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ViraféronPeg® : la pharmacovigilance en pantoufles.

vendredi 22 juin 2012

La première alerte sur le stylo injecteur ViraféronPeg® (peginterféron alfa 2b) du laboratoire MSD utilisé dans le traitement de l’hépatite C date de plus d’un an. Le stylo n’est pas adapté et les personnes qui l’utilisent peuvent penser s’être administré le médicament, alors qu’il est resté à l’intérieur du stylo.
Ce dysfonctionnement augmente les risques d’échec thérapeutique. Rappelons que l’hépatite C peut conduire à un cancer du foie, elle est aussi la première cause de décès parmi les personnes séropositives VIH/sida.

En février 2012, un an après la première alerte sur les dysfonctionnements du stylo, grâce à un article paru dans Libération, l’agence du médicament (ANSM / ex-Afssaps) a organisé une réunion.
La conclusion était alors que le laboratoire MSD devait recontacter les prescripteurs afin d’informer les malades sur les risques liés à une mise en œuvre complexe et revoir la notice d’utilisation.

Dans un communiqué de l’ANSM daté du 14 juin , en réaction à un communiqué d’Act Up-Paris , nous apprenons que le laboratoire doit revoir le dispositif, autrement dit changer le stylo. Nous apprendrons ensuite par l’ANSM que le changement de stylo n’a pas été programmé à sa demande, ni à celle de l’Agence européenne du médicament (EMA). C’est le laboratoire qui en a eu l’initiative, craignant probablement des pertes de parts de marché.

On en conclura que la sécurité sanitaire passe bien après les logiques de profits, malgré le scandale du Médiator, la loi sur la sécurité sanitaire et une augmentation de 50 % du budget de l’ANSM. 

Dans ce même communiqué, l’ANSM indique que selon un rapport de l’EMA « les appels auprès de la firme pour dysfonctionnements du stylo sont restés faibles et stables », ce qui ne veut pas dire inexistants.
L’ANSM oublie seulement de préciser que si les malades ne sont pas avertis des risques, la probabilité qu’ils s’en inquiètent est particulièrement faible.
Par ailleurs, le système de remontée des effets indésirables et des dysfonctionnements de dispositifs médicaux est mal connu et loin d’être optimisé, puisque tous les événements déclarés passent en majorité au filtre des firmes.

De plus, ce qui était convenu après la réunion de février dernier n’a que partiellement été suivi d’effets et nous avons pris l’ANSM en flagrant délit de manque d’exigence. Rappelons au passage que les conclusions de cette réunion n’étaient de toutes façons pas satisfaisantes puisque le changement de stylo n’était pas envisagé, pas plus qu’une étude post autorisation de mise sur le marché ; mais par contre l’agence recommandait de recourir à des soins infirmiers alors que le stylo avait précisément été conçu pour n’avoir pas à y recourir…

Après notre communiqué du 11 juin et un contact avec l’agence, elle a rencontré MSD lundi pour évaluer le travail accompli par le laboratoire et envisager la suite.
Comme indiqué plus haut, la firme travaille à un nouveau stylo de sa propre initiative. La firme n’a contacté les prescripteurs pour qu’ils informent leur file active que par le biais des visiteurs médicaux ; autrement dit on n’est loin de l’exhaustivité puisque tous les médecins ne les reçoivent pas et que cette méthode prend un temps considérable.
L’ANSM n’avait jusque là pas vérifié le dispositif de mise en garde et n’avait pas non plus pensé à informer les médecins par un courrier. Elle argue que ceci est compliqué dans le cadre de la réglementation européenne, raison pour laquelle elle préfère communiquer par des points d’informations à la presse et une mise en ligne de ces points sur le site de l’agence, comme si tous les jours médecins et malades consultaient ce site au réveil.

Mais l’ANSM reconnaît tout de même que les médecins devraient apporter plus d’attention à ses courriers qu’à ceux des firmes.
Cet épisode montre que l’ANSM n’a aucun plan de communication.

Toujours à la suite de la rencontre de lundi entre l’ANSM et MSD, nous apprenons que la nouvelle notice du ViraféronPeg®, pourtant presque finalisée, ne sera diffusée qu’en septembre. Manifestement, il n’y a pas d’urgence, du côté de l’agence, comme du laboratoire… qui s’autorisent donc à continuer le chemin en pantoufles.

Act Up-Paris exige que l’ANSM :
 publie rapidement un plan de communication exhaustif auprès des prescripteurs et des usagers du ViraféronPeg®, indépendamment de la firme qui le commercialise,
 mette en place ce plan dans un délai d’une semaine, en y associant une information sur la déclaration des effets indésirables et des dysfonctionnements de dispositifs médicaux,
 que la nouvelle notice d’utilisation soit approuvée et distribuée début juillet,
 rende publique l’utilisation des crédits supplémentaires qui lui ont été attribués.


Déclaration publique d’intérêt : Act Up-Paris a reçu 20 000 € de don non fléché du laboratoire MSD en 2011 sur un budget de 869 956 €.