Accueil > Traitements Recherche > auto-immunité et VIH

Protocoles 69 - dossier

auto-immunité et VIH

vendredi 30 décembre 2011

Des maladies auto-immunes étaient déjà identifiées en association avec l’infection par le VIH dans les premiers temps de l’épidémie. Cela peut paraître paradoxal dans la mesure où l’infection à VIH rime avec une diminution des défenses immunitaires. Sans rentrer dans les détails des mécanismes sous-jacents, nous allons préciser, sous forme de questions-réponses, l’association entre auto-immunité et VIH et ce qu’il en est à l’heure des thérapies antirétrovirales hautement efficaces. Il est important de noter d’emblée que des réponses circonstanciées ne peuvent pas toujours être apportées, faute de données précises sur la fréquence d’apparition des maladies auto-immunes en lien avec le VIH et faute d’une parfaite compréhension des causes de leur apparition.

qu’est-ce qu’une réaction auto-immune ?

Très brièvement, il s’agit d’une attaque locale ou étendue de notre corps par notre propre système immunitaire. Ce dernier a pour mission de nous protéger contre des agents extérieurs (microbes, virus, toxines, par exemple). Ceci est accompli par des mécanismes complexes qui permettent la reconnaissance de motifs associés à ces intrus (un tout petit fragment d’une molécule biologique produite par cet agent extérieur). Le système immunitaire est capable de reconnaître un très vaste répertoire de tels motifs et, surtout, de faire la distinction entre ceux des intrus et ceux qui sont associés à notre propre corps. On parle souvent dans ce contexte de « soi » et de « non soi ». Une réaction auto-immune est une réaction dirigée contre « soi ». Notre système immu­nitaire commet l’erreur de s’attaquer à nos propres tissus  [1].

quelles sont les maladies auto-immunes ?

Il y en a plus de 80 répertoriées. Elles regroupent tout un ensemble de pathologies que l’on peut séparer, au niveau clinique, selon qu’il s’agit d’un seul organe attaqué ou d’une étendue plus large. Dans ce dernier cas, la maladie est appelée systémique.

Le lupus érythémateux disséminé (attaque de la peau, des articulations, des reins, etc., suite à la production d’anticorps contre l’ADN et d’autres constituants du noyau des cellules) est un exemple de maladie auto-immune systémique, ainsi que la polyarthrite rhumatismale ou rhumatoïde, appelée aussi polyarthrite chronique évolutive (réponse immune conduisant à une inflammation et la destruction des articulations).

Pour les maladies auto-immunes d’organes, citons le diabète de type I, encore appelé insulinodépendant, qui affecte le pancréas (destruction des cellules bêta qui produisent l’insuline), la sclérose en plaque qui affecte le système nerveux central et le syndrome de Guillain-Barré qui affecte le système nerveux périphérique.

D’autres exemples de maladies auto-immunes sont répertoriés plus loin dans le tableau présentant les manifestations auto-immunes associées à l’infection par le VIH (maladies ou production d’auto-anticorps  [2]).

les maladies auto-immunes sont-elles fréquentes ?

A l’exception de la polyarthrite rhumatismale et de la thyroïdite auto-immune (maladie de Hashimoto, une inflammation de la glande thyroïde avec hypothyroïdie), les maladies auto-immunes sont des maladies rares. Néanmoins, prises dans leur ensemble, elles affectent à peu près 5% de la population des pays occidentaux.

En cas de séropositivité au VIH, l’association avec la plupart des maladies auto-immunes reste rare, mais le nombre de nouveaux cas serait en augmentation. Il n’est pas possible de donner un ordre de grandeur global, chaque maladie auto-immune présentant une incidence (nombre de nouveaux cas sur une période donnée) et une prévalence (nombre total de cas à un moment donné) spécifiques. Par exemple, d’après le centre de référence des maladies auto-immunes du CHU de Strasbourg, le lupus aurait une prévalence de 0,07% (40 000 personnes en France), alors que le syndrome de Gougerot Sjögren affecterait 0,1% de la population (appelée aussi syndrome de Sjögren, cette maladie auto-immune systémique affecte les glandes salivaires et lacrymales).

y a-t-il une différence entre les femmes et les hommes ?

Les maladies auto-immunes apparaissent dans l’ensemble plus fréquemment chez les femmes. C’est tout particulièrement le cas du lupus érythémateux systémique. De façon plus générale, les femmes ont un système immunitaire plus puissant – elles produisent plus d’anticorps dans la circulation, ont plus de lymphocytes T CD4 circulants, produisent plus de cytokines lors d’une infection et rejettent une greffe plus rapidement. La contrepartie pourrait bien être une fréquence plus grande de réactions auto-immunes que chez l’homme. Parmi les pistes d’explication, il y a le rôle des hormones sexuelles sur la réponse immune  [3].

