la loi ne serait pas appliquée pour le ticket modérateur. Elle avait dit qu’il y aurait une circulaire qui allait sortir et que les associations seraient consultées.

Pierre Soutou : Il y a un premier temps, c’est la rencontre avec les associations. Nous sommes d’accord pour observer que cette rencontre a eu lieu ?

Jérôme Martin : Attention, elle a eu lieu, parce que les associations se sont manifestées.

Pierre Soutou : C’est suite à cette rencontre que le décret d’application a été supprimé. Deuxième temps : il a été dit qu’il y aurait circulaire. Vous êtes bien d’accord avec ça ?

Jérôme Martin : Oui.

Pierre Soutou : La circulaire ne portait pas sur le ticket modérateur, elle portait sur des précisions à apporter sur les modalités d’instruction du dossier, compte tenu de la réglementation et de la législation en vigueur. Il n’a jamais été dit, et là je ne suis pas du tout d’accord avec vous, que tout le système déclaratif était suffisant. Ça n’a jamais été dit. Il a été dit que quand on est sans papiers, on a des difficultés à faire la preuve de ses ressources.

Jérôme Martin : Je connais mieux que vous leurs difficultés.

Pierre Soutou : Tout ça il faut bien le comprendre. Concrètement, c’est beaucoup plus difficile d’établir l’identité, les ressources, le domicile, de personnes étrangères en situation irrégulière que pour d’autres personnes, ça on le sait. Les Caisses Primaires le savent et nous le rappellent tous les jours. D’autant plus qu’entre temps il y a eu une mission de l’Inspection Générale des Affaires Sociales dans les Caisses Primaires pour voir si le texte est appliqué. Elle a mis en évidence que, certes, il y avait une difficulté particulière à justifier l’identité, les ressources, le domicile, etc, mais qu’il y avait aussi des dérives. C’est pas moi qui le dit, c’est le rapport de l’Inspection Générale, et que notamment pour les ressources, le système était devenu quasiment déclaratif. Or, je rappelle qu’une circulaire, qui n’est pas de ce gouvernement mais du précédent, avait rappelé que les déclarations sur l’honneur devait avoir un caractère exceptionnel. C’est quand même un principe de base. Il se trouve pour ce qui concerne l’établissement des ressources, qui est un des éléments déterminants pour l’accès aux droits, ce qui doit être une exception, est devenu une règle. Ce n’est pas nous qui le disons c’est la cour d’inspection indépendante. Nous ne faisons que constater. Il n’y a pas de jugement critique à porter là-dessus. Il y a simplement qu’une règle n’est pas appliquée. Sans doute parce qu’elle est difficile à appliquer.

Jérôme Martin : Si vous voulez que des sans papiers puissent présenter des papiers, il suffit de les régulariser. C’est tout simple…

Pierre Soutou : Attendez.

Jérôme Martin : C’est juste…

Pierre Soutou : Non attendez.

Jérôme Martin : C’est simple.

Patricia Sitruk : Moi, je voudrais compléter. Quand on dit qu’il y a dérive, il ne s’agit pas de faire porter une responsabilité quelconque sur les bénéficiaires potentiels. Mais, c’est-à-dire, enfin c’est comme ça que l’a entendue la CPAM [Caisse Primaire d’Assurance Maladie], qu’ils ont entendu ça comme une dérive dans leurs pratiques administratives par rapport à l’application d’un texte, d’une circulaire, qui disait qu’en effet, dans certains cas exceptionnels ont pouvait avoir à faire une déclaration sur l’honneur. Et eux, ils ont eu connaissance du rapport, et c’est eux-mêmes qui nous ont dit : « bon, nous sommes des mauvais élèves, nous n’avons pas bien travaillé ». Nous ne leur avons pas dit. Je reprends des propos qui sont les leurs. Donc ça, je crois que c’est quand même important de le clarifier. Maintenant s’agissant des papiers des sans papiers : vous les connaissez et bien que nous travaillions ici rue de Grenelle, nous avons aussi connaissance de la situation de ces personnes. Quelqu’un qui est sans papiers, c’est quelqu’un qui n’a pas un titre de séjour régulier, ce n’est pas quelqu’un qui est démuni de toutes pièces justifiant de son identité. J’ai siégé plusieurs années à la commission des titres de séjour de Paris, une instance que vous connaissez.

