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HIV11, la conférence 2012 de Glasgow

jeudi 11 avril 2013

Le 11e Congrès international sur les thérapies dans l’infection à VIH s’est tenu comme à son habitude à Glasgow du 12 au 15 novembre 2012. Difficile d’en faire le tour ici mais plutôt un focus sur quelques aspects importants.

Le VIH et les femmes

Fiona Mulcahy, du St James’s Hospital de Dublin, a proposé un focus sur certaines implications cliniques du VIH chez les femmes en présentant une synthèse des données accumulées par les études de cohorte.
Les femmes représentent en moyenne la moitié des personnes séropositives dans le monde. Pourtant, elles ne sont que faiblement représentées dans les études.

Si le succès virologique des traitements antirétroviraux entre femmes et hommes est controversé dans les résultats d’études, la charge virale est en général plus élevée chez les femmes. On constate une différence notable dans les recommandations de prise en charge dont la principale cause concerne la grossesse.

Quels sont les sujets majeurs spécifiques aux femmes dans les résultats d’études ? Essentiellement la contraception, la conception, l’allaitement et la ménopause.

La contraception hormonale augmente-t-elle le risque d’acquisition du VIH ou sa progression ?
Bien que certains mécanismes soient mis en cause, il n’est pas évident de comprendre lesquels sont significatifs. Les études animales ont permis de comprendre ces mécanismes mais l’extrapolation humaine n’est pas facile. Les résultats suggérant un risque aggravé sont controversés et regroupés en méta-analyse, le risque n’émerge pas. C’est pourquoi l’OMS recommande la double protection : contraceptifs et préservatifs, les interactions entre contraceptifs et antirétroviraux étant bien documentées.

Pour autant, malgré cela, trop peu de médecins s’inquiètent de connaître les choix contraceptifs de leurs patientes afin d’adapter leur suivi.
Deux éléments récents sont venus changer la donne en matière de procréation dans les couples sérodifférents :
 1/ le traitement réduisant la charge virale en dessous de 50 copies/mL éliminerait le risque de transmission sexuelle du VIH au partenaire en cas de procréation naturelle
 2/ la démonstration que l’usage d’une prophylaxie pré-exposition (PrEP) associée à des rapports sexuels bien programmés sur le temps d’ovulation réduit le risque de transmission.

Certains prônent l’association de ces deux techniques pour n’avoir pas de risque de transmission. D’autres soulignent que ce message ne s’accorde pas vraiment avec les résultats de l’essai HPTN052, ni avec la recommandation fréquente en Europe de ne pas recourir à un traitement post-exposition si la charge virale du partenaire est indétectable. En effet, cette recommandation ne considère pas comme indispensable la PrEP, de même que l’essai HPTN052, qui est d’un côté moins restrictif puisqu’il s’est déroulé sur une période relativement longue que le seul temps d’ovulation ; mais de l’autre, le préservatif y était en usage, ce qui n’est pas possible si l’on cherche à procréer. Tout cela pour montrer que l’attitude à prendre n’est pas claire et ne fait pas consensus.

Pour la grossesse, les recommandations sont claires même s’il reste quelques controverses sur l’usage de certains antirétroviraux comme l’efavirenz. Bien que la décision de mise sous traitement des femmes enceintes soit clairement établie, un délai de 20 semaines semble suffisant pour atteindre une suppression virale adéquate lors de l’accouchement, les recommandations des pays européens oscillent de 12 à 25 semaines.

L’usage des antirétroviraux est-il susceptible d’accélérer l’accouchement ? Certaines études l’ont montré. L’arrêt du traitement après l’accouchement pour les femmes dont le taux de CD4 est élevé (plus de 500), provoque toujours la controverse et nécessite d’autres études.

La recommandation usuelle en matière d’allaitement naturel des nouveau-nés est de ne pas y avoir recours. Elle n’est pas généralisée dans les pays à faibles ressources. Il est nécessaire de renforcer le suivi de la charge virale des femmes sous traitement qui décident d’allaiter leur enfant. Cependant la législation de certains pays expose les femmes qui le font à des poursuites pour maltraitance.

