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Accès aux traitements dans les pays pauvres : le vrai visage de Pascal Lamy

lundi 3 juin 2002

Ce dimanche matin et comme lundi dernier, une quinzaine de militants d’Act Up-Paris ont réveillé Pascal Lamy, Commissaire européen, à 5h du matin, aux cris de « Lamy des labos, l’ennemi des séropos », « Génériques empêchés, séropos assassinés » et « Lamy, tu bloques les génériques, tu assassines l’Afrique ».

En effet, Pascal Lamy, qui s’est présenté comme le fer de lance du combat pour l’accès aux médicaments, retourne finalement dans le giron de l’industrie pharmaceutique, comme en témoignent les propositions de la Commission Européenne dans le cadre des négociations aux conseils de TRIPS (accords relatifs au commerce et à la propriété intellectuelle).

A Doha en novembre dernier, les Etats membres de l’OMC ont donné mandat au conseil de TRIPS pour identifier avant la fin 2002 une solution permettant aux pays exportateurs de génériques d’approvisionner les pays ne produisant pas eux-mêmes.

Or, les propositions de la Commission européenne, minimisant des besoins sanitaires pourtant reconnus de tous, vont aujourd’hui à l’encontre de l’esprit de la déclaration « TRIPS et santé publique » de Doha et limitentpar tous les moyens l’exportation de génériques :

 Par la discrimination : Pour la Commission européenne, les pays qui souhaitent recourir aux génériques seraient tenus de donner les preuves qu’ils sont suffisamment pauvres, faibles, ou incapables de produire eux-mêmes, des preuves que leurs besoins sont véritables ou encore que la maladie contre laquelle ils luttent est suffisamment grave. Selon Gaëlle Krikorian d’Act Up-Paris : « outre l’obscénité de la démarche, la Commission nie tout bonnement la souveraineté de ces pays et les droits élémentaires de leur population. Elle nie le fait que les malades des pays pauvres, souffrant de maladies ou symptômes qui ne sont pas mortels mais gravement handicapants, comme l’arthrose, la dépression chronique ou la polyomélithe, ont le même droit que les habitants des pays riches de se soigner et d’éviter la douleur ».

 Par la contrainte : la Commission européenne tente d’imposer aux pays producteurs et aux pays importateurs un véritable arsenal de contraintes et de mesures de contrôle qui ne sert qu’un objectif, limiter la production même de génériques. Pour Act Up-Paris, « ces mesures sont aussi absurdes que contraire à l’éthique. Ce sont aux pays riches, disposant d’ores et déjà d’outils de régulation et de surveillance, d’assurer le contrôle de la circulation desproduits à leurs propres frontières ». En outre, en exigeant des pays désireux de s’approvisionner en génériques d’innombrables garanties et de justifier à de multiples égards de la légitimité de leur démarche, la Commission européenne les expose à subir à nouveau les mêmes types de pressions et de menaces qui leur ont interdit jusqu’ici le recours aux licences obligatoires et aux génériques.

Ce faisant, elle ne sert qu’un intérêt, celui du lobby pharmaceutique, qui redoute l’entrée des produits génériques sur les marchés des pays riches.

Pascal Lamy prétend s’être « battu depuis deux ans pour une prise de conscience internationale de la nécessité d’une réduction drastique du prix des médicaments pour lutter contre les grandes épidémies dans le pays du sud ». Mais pour les malades, la bataille n’est pas terminée et le droit de bénéficier de l’exportation de génériques est un enjeu déterminant. Pascal Lamy affirme qu’il est « possible de faire bouger les lignes de la mondialisation, l’organiser en fonction des intérêts généraux des sociétés ». Pourtant en mettant actuellement en avant la question des prix différenciés - qui n’est ni plus ni moins qu’un arrangement avec les industriels détenteurs des marques - il ne fait le jeu que des sociétés pharmaceutiques et occulte la question déterminante de l’exportation des génériques.

De l’Europe et de l’OMC, on attend au contraire qu’elles permettent aux pays qui souhaitent utiliser des génériques de le faire aussi simplement que s’ils étaient en mesure de les produire eux-mêmes.