Jérôme Martin : Oui.

Patricia Sitruk : Et qui permet justement de regarder des situations spécifiques qui justifient une régularisation. Et le Gisti reconnaît que cette commission fonctionnait de façon au moins correcte. Donc quelqu’un qui est sans papiers, en effet c’est quelqu’un qui n’a pas de titre de séjour, ce n’est pas quelqu’un qui n’as pas d’identité.

Jérôme Martin : Attendez. D’accord. On est pas là pour définir ce qu’est un sans papiers.

Patricia Sitruk : Non, non, non…

Jérôme Martin : On est là pour parler d’une prestation…

Patricia Sitruk : Non, non, non. Mais vous dites régularisez-les. C’est une autre question. Il y a des voies de régularisation…

Jérôme Martin : Intégrez-les à la CMU dans ce cas !

Patricia Sitruk : Il y a des voies de régularisation qui existent, et elles existent toujours. C’est un autre débat.

Jérôme Martin : On a des sans papiers malades qui ont des APS [Autorisation Provisoire de Séjour] depuis six ans et cela n’ouvre aucun droit…

Pierre Soutou : Attendez, tout à l’heure vous parliez de AME. Nous pensons bien que vous soutenez aussi un autre projet qui est la régularisation…

Jérôme Martin : C’est une de nos revendications…

Pierre Soutou : …des sans papiers. Il y a un droit qui existe, il y a des procédures que la République applique. Nous sommes là pour…

Jérôme Martin : D’accord. Constitution de 1946 : égalité des soins.

Pierre Soutou : Mais si c’est pas constitutionnel.

Jérôme Martin : Principe constitutionnel.

Pierre Soutou : Revenons à la circulaire…

Jérôme Martin : On ne peut pas saisir le Conseil Constitutionnel, nous. Donc on revient à la circulaire.

Pierre Soutou : Donc, suite à cette discussion avec Madame Versini, le décret d’application a été suspendu comme vous l’avez dit. Et le chemin, enfin, l’initiative qui a été proposé c’est une circulaire rappelant les procédures d’admission à l’AME. Et effectivement il a été passé commande à la Direction Générale de l’Action Sociale [DGAS] d’élaborer une circulaire dont vous avez eu copie directement ou par l’intermédiaire de la presse. La DGAS est forcée d’aider les personnes qui dans les Caisses Primaires sont chargées de constituer le dossier : rappel des règles, mais aussi en quelque sorte, établir un mémento des questions utiles et pratiques à poser. Aujourd’hui, nous nous posons la question de savoir, si tout ça, est vraiment indispensable à ce stade. Je vous le dis comme nous le pensons. Parce qu’il existe déjà une circulaire de janvier 2000 qui expose un certain nombre de principes et de règles, sur lequel il ne nous apparaît pas nécessaire de revenir par des précisions compliquées. Nous pensons que les Caisses Primaires sont capables, aussi, dès lors qu’on accepte qu’il y a un certain nombre de règles à appliquer, enfin d’essayer d’appliquer, qu’il n’est pas nécessaire de les tenir par la main. Voilà, la question qu’il faut se poser en ce moment, c’est plutôt une question de confiance. Dès lors que l’administration prend conscience que les choses ne sont pas tout à fait régulièrement appliquées par rapport au texte, nous disons à la CNAM [Caisse Nationale d’Assurance Maladie] qu’il y a deux voies possibles. Soit une circulaire qui va probablement être un peu tatillonne et qui n’apportera pas forcément pour l’instruction des dossiers des éléments supplémentaires par rapport à la circulaire 2000. Soit une seconde voie qui consiste simplement à dire au directeur de la CNAM : « voilà l’état constaté par l’IGASS, voilà les textes en vigueur, les codes de l’action sociale et de la famille, plus la circulaire 2000. On vous demande de vous mettre en conformité avec les règles existantes ». Ce sont deux voies possible, et la première est celle qui avait été annoncée il y a plusieurs mois.

Pierre Soutou : Nous, nous sommes... [inaudible]. C’est pour ça que « Fillon raciste » [référence à nos slogans scandés pendant l’action qui a précédé ce rendez-vous]

Patricia Sitruk : Oui.

Pierre Soutou : Je trouve ça non seulement choquant, mais c’est…

Jérôme Martin : C’est fait pour.