Bien d’autres sujets concernent les femmes et le VIH parmi lesquels, les problèmes gynécologique, le HPV, particulièrement la vaccination contre le HPV des jeunes femmes, la ménopause, le vieillissement des femmes, les diagnostics manqués. A ce propos, bien que les femmes aient en général plus d’opportunités de dépistage que les hommes, toutes les occasions ne sont pas saisies, loin s’en faut. Une étude rétrospective menée en 2012 sur 3.303 femmes a montré qu’une moyenne de 73 visites médicales était nécessaire avant le premier test positif et que 39 cas de sida ont été établis à moins de 12 mois du diagnostic VIH. Toutes les occasions doivent être saisies : la pratique générale, les centres de planification familiale, les consultations de fertilité, d’IST, de gynécologie, les programmes de dépistage utérins ou mammaires, les services communautaires et les prisons.

Certes, les trithérapies ont changé la vie des séropositifs. Mais pour les femmes de nombreuses questions restent encore sans réponse faute de recherches spécifiques au genre.

Vieillissement et comorbidité.

Peter Reiss, de l’université d’Amsterdam, nous a proposé une synthèse situant les connaissances actuelles en physiopathologie du VIH.
Dans les pays occidentaux, là où les traitements sont accessibles pour tous depuis longtemps, la pyramide des âges des malades glisse progressivement, laissant apparaître une population de plus de 50 ans grandissante. Parallèlement, les causes de décès des séropositifs ont aussi évolué, la place des pathologies non classant sida étant en régulière progression. Même si depuis l’arrivée des trithérapies la mortalité a drastiquement chuté et continue de baisser, il reste une distance qui semble irréductible avec la population moyenne à âge égal. Nombreux sont ceux qui, malgré un traitement en succès n’atteignent pas le seuil des 500 CD4/mm3 au dessus duquel la mortalité est considérée comme équivalente à la population générale. C’est particulièrement le cas de ceux qui au cours de leur maladie ont été victimes d’une déficience immune sévère résultant le plus souvent d’un dépistage tardif.

Dans de nombreuses études de cohortes européennes de séropositifs, les chercheurs ont établi que les comorbidités liées à l’âge ne surviennent pas nécessairement plus jeune que la population générale mais plus souvent à âge égal. Le vieillissement des séropositifs n’est donc pas accéléré mais le risque de comorbidité est plus grand. Cela se voit typiquement par l’analyse des maladies cardiovasculaires, des cancers, des fractures osseuses et de l’ostéoporose, des atteintes du foie et des reins, des affections neurocognitives.

Consécutivement à cela, le besoin de co-médications augmente plus vite avec l’âge des séropositifs et avec lui, l’ensemble des problèmes d’interactions médicamenteuses. De plus, on observe que les malades ont des incapacités de travail plus fréquentes à âge égal, les facteurs de risques étant principalement la toxicité des antirétroviraux, le style de vie (fumeurs…) et l’inflammation persistante. Certes, les traitements réduisent ces risques mais ne parviennent pas à les éliminer.

Ces facteurs de risque se traduisent essentiellement en fibroses, inflammation et activation des facteurs de coagulation, causant comorbidités, affections chroniques et fragilité. L’ensemble des études menées pour comprendre ces facteurs montrent qu’ils conduisent à l’usure du système immunitaire, des cellules et des tissus. Cela ne fait que renforcer la déficience de l’immunité qui, à son tour, accélère les phénomènes inflammatoires. C’est tout particulièrement le cas de l’immunité intestinale affaiblie qui favorise la translocation bactérienne, cause d’inflammation et de faiblesse immune. On assiste ainsi à tout un dérangement du système qui s’autoalimente. Les seuls effets antagonistes à ce dérangement, sont l’adaptation du régime alimentaire et l’exercice physique. Le cerveau est aussi à prendre en considération dans la mesure où il est connecté à tout ce système.