Une des maladies auto-immunes rares qui affecte tout particulièrement les femmes est l’hépatite auto-immune qui peut être chronique, mais qui peut aussi entraîner une atteinte du foie aiguë et sévère (hépatite fulminante). Elle peut être classifiée en trois catégories selon le type d’auto-anticorps produits. Les auteurs d’une revue récente sur l’auto-immunité et le VIH  [4] suggèrent que cette pathologie pourrait être sous-diagnostiquée en cas d’infection par le VIH.

quels sont les autres facteurs de risque ?

Il peut y avoir une prédisposition génétique, d’importance variable, mais il reste difficile aujourd’hui de prédire qui développera ou pas une maladie auto-immune dans un contexte familial. Dans l’environnement, l’exposition à certains microbes, aux ultra­violets et à certaines poussières (silice et plastiques) sont des facteurs de risque. Des médicaments (bêtabloquants, interféron alpha, etc.) ont aussi été décrits comme associés à l’apparition d’un lupus, par exemple. Il est difficile de savoir si le médicament réveille ou aggrave celui-ci. Enfin, le processus de vaccination pourrait favoriser l’émergence de certaines maladies auto-immunes, un sujet où la controverse n’est pas levée. Il en va de même pour le rôle que pourrait jouer le stress. En revanche, le lien entre le fait de fumer et le dévelop­pement de certaines maladies auto-immunes fait moins de doute.
­le diagnostic d’une maladie auto-immune en cas d’infection par le VIH est-il facile ?

Celui-ci est rendu difficile à cause des similitudes au niveau des manifestations et marqueurs cliniques entre les maladies auto-immunes et d’autres pathologies associées à l’infection. Dans les deux cas, il y a des dysfonctionnements du système immunitaire. L’atteinte de certains types de lymphocytes au cours de la progression de l’infection par le VIH peut conduire à des manifestations spécifiques de celle-ci (voir encadré « pour en savoir plus »), mais cela n’empêche pas l’apparition des autres maladies auto-immunes touchant la population en général.

quelles sont les maladies auto-immunes susceptibles de se développer en cas de séropositivité pour le VIH ?

Elles peuvent toucher le système endocrinien (organes sécrétant des hormones), le sang, le foie, le système musculo-squelettique ou bien être systémiques (atteinte plus générale du corps). D’autres types, dont les vascularites (inflammation des parois des vaisseaux sanguins) sont répertoriés dans le tableau suivant qui indique aussi les manifestations auto-immunes correspondant à la mise en évidence d’auto-anticorps dirigés contre des éléments variés du « soi ».

atteinte manifestations auto-immunes associées au VIH
endocrine anticorps contre la thyroglobuline et la peroxydase de la thyroïde, maladie dite de Grave ou de Basedow (goitre exophtalmique correspondant à une hyperthyroïdie), thyroïdite auto-immune ou maladie de Hashimoto (inflammation de la glande thyroïde avec hypothyroïdie)
hématologique thrombopénie auto-immune (attaque des plaquettes)
hépatobiliaire hépatite auto-immune, cirrhose biliaire primitive
musculo-squelettique dermatomyosite, polymyosite (myopathies inflammatoires)
systémique anticorps contre la cardiolipine et la bêta 2 glycoprotéine I, lupus érythémateux systémique, sarcoïdose (maladie inflammatoire), syndrome des anticorps anti-phospholipides, syndrome d’infiltration lymphocytaire diffus (syndrome pseudo Sjögren attaquant les glandes salivaires et lacrymales)
vascularites
et maladies associées
cryoglobulinémie (présence d’anticorps qui « figent » au froid et pouvant être à l’origine de vascularites), maladie de Behcet, vascularite leucocytoclastique, vascularite systémique nécrosante, mononeuritis multiplex (neuropathie), panarteritis nodosum (atteinte neuromusculaire et de la peau)
autres anticorps dirigés contre diverses entités (ADN, cytoplasme des neutrophiles, érythropoïétine/EPO, myosine alpha, noyau des cellules, prothrombine), maladie de Raynaud (trouble de la circulation sanguine des extrémités), syndrome de Goodpasture ou maladie des anticorps anti-membrane basale glomérulaire (attaque de membranes des reins et des poumons)

tableau modifié à partir de l’article "Autoimmunity and HIV" publié dans Current Opinion in Infectious Diseases en 2009

quand les premiers cas de maladies auto-immunes ont-ils été constatés au cours de l’épidémie du VIH ?

