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Lettre ouverte à Nicolas Sarkozy sur les coupes à Unitaid

lundi 21 septembre 2009

Objet : inquiétudes concernant les coupes à UNITAID

Paris, le 21 septembre 2009

Monsieur le Président de la République,

C’est avec consternation que nous apprenons aujourd’hui que la contribution de la France à UNITAID diminuerait de 30 % en 2009 par rapport à 2008 (110 millions d’euros au lieu de 160), diminution qui ne peut pas s’expliquer par le déclin qu’a connu le trafic aérien de et vers la France.

Ce chiffre implique une baisse de 25 % des ressources totales d’UNITAID pour 2009.

L’unique intérêt de créer une taxe de solidarité internationale – initiative dont la France peut s’enorgueillir, en particulier en ce moment où la communauté internationale discute d’une taxe de solidarité sur les transactions financières – était de fournir une source stable et prévisible de financement pour la lutte contre les trois grandes pandémies. Si le gouvernement mettait réellement en œuvre son projet de coupe, cela nourrirait le plaidoyer des opposants aux financements innovants et pourrait ôter toute crédibilité au discours français sur la scène internationale.

Depuis 2006, UNITAID a divisé par trois le prix du traitement VIH de seconde ligne, et a multiplié par dix le nombre d’enfants séropositifs bénéficiant d’un traitement VIH – avec un objectif de 600 000 enfants traités à moyen terme.

Nous avons entendu, au cours des derniers mois, certains membres de votre gouvernement se donner, comme première priorité pour la France, un accroissement de la visibilité des acteurs bilatéraux français de lutte contre ces pandémies. Nous croyons savoir que le gouvernement pourrait décider de financer ces investissements indispensables à la lutte contre les grandes pandémies en prélevant les sommes nécessaires sur les achats de médicaments réalisés à travers UNITAID.

Une telle décision serait désastreuse, pour les raisons suivantes :

  Le gouvernement ne peut pas diminuer ses investissements dans les médicaments anti-pandémies au moment où, d’après la Banque Mondiale, les ressources intérieures affectées à ces investissements dans de nombreux pays en développement s’écroulent en raison de la crise économique. La Facilité Internationale d’Achat de Médicaments (UNITAID) est nécessaire pour contribuer à empêcher les arrêts de traitements que la crise économique va engendrer dans les prochains mois. Couper maintenant le budget d’UNITAID de 25 % reviendrait à « jeter de l’huile sur le feu ».

  UNITAID a cela d’unique qu’elle allège directement la facture pharmaceutique du Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme en réduisant les prix pour tous. Alors que le Fonds mondial est en crise de sous-financement, l’urgence stratégique est au contraire de maximiser l’impact d’UNITAID sur les prix.

  Transformer la taxe de solidarité internationale sur les billets d’avion en une sorte de « cagnotte discrétionnaire » disponible pour le colmatage ad hoc des aléas du budget annuel de l’aide bilatérale française reviendrait de fait à re-fiscaliser la taxe sur les billets d’avion. C’est-à-dire à en faire une ressource fiscale comme les autres, qui contribuerait dans les faits à financer les dépenses de l’Etat, soumise aux mêmes aléas politiques et budgétaires que le budget général, et qui serait donc dépourvue de la valeur ajoutée intrinsèque à son statut d’origine.

  Alors que le thème des financements innovants est repris par tous les chefs d’Etat, et que la France est, avec la taxe sur les billets d’avion, le leader mondial en la matière, montrer maintenant que les financements innovants constituent une source d’aide au développement encore plus volatile que l’APD budgétaire classique porterait aussi un coup fatal à la démarche.

En tant qu’ONG impliquées dans la lutte internationale contre le sida, nous sommes parmi les premiers à ressentir l’urgence de débloquer des ressources additionnelles afin de financer le canal bilatéral de l’aide française. Celle-ci demeure essentielle pour que la spécificité que les ONG françaises ont su développer dans la prévention et la prise en charge des personnes vivant avec le VIH puisse profiter à nos partenaires des pays en développement. Cette aide doit, à notre sens permettre l’efficacité et le renforcement de la société civile des pays les plus pauvres.

Cependant, nous ne pouvons pas accepter le postulat selon lequel le gouvernement est dans l’incapacité d’augmenter les crédits budgétaires alloués à la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et que ce soit à un instrument innovant et efficace comme UNITAID d’en payer les conséquences.

Nous appelons bien sûr de nos vœux l’augmentation de l’implication bilatérale de la France, mais pas au prix d’une baisse de son implication multilatérale – et ce d’autant moins que celle-ci reste encore dramatiquement insuffisante au regard des besoins.

Dans l’espoir d’une réponse de votre part qui nous rassurera sur les intentions du gouvernement concernant la contribution française à UNITAID et l’emploi multilatéral de la taxe sur les billets d’avion, Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’assurance de notre très haute considération..

CC : M. François Fillon
CC : M. Bernard Kouchner
CC : M. Alain Joyandet
CC : M. Patrice Debré
CC : M. Grégoire Verdeaux
CC : M. Claude Guéant


Les Signataires :

Act Up-Paris
AIDES membre de PLUS
Avocats pour la santé dans le monde
SIDACTION
Solidarité Sida