Alors, le VIH accélère-t-il le vieillissement ?
Sur la base de ces concepts, c’est en discussion mais c’est vraisemblable. En l’état des connaissances c’est une hypothèse qui reste à prouver ou à réfuter par exemple, par l’étude longitudinale de marqueurs appropriés. C’est le but d’un projet européen ; le MARK-AGE project, dont l’objectif est d’étudier les biomarqueurs du vieillissement tels que l’altération des protéines sériques de glycosylation. Par ailleurs, l’étude européenne COBRA est en démarrage,elle a pour objectif d’étudier les comorbidités liées au VIH.
Mais ceci concerne essentiellement les pays occidentaux où l’accès aux soins est relativement bien organisé. Bien que spéculatif on estime que ces effets de vieillissement des séropositifs pourraient devenir majeurs sur le continent africain, de loin le plus touché pas l’épidémie.

Antirétroviraux, quoi de neuf ?

L’Américain Roy Gullick du Weill Medical College of Cornell University à New York a fait le point sur le développement des nouveaux antirétroviraux. En cette fin 2012, 27 molécules antirétrovirales sont commercialisées. Plus intéressant, depuis quelques années, des pilules regroupant plusieurs d’entres elles ont été mises au point, simplifiant ainsi considérablement la prise de ces traitements.

Qu’attendons-nous des nouveaux antirétroviraux ? Qu’ils améliorent la commodité de prise, la formulation, la tolérabilité, une toxicité moindre, qu’ils atteignent les réservoirs, exploitent de nouvelles cibles, aient une activité contre les virus résistants.

A l’heure actuelle, 29 produits (7 INTI, 6 INNTI, 5 IP, 8 IE, 3 II) sont à l’étude. Leur développement est plus ou moins avancé et peut-être n’arriveront-ils pas tous sur le marché. Voici un aperçu des plus avancés.
 Le dolutegravir, le dernier né des inhibiteurs d’intégrase est en fin de phase 3, prêt pour être approuvé. Dans les derniers essais, il a démontré son équivalence d’activité au raltégravir. En combinaison avec le Truvada, comparé à l’Atripla, il a même démontré une supériorité (88% vs 81% de patients à en dessous de 50 copies à 48 semaines). Il a aussi montré une activité contre les virus résistants aux autres inhibiteurs d’intégrase. Il a également été testé avec succès en comparaison aux traitements de première ligne classiques, présentant une meilleure tolérance et une moindre toxicité.
 Le tenofovir alafenamide fumarate (TAF) , est un proche parent du tenofovir disoproxyl fumarate (TDF), commercialisé depuis 2002. Son activité est nettement améliorée par rapport au précédent puisqu’il permet une pénétration cellulaire 20 fois supérieure à des doses plasmatiques du même ordre que le TDF. D’où une toxicité rénale réduite. Il est actuellement étudié en phase 2 des essais cliniques. Il sera également testé en combinaison monopilule : TAF/FTC/ elvitegravir/cobisistat.
 En test également à l’heure actuelle, des inhibiteurs d’entrée. Le BMS-663068 est une petite molécule capable de se fixer à la GP120 et de bloquer son interaction avec le récepteur CD4. Testé en phase 1, elle a montré une baisse d’activité. Un séquençage des souches virales permet de détecter d’éventuelles résistances. Ce produit pourrait être actif sur des souches résistantes aux autres médicaments de sa classe et ne provoque pas de résistances croisées avec les autres produits.
 Le cenicriviroc est une molécule qui interagit avec les récepteurs CCR5 et CCR2. Ainsi, en plus de l’effet antiviral similaire aux autres anti-CCR5, elle pourrait avoir une action anti-inflammatoire. Les résultats de phase 1 ayant donné satisfaction, la phase 2 est en cours. Elle recrute des personnes naïves de traitement et évaluera aussi les effets sur l’inflammation.
 Le composé S/GSK 1265744 est un nouvel inhibiteur d’intégrase. Sa particularité est d’avoir une formulation obtenue par nanotechnologie qui lui donne une très longue demi-vie, de l’ordre de 20 jours. Ce produit pourrait donc être administré tous les 2 à 3 semaines.Il serait efficace contre les virus résistants aux autres produits de sa classe.
 Enfin, en essai de phase 2 : la première monopilule à prise quotidienne comprenant un inhibiteur de protéase, la combinaison TDF / FTC / darunavir / cobisistat permettra de disposer d’une trithérapie facile à prendre et bien tolérée sous une meilleure forme qu’en composants séparés.

A suivre...