L’analyse combinée des deux essais – telle l’épidémie, avant l’arrivée des traitements anti-VIH. En absence de traitement antirétroviral, il s’agissait principalement d’atteintes rhumatologique, hématologique, endocrinologique et neurologique (arthrite rhumatoïde, lupus érythémateux systémique, syndrome pseudo Sjögren, syndrome d’infiltration lymphocytaire diffus, arthrite psoriasique et thrombopénie auto-immune – purpura thrombopénique idiopathique).

quel a été l’impact des traitements antirétroviraux ?

La fréquence d’apparition de certaines maladies auto-immunes a décliné avec l’arrivée des antirétroviraux. C’est le cas du syndrome pseudo Sjögren, du syndrome d’infiltration lymphocytaire diffus et des arthrites psoriasique et réactive (l’arthrite réactive est encore appelée syndrome oculo-uréthro-synovial et fait partie des spondylarthropathies, voir plus loin). En revanche, la sarcoïdose gagne du terrain (formation de granulomes, des petits boutons apparaissant suite à l’inflammation, pouvant atteindre plusieurs sites, tout particulièrement les poumons).
Après traitement antirétroviral, la reconstitution du système immunitaire, notamment sous la forme d’un IRIS (syndrome inflammatoire de reconstitution immune  [5]), peut favoriser l’apparition de maladies auto-immunes.

y a-t-il un moment plus propice à l’apparition d’une maladie auto-immune au cours de l’infection par le VIH ?

Quatre stades de manifestations auto-immunes liées à l’évolution de l’infection et au nombre de CD4 (tableau ci-dessous) ont été proposés dans la littérature [6].
Le stade I correspond à l’infection aiguë et le système immunitaire est intact. Une maladie auto-immune peut se déclarer.
Le stade II correspond à une période de quiescence sans manifestation d’un sida, mais le nombre de CD4 décline et signe une immunosuppression progressive qui limite l’apparition des maladies auto-immunes. Il peut y avoir formation de complexes immuns (association d’anticorps avec leurs antigènes) et apparition de vascularites.
Au stade III, l’immunosuppression est présente avec un faible nombre de CD4. Ce stade n’est pas propice à l’apparition de maladies auto-immunes, mais des maladies associées à certains lymphocytes T (de type CD8 et non CD4, cette fois) peuvent apparaître comme un psoriasis ou un syndrome lymphocytaire immun diffus (syndrome pseudo Sjögren) et même constituer une première manifestation de l’atteinte du stade sida. Des spondyl­arthropathies peuvent apparaître (atteinte articulaire et des zones d’insertion des ligaments et des tendons de l’os).
Le stade IV correspond à une restauration de la fonction immunitaire après prise d’anti­rétroviraux. Une maladie auto-immune est susceptible de se présenter de nouveau.

quel est l’impact d’une production d’auto-anticorps ?

L’association entre une production d’auto-anticorps et les manifestations cliniques d’une maladie auto-immune reste souvent à démontrer. Le fait de produire un auto-anticorps ne se traduit pas nécessairement par l’apparition d’une maladie auto-immune. Il peut aussi y avoir un lien entre cette production et une maladie qui n’est pas considérée comme auto-immune.
Par exemple, la production d’anticorps dirigés contre un composant du muscle cardiaque – l’alpha myosine – est plus fréquente en cas de séropositivité au VIH, tout particulièrement lors d’une maladie touchant le muscle cardiaque [7]. De même, la présence d’auto-anticorps contre l’érythropoiétine (EPO) est associée à l’anémie liée au VIH et pourrait donc contribuer à son développement  [8]. Dans le cas de l’EPO et de l’anémie liée au VIH, le traitement antirétroviral était associé à une baisse des deux.

stadedescription du stadenombre de CD4charge viralesidamanifestations auto-immunes
I latence clinique élevé (>500) élevée non maladies auto-immunes
II réponse cellulaire normal/faible
(200-499)
élevée non complexes immuns,
vascularites
III immunodéficience faible (<200) élevée oui spondylarthropathies
IV restauration immune élevé (>500) faible contrôlé maladies auto-immunes

