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Recherche désespérément dépistage H1N1

mardi 4 août 2009

Témoignage de C., militante d’Act Up-Paris

Lundi 27 juillet, 21h, je rentre d’Afrique du Sud, je présente des symptômes grippaux : petit pic de fièvre (38,5), très grosse fatigue, courbatures, et mal à la gorge. Je reçois un mail d’une de mes camarades de voyage, qui m’informe présenter exactement les mêmes symptômes, et avoir été diagnostiquée S + H1N1 par SOS Médecins, deux jours auparavant. J’appelle à mon tour SOS Médecins, on me rassure : je dois prendre du paracétamol et ne m’inquiéter que si les symptômes persistent.

Le lendemain, malgré les 2,5g absorbés, ma fièvre est la même, je fais venir un médecin, en lui précisant les faits : voyage au Sud, fréquentation de lieux de promiscuité (aéroports, hôtels, conférence) et côtoiement d’une personne potentiellement porteuse.

Il arrive et m’examine masqué, me prescrit du paracétamol et des masques chirurgicaux, et m’arrête jusqu’au 31. Il me prescrit également un sérodiagnostic H1N1, notamment du fait que je travaille avec des personnes immuno-déficientes. Selon lui, je peux me faire dépister dans un laboratoire d’analyses.

A la pharmacie, on commence par me refuser les masques, "on ne les délivre gratuitement qu’aux personnes sous Tamiflu".

Mercredi dès 9 heures, j’appelle 6 laboratoires, tous refusent. La plupart disent ne pas avoir le matériel, d’autres ne pas vouloir me recevoir car, potentiellement, je suis infectée. Tous m’orientent vers les hôpitaux.

J’appelle l’hôpital St Antoine (j’habite le XXème arrondissement), on me demande sur 5 postes différents si le test est indispensable, je cite mon ordonnance, qui précise bien un contact avec un cas probable de grippe A. On m’envoie sur la polyclinique, qui ne répondra jamais.

J’appelle l’hôptal Tenon, ils sont très surpris de mon histoire, semblent découvrir que les laboratoires ne sont pas équipés pour ce dépistage. Ils m’expliquent "ne pas être en plan d’alerte", n’avoir ni l’équipe, ni le kit nécessaire. Ils me redirigent vers le médecin, censé disposer d’une liste d’établissements agréés à me transmettre. Il s’avérera que le médecin demande cette liste depuis plusieurs semaines, en vain.

Un ami militant et médiateur de santé me conseillera finalement, et après quelques contacts appropriés, de me déplacer à St Antoine, polyclinique, service du Docteur Picard. J’y vais, je demande à l’accueil un test H1N1, ce qui semble comique, jusqu’à ce que je sorte l’ordonnance.
Je suis immédiatement masquée et isolée dans un bureau. On me demande de patienter, en me précisant que "les tests, c’est pas ici, c’est aux urgences, mais il faut déjà être dans un état grave".

Une infirmière arrive, je lui explique tout en détail : le déplacement en Afrique du Sud, les aéroports, l’hôtel, les problèmes de climatisation que j’y ai rencontrés, la collègue diagnostiquée porteuse de la grippe A, et mon entourage immuno-déficient.
J’insiste sur le principe de précaution évoqué par le médecin, et sur l’ordonnance. Selon elle, séropositif au VIH ne signifie pas forcément fragile face à la grippe A, "c’est une question de taux de CD4". C’est sans appel, les tests sont réservés aux populations à risque, soient les bébés, les personnes âgées et les cas "déjà graves".

Je tente de lui faire comprendre que je ne peux pas retravailler sans être certaine de mon statut sérologique H1N1, que je ne le veux pas, que mon médecin non plus, et que je veux être dépistée, d’autant qu’ils semblent disposer du test. J’ajoute que j’ai été très entourée ces 2 dernières semaines, et que j’ai côtoyé tant des personnes séropositives, que des personnes âgées et des enfants.
"Je vais l’appeler, votre médecin, la solution c’est de prolonger votre arrêt-maladie" sera la réponse finale.

Rentrée à mon domicile, je décide d’appeler les numéros d’information & d’orientation mis à disposition des usagers :

 Plateforme InfoGrippe : 0825 302 302, il n’y a aucune liste de structures de dépistage, on est très étonné par mon récit.
 Cellule de crise du Ministère des Affaires Étrangères (MAE) ; 01 45 50 34 60, on ne peut rien pour moi, il faut que j’appelle le SAMU, "eux savent".
 Le 15 (SAMU) : questionnaire en règle, âge, adresse, identité, 10 minutes d’attente, ils sont très étonnés que j’appelle sur recommandation de la cellule MAE, finalement c’est Bichat ou la Pitié-
Salpêtrière qu’il faut que je contacte.

J’appelle Bichat : après de longs allers et retours entre standard, maladies infectieuses et bureau des internes, je limite ma question à "pratiquez-vous le dépistage grippe A à Bichat ?", "oui sans doute, venez entre telle et telle heure". Et on raccroche.

J’appelle à la Pitié-Salpêtrière, on me passe quelqu’un de manifestement mieux renseigné, qui me recommande de rappeler mon médecin pour lui indiquer la procédure : « si le généraliste pense que
l’état du patient nécessite un dépistage H1N1, il contacte le SAMU, qui nous (l’hôpital) prévient, les 2 jugent ensuite s’il y a lieu, ou pas de faire un test. »
On m’évoque ensuite la surenchère médiatique sur ce sujet, les multiples patients ne souffrant en fait que de banales rhino-pharyngites etc.

Contacté ce matin, mon médecin maintiendra son avis quant à un nécessaire principe de précaution du fait, notamment, de mon entourage professionnel, mentionnera des directives DGS qui précisent que la panique du patient doit aussi être un critère de prise en charge, et s’engagera à rédiger un courrier pour appuyer mes dires et confirmer les faits.

La question n’est pas que je sois ou pas atteinte de la grippe A. Je vais mieux, quoique encore fébrile, le paracétamol semble suffire à faire tomber la fièvre. Je dispose d’une ordonnance, établie par un médecin, pour un sérodiagnostic jugé nécessaire du fait de mon séjour en Afrique, de la promiscuité avec une personne atteinte, des contacts que j’ai pu avoir pendant la période d’incubation de la grippe - qu’elle soit porcine ou pas - et des symptômes que je présentais au 28 juillet.

Le 29, il était encore trop tôt pour savoir si mon état s’améliorerait avec le paracétamol, et pas encore trop tard pour informer les personnes immuno-déprimées que j’ai côtoyées en pleine période contagieuse. Parmi elles, des personnes séropositives, malades, de pays du sud, dont certainEs pour qui l’accès à du paracétamol est impossible.