Pierre Soutou : C’est totalement faux.

Patricia Sitruk : Oui.

Pierre Soutou : Au contraire, monsieur Fillon…

Jérôme Martin : S’il n’est pas raciste alors qu’il intègre les sans papiers à la CMU. Peut-être que… On va s’arrêter là parce que c’est de la langue de bois administrative.

Patricia Sitruk : Non, non.

Jérôme Martin : On est là pour parler de principe. Il y a un principe constitutionnel qui s’appelle l’égalité. L’égalité des soins. Est-ce qu’elle est respectée en matière de soins ? Non.

Sylvain Dambrine : Encore une fois, qu’est-ce que vous faites des conséquences en terme de santé publique ? Ça veut dire que vous assumez une logique restrictive ?

Jérôme Martin : Vous dites que vous voulez faire des économies et vous payez des salariés pour une circulaire qui ne servira à rien ? Pour des projets de circulaire ! C’est ça que vous êtes en train de nous dire. Il y a des projets de circulaire, il y a des personnes qui ont travaillé dessus et vous nous dites, il y a cette voie-ci et cette voie-là. Qu’est-ce que c’est que ce « schéma décisionnel » ? C’est n’importe quoi. C’est la pratique de ce gouvernement depuis un an que de faire des effets d’annonce du pire pour obtenir la réaction, pour à chaque fois rogner un petit peu sur les droits. Vous dites des choses horribles dans cette circulaire. Par exemple que l’on va compter la moitié du loyer si la personne est hébergée gratuitement. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Si la personne est hébergée gratuitement c’est qu’elle n’a pas de ressources, on va pas lui inventer des ressources !

Pierre Soutou : Attendez…

Jérôme Martin : Vous payez des gens à faire cette circulaire et puis après vous nous dites : « ah bah non, on va peut-être pas la publier ». Mais c’est complètement fou ! Qu’est-ce que c’est que ça ? Et après vous dites que les sans papiers coûtent cher. Mais c’est incroyable ! Et qu’il y a des dérives. Mais c’est pas possible !

Sylvain Dambrine : En parlant de dérives, vous assumez une logique qui est complètement discriminatoire.

Jérôme Martin : Qui est lepéniste et qui est raciste.

Sylvain Dambrine : Vous les condamnez à mort. Est-ce que vous vous rendez compte de ça ?

Jérôme Martin : Vous les tuez, vous les contaminez.

Patricia Sitruk : Non.

Sylvain Dambrine : Ce sont les conditions de vie des sans papiers malades.

Jérôme Martin : Oui, on vous accuse de faire le jeu du sida et de faire le jeu des pathologies graves.

Sylvain Dambrine : Les sans papiers ont besoin d’une prise en charge médicale et d’un accès aux soins. La seule mesure qui leur est accessible c’est l’AME. Ce droit est déjà une mesure extrêmement restrictive et qui n’est pas satisfaisante compte tenu de leur situation. Là on parle de situation vitale, de personnes malades, de personnes en danger.

Pierre Soutou : Bien sûr.

Jérôme Martin : Je vous avais donné en janvier des copies du rapport Delfraissy qui démontre les conséquences des discriminations d’accès aux soins, notamment pour le dépistage. Et cela concerne les sans papiers pour le VIH, mais aussi pour le cancer du sein, du col de l’utérus ou pour la maternité.

Patricia Sitruk : ...

Jérôme Martin : Et toutes les réponses que vous faites, enfin je ne sais pas…

Patricia Sitruk : On vient de vous dire qu’elle était l’action de Monsieur Fillon. Je crois que vous l’avez…

Jérôme Martin : Dans ce cas pourquoi a-t-il demandé à la DGAS de rédiger une circulaire ?

Pierre Soutou : Il a été demandé à la DGAS de faire une esquisse de circulaire, car suite à la discussion entre Madame Versini et les associations il avait été dit : premièrement…

Jérôme Martin : On a pas été reçu par Madame Versini, on nous avait pas invité.

Pierre Soutou : Il avait été dit : premièrement, de suspendre l’application ; deuxièmement de continuer sur l’administratif par un rappel des règles sous forme de circulaire. Il y a eu un peu de travail qui a été fait, et il est apparu par la suite qu’une modalité différente, plus simple, plus souple, sous forme de rappel simplement de l’idée… Que le constat, on ne peut pas ignorer le constat fait par l’IGASS.