pour en savoir plus

aperçu (très) rapide de l’immunité

Pour fonctionner normalement et assurer son intégrité, notre corps doit faire la distinction entre les éléments étrangers (microbes, virus, etc.) et nos propres constituants. C’est la fonction principale des systèmes de défense immunitaire qui reposent sur la recon­naissance des antigènes, des fragments de molécules biologiques ou pas. Au cours de notre croissance, notre système immunitaire apprend à attaquer les antigènes étrangers (le « non soi ») et à tolérer ceux qui constituent nos propres molécules biologiques (le « soi » ou les auto-antigènes). Les cellules en charge de cela sont principalement les lymphocytes. Le répertoire des antigènes (auto et étrangers) est évidemment très vaste et la maturation de notre système immunitaire permet l’émergence de lymphocytes spécialisés pour reconnaître un antigène particulier. Lors d’une première attaque étrangère, un tel lymphocyte reconnaîtra ainsi l’intrus pour l’éliminer et, surtout, conservera cette propriété en cas de nouvelle rencontre. Les lymphocytes qui ont rencontré un auto-antigène ne feront pas cela. Cela permet la tolérance au « soi  ».

Les lymphocytes existent sous deux grandes classes : les B et les T. Pour simplifier à l’extrême, les B vont produire des molécules diffusibles, les anticorps dirigés contre les antigènes, et les T vont assurer une attaque au niveau cellulaire.

mécanisme d’apparition de l’auto-immunité

Les lymphocytes reconnaissant les auto-antigènes ne sont en fait pas éliminés, contrairement à ce qui avait été proposé initialement. Lors du développement d’une maladie auto-immune, ils se comportent comme ceux participant à une attaque d’un élément étranger, sauf que cette fois, ils s’attaquent à nos propres tissus.

Normalement, des mécanismes empêchent la maturation de certains d’entre eux et d’autres mécanismes inactivent ou détruisent ceux qui auraient maturé. Une sélection ou une régulation anormales de ces lymphocytes, mais aussi des anomalies dans la façon dont les auto-antigènes sont présentés entraîneraient la fin de la tolérance au « soi  ».
L’attaque des tissus peut s’effectuer par l’apparition d’auto-anticorps, de complexes immuns (un échafaudage entre anticorps et antigènes) ou de lymphocytes T autoréactifs. La destruction qui en résulte peut aussi conduire à rendre visibles (pour le système immunitaire) d’autres auto-antigènes, activant ainsi de nouveaux lymphocytes spécifiques et pouvant faire de la maladie auto-immune un état chronique et progressif.

mécanismes associés à l’infection par le VIH

Dans le cas de l’infection par le VIH, de nombreuses cellules peuvent être affectées et pas seulement les cibles principales du virus, les lymphocytes T CD4. Le virus peut changer le programme d’expression d’une cellule contaminée et entraîner ainsi une expression accrue d’auto-antigènes. Les cellules voisines non contaminées peuvent aussi être affectées indirectement. La destruction cellulaire est aussi source d’auto-antigènes qui peuvent stimuler la production d’auto-anticorps. Les lymphocytes T CD4 tués par le VIH pourraient contribuer à larguer des fragments de leurs protéines qui stimuleraient alors le système immunitaire pour réagir contre le « soi ». C’est la destruction massive de ces lymphocytes accompagnant l’infection par le VIH qui conduirait à dépasser le seuil de tolérance vis-à-vis de ces fragments qui sont normalement interprétés comme du « soi ». Ces événements sont liés à l’activation immune chronique observée au cours de l’infection qui découlerait d’une suite d’événements précis  : perte massive des lymphocytes T CD4 situés au niveau du système digestif au cours de l’infection aiguë, destruction de la barrière intestinale et translocation d’éléments bactériens dans le sang  [9].

Des événements affectant les lymphocytes de type B peuvent aussi participer au développement d’une maladie auto-immune. L’infection à VIH est associée à l’activation des lymphocytes de type B, la production d’immunoglobulines et de complexes immuns et la présence d’auto-anticorps – la présence de ces derniers dans le corps peut aussi se produire en présence d’autres virus, mais aussi de parasites ou d’infection bactérienne. Les particules virales et la protéine de l’enveloppe du virus gp120 sont ainsi capables d’altérer les fonctions des lymphocytes B en laboratoire.

Un des autres mécanismes possibles d’apparition de maladie auto-immune s’appelle le mimétisme moléculaire. Un élément étranger à notre corps peut ressembler à une molécule du « soi », conduisant à une similitude entre un antigène étranger et un auto-antigène. Ce pourrait être le cas pour l’hépatite auto-immune avec des virus colonisant spécifiquement le foie et certains médicaments. Dans le cas du VIH, la protéine virale appelée p24 est ainsi reconnue par les anticorps de certaines personnes séronégatives au VIH développant un lupus systémique érythémateux ou un syndrome de Sjögren.

étude de cas

quand le vih fait croire à une maladie auto-immune

Nous mentionnons ci-dessus que le diagnostic d’une maladie auto-immune en cas d’infection par le VIH n’est pas toujours aisé, à cause des similitudes au niveau des manifestations et marqueurs cliniques entre les maladies auto-immunes et d’autres pathologies associées à l’infection. Certains symptômes cliniques peuvent parfois aussi laisser croire à une manifestation auto-immune alors que ce n’est pas le cas, comme l’illustre l’exemple suivant concernant une jeune femme séropositive présentant une lésion diffuse du pancréas. [10]

Lors de sa consultation, la malade décrivait une douleur dans la partie supérieure de l’abdomen (région dite épigastrique) qui diffusait vers le dos, associée à des nausées ainsi qu’à une perte d’appétit et de poids au cours des trois semaines passées. Elle présentait aussi quelques épisodes de vomissement, mais ne mentionnait pas de fièvre ou diarrhées. Elle n’avait pas eu de pancréatite [11] auparavant et ne fumait pas, ni ne consommait d’alcool en forte proportion. Quelques marqueurs biologiques étaient à un niveau supérieur à la norme (lipase, protéine C réactive, gamma globuline polyclonale et immunoglogulines G totales, mais le calcium, les triglycérides et les marqueurs du foie étaient normaux).

L’imagerie médicale révélait des traits caractéristiques d’une pancréatite auto-immune ou d’un processus inflammatoire diffus, ainsi que la présence de lésions au niveau du rein et d’une inflammation au niveau de certains ganglions lymphatiques, ce qui pouvait conduire à suspecter un lymphome ou une tuberculose. Après biopsie au niveau du pancréas et du rein et examens complémentaires, l’hypothèse d’une tumeur ou d’une infection a été écartée.

Comme la malade n’était pas observante quant à sa prise d’antirétroviraux – après six mois d’abstention, elle présentait une charge virale haute et un faible nombre de CD4 –, un traitement à base de tenofovir, emtricitabine et darunavir boosté au ritonavir a été entrepris. Deux mois plus tard, les symptômes avaient entièrement disparu et le niveau des marqueurs était redevenu normal. L’imagerie indiquait aussi la disparition des lésions au niveau du pancréas et une quasi normalisation ailleurs.

Dans ce cas, le diagnostic de pancréatite auto-immune pouvait être retenu sur la base de l’imagerie médicale et du fort taux d’immunoglobulines G (IgG) polyclonales. L’équipe médicale a néanmoins rejeté ce diagnostic, sur la base des analyses complémentaires – en particulier l’absence d’IgG de type 4 qui aurait pu signer une pancréatite auto-immune de type I – et de l’absence de recours à des glucocorticoïdes pour contenir la maladie, le traitement antirétroviral ayant suffi. De plus, il n’y aurait pas de cas de pancréatite auto-immune chez les personnes séropositives rapporté antérieurement. C’est pourquoi l’équipe a retenu plutôt un diagnostic d’inflammation systémique (plusieurs organes touchés) en lien avec l’infection par le VIH – du fait de la réponse quasi complète au traitement antirétroviral – et conclut en suggérant d’envisager une pancréatite due au VIH comme diagnostic en cas de suspicion de pancréatite auto-immune après imagerie médicale.


[1consulter aussi l’encart "pour en savoir plus", ci-dessous, ainsi que le site du centre de référence sur les maladies auto-immunes du CHU de Strasbourg

[2un anticorps
est une protéine (immunoglobuline) produite par les lymphocytes de type B pour tenter de détruire ou neutraliser un antigène (un morceau de molécule biologique, par exemple).

[3Les estrogènes augmenteraient la réponse immune, alors que les androgènes et la progestérone l’atténueraient.

[4revue parue dans le journal Current Opinion in Infectious Diseases en 2009

[6article "HIV and autoimmunity" publié dans le journal Autoimmunity Reviews en 2002

[7selon une étude écossaise de juin
1998 publiée dans le journal Heart

[8selon une étude grecque de mars 2010 publiée dans The Journal of Infection

[10étude rapportée par une équipe bruxelloise dans le numéro de septembre 2011 du Journal of Pancreas

[11La pancréatite
est une inflammation
du pancréas. Elle est relativement commune en cas de séropositivité au VIH, notamment
sous sa forme aiguë.
Cette dernière peut apparaître en lien avec la prise des antirétroviraux ou lors d’une infection opportuniste. Un lien direct avec l’infection par le VIH est plus rare et intervient alors plutôt au début de l’infection.