Jérôme Martin : Nous aussi, on a lu le rapport de l’IGASS.

Pierre Soutou : Vous connaissez.

Jérôme Martin : Institution indépendante… Enfin on les connaît les rapports de l’IGASS, rassurez-vous.

Pierre Soutou : Si vous contestez aussi le rapport de l’IGASS !

Jérôme Martin : C’est vous qui en parlez. Mais à nous ça…

Pierre Soutou : Je rapporte les faits, je ne les interprète pas. Je dis qu’il y a eu un rapport de l’IGASS, qui a dit un certain nombre de choses, qui a montré les difficultés à construire les dossiers, ça c’est indéniable. Et qui a montré aussi que ces dossiers pourraient, sans doute, être mieux instruits. Ça s’arrête là. Je résume en gros.

Jérôme Martin : Effectivement, ils seront mieux instruits : il n’y aura pas d’instruction. Comme les plafonds de ressources seront tous dépassés, parce qu’on inventera des ressources. Le principe de déclaration sur l’honneur qui est remis en cause, ça va empêcher les gens… Effectivement les sans papiers…

Patricia Sitruk : Non, non, ce n’est pas remis en cause.

Pierre Soutou : Vous n’écoutez pas ce que nous vous disons.

Jérôme Martin : D’accord, il s’agit de rappeler le fait qu’il faut que ce soit à caractère exceptionnel. Bon, c’est une autre manière de formuler.

Patricia Sitruk : Mais non.

Jérôme Martin : Il faut simplement savoir que…

Pierre Soutou : La circulaire 2000, ce n’est pas nous.

Jérôme Martin : Vous pouvez aussi demander aux sans papiers, une carte nationale d’identité, ça pourrait être assez drôle ! Aujourd’hui, dans les Caisses d’Assurance Maladie c’est l’arbitraire qui domine. Celle-là va exiger tel justificatif pour avoir l’adresse, pour avoir les ressources ; une autre va demander complètement l’inverse. Et pour une autre encore, ce sera le refus total et pour une autre, ce sera accepté. Il y a une volonté d’harmoniser ? Oui c’est un problème de gestion. Vous nous dites : « voilà des faits : c’est un problème de gestion ; voilà le rapport de l’IGASS ». Voilà d’autres faits : votre politique tue ! Votre politique rend les gens malades ! Votre politique éloigne les personnes des structures de dépistage, des campagnes de préventions, des structures de soins. Et ça, c’est une autre réalité ! Quelle réalité vous préférez ? La nôtre, celle qu’on vit tous les jours ? Ou la vôtre, une réalité comptable et gestionnaire ?

Pierre Soutou : Elles n’est pas comptable et gestionnaire. La preuve c’est que la loi, qui est le point de départ de notre discussion, a ouvert la possibilité sans condition d’ancienneté de résidence sur le territoire d’avoir accès aux soins de ville.

Jérôme Martin : Mais payés comment ? Que vous êtes drôle ! Mais payés comment ? Vous pensez vraiment que les médecins libéraux vont faire de l’avance des frais ? Vous les connaissez les médecins libéraux ? Que vous êtes drôle ! C’est incroyable ! Vous pensez sincèrement ce que vous dites ? Vous pensez sincèrement que l’ouverture à la médecine libérale…

Patricia Sitruk : C’est peut-être votre avis, mais moi je sais que le secteur associatif - je ne parle pas de vous - demandait cet accès aux soins de ville.

Jérôme Martin : D’accord, mais s’il n’y a pas de financement derrière ça ne sert à rien…

Patricia Sitruk : ces associations souhaitaient cette ouverture.

Jérôme Martin : Puisque le but, c’est de faire des économies.

Patricia Sitruk : Elles souhaitaient cette ouverture-là.

Jérôme Martin : Mais l’ouverture à la médecine de ville évidemment qu’on est pour tant que cela permet un accès à la santé. Mais il ne faut pas que ce soit juste un truc comme ça, donné en pâture, qui ne soit pas financé derrière. Le but de cet article, comme de cette circulaire, ce n’est pas de recadrer les choses, mais c’est de faire des économies, comme pour les retraites, comme pour tout. Comme pour l’éducation. Au mépris des vies des personnes. Mais vous vous rendez compte de la détresse dans laquelle on est ?
Bon, je pense qu’on va s’arrêter ici, parce que c’est pas la peine, vous allez nous voir en colère ou pleurer donc ça ne sert à rien. Nos revendications c’est le retrait inconditionnel de cette circulaire, ensuite que le gouvernement s’engage à cesser d’harceler ceux qui n’ont rien. Votre politique, c’est du racisme, c’est du racisme d’Etat. Et nous on le maintiendra, et votre réaction, ce que vous avez dit, c’est du racisme budgétaire. Arrêtez de dire que Le Pen c’est le grand Satan, vous appliquez sa politique au système de santé. C’est tout. Vous êtes lepéniste en ce qui concerne l’accès de santé. Donc nous on continuera de communiquer là-dessus à moins qu’on obtienne le retrait de cette circulaire ou l’intégration des sans papiers dans la CMU. Après je ne vous parle pas de la régularisation des sans papiers parce que effectivement c’est pas votre domaine. Et je peux vous assurer qu’en terme purement budgétaire, intégrer les sans papiers à la CMU, ça fera faire des économies. Parce que les personnes qui iront se faire dépister plus tôt pourront se soigner plus tôt, donc coûteront moins cher, parce que ça ne sera pas un sida aggravé qu’on soignera, ce sera une infection à VIH seule, qu’il faudra simplement surveiller tous les six mois. Mais continuez, continuez à dire au grand public que les sans papiers coûtent cher. Continuez, continuez à faire publier par l’IGASS des rapports affirmant qu’ils coûtent cher. Combien ça représente ? Et à nouveau interrogez-vous, combien ça coûte pour vous la vie d’un « bougnoule » ou d’un « nègre » ? Car il va falloir utiliser ces termes-là pour traduire vos actes. Lambert n’hésite pas à tenir des propos lepénistes dans l’enceinte du Sénat. De dire que les sans papiers sont payés avec la générosité des Français, en oubliant de dire que les sans papiers payent des impôts et la TVA. Évidemment, votre discours n’est pas exactement celui de Le Pen, c’est simplement beaucoup plus subtil et beaucoup plus efficace. Et l’impact sur la santé, c’est horrible. Enfin. Je dis tout ce que j’ai sur le cœur et après vous faites ce que vous voulez, peut-être que vous en rirez ensemble après vos dîners payés par nos impôts. Après un an de droite, on est revenu quinze ans en arrière dans l’histoire de l’épidémie de sida.

Patricia Sitruk : Quant à moi, je veux dire qu’il n’y a aucun dîner qui soit payé aux frais de qui que ce soit. Et qu’ici nous prenons un plateau de temps en temps, que nous réglons sur nos propres fonds ; le midi, un plateau-repas…

Jérôme Martin : D’accord, je retire ce que je viens de dire.

Patricia Sitruk : S’il vous plait. Ensuite sur la situation des personnes sans papiers, leurs situations de santé, ne fait rire personne ici. De même, accuser Monsieur Fillon ou nous-mêmes de tenir des propos racistes, je trouve tout à fait choquant de…

Sylvain Dambrine : Mais prenez en compte la santé des sans papiers, on ne vous demande pas autre chose.

Patricia Sitruk : Oui. Justement vous avez entendu nos propositions ? Je crois que par rapport à votre préoccupation d’apporter des soins aux personnes qui en ont besoin, c’est une réponse que vous devez entendre. Et je suis personnellement très choquée par vos propos.

Jérôme Martin : Oui, les sans papiers, qui meurent aussi en masse, sont très choqués par les vôtres.

Patricia Sitruk : Non, je m’excuse, je n’ai jamais tenu de propos en ce sens. Je n’ai jamais esquissé le moindre…

Sylvain Dambrine : Ce sont les conséquences des mesures que vous prônez.

Jérôme Martin : Est-ce que vous pouvez faire simplement remonter nos trois revendications ?

Patricia Sitruk : Oui.

Jérôme Martin : Retrait inconditionnel, intégration progressive dans la CMU...

Patricia Sitruk : Tout à fait. On les fera remonter, Monsieur.

Jérôme Martin : Et que le gouvernement s’engage à arrêter d’harceler les sans papiers : la prison, la double-peine, la maladie, l’exclusion des soins, le fait d’être désigné à la vindicte publique comme responsable de l’insécurité et des problèmes budgétaires en matière de santé !