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Conférence de San Francisco : coinfection

mars 2000

La conférence de San Francisco a réservé une large place à la coinfection par le VIH et les hépatites B et/ou C. Sept études portaient sur ce sujet.

 K. Craib, à Vancouver, évalue des facteurs de risques de contamination au VHC chez 232 homosexuels séropositifs au VIH. Il conclut que la séropositivité au VIH et « certaines pratiques sexuelles » (le fist réceptif et/ou insertif et les contacts oro-anaux) « seraient » des facteurs de prévalence plus élevée au VHC. Il ne s’est manifestement trouvé personne pour lui rappeler qu’en terme de facteurs de risques les contacts sanguins et la fragilité immunitaire sont des évidences.

 M. Bochet, à Paris, évalue l’incidence d’un traitement VIH à base d’inhibiteurs de protéase (IP) sur la fibrose hépatique de patients coinfectés VIH-VHC. Il conclut que les IP ralentissent la progression vers la fibrose, sans faire la part des choses entre restauration immunitaire et toxicité des IP.

 D. Batisse, à Paris, s’intéresse aux échappements en cas de traitement du VHB avec de la lamivudine (3TC, Epivir® ou Zeffix®). Sur 44 patients traités, 8 patients ont développé des résistances après six mois de traitement, et trois autres après un an. Au total 25% des patients sont devenus résistants, malgré une efficacité attestée par une baisse de la charge virale VHB. Aucune précision n’est donnée sur les conséquences de ces résistances. Pourtant, elles impliquent un rebond de la charge virale augmentant les risques d’hépatite aiguë, allant parfois jusqu’au décès. Il ne faut donc jamais arrêter la lamivudine sans examen préalable et accord du médecin. Il est essentiel de connaître les risques de faux négatifs en cas de dépistage du VHB, sous 3TC. Même si ce traitement largement utilisé contre le VIH semble efficace pour le VHB, il faut tenir compte de ces dangers réels et opposer un principe de précaution à cette indication, en attendant de nouvelles pistes thérapeutiques.

 G. Matthews à Londres, teste l’efficacité d’une bithérapie au 3TC et au famciclovir, dite « séquentielle » chez des coinfectés VIH-VHB. Sept patients sur huit sont déjà traités contre le VIH avec du 3TC. On ajoute à leur traitement, du famciclovir. Il est utilisé en traitement de maladies opportunistes à cytomégalovirus (CMV), mais aurait aussi une action antivirale contre le VHB. La charge virale VHB a été stabilisée pour le seul patient non pré-traité avec le 3TC. Pour les autres patients, six ont développé des résistances au 3TC, dont quatre sont aussi devenus résistants au famciclovir. Ces résistances sont associées à un rebond de la charge virale VHB et à une aggravation des perturbations de la fonction hépatique, voire à une poussée sévère d’hépatite aiguë. G. Matthews ose conclure qu’il faudrait malgré tout faire une étude avec cette bithérapie « d’emblée ». Il pourrait aussi conseiller aux coinfectés VIH-VHB de ne plus avoir de problèmes de CMV !

Ces quatre premières études tirent des conclusions hâtives, plus proches de la campagne de persuasion que de la rigueur scientifique. Les choix méthodologiques, les approximations et les conclusions hâtives nous font craindre des généralisations abusives. Certains scientifiques espèrent-ils rattraper le retard en matière de prise en charge des hépatites par une mise sous traitement générale et massive ?

Aujourd’hui, les personnes coinfectés doivent être avertis des risques entraînés par ces choix. La liste des interactions et des effets secondaires prouve clairement qu’il faut rester serein dans l’évaluation des chances réelles de bons résultats, avant une mise sous traitement. Il faut rappeler que pour les hépatites B et C un seul type de traitement a une efficacité prouvée, plus que partielle. Il est capital de ne pas sous estimer les risques entraînés par des traitements de bithérapie, au moment où se profilent pour un avenir proche, des trithérapies, et donc des chances futures de meilleurs résultats. Il faut rapidement redéfinir les indications de traitements en fonction de critères d’urgence et de bénéfice/risque selon l’état des connaissances actuelles.

 K. Weisz, à New York, sur la coinfection VIH-VHC, compare les effets d’une bithérapie directe interféron-ribavirine à une bithérapie différée (interféron puis ribavirine au quatrième mois). La bithérapie différée semble donner de meilleurs résultats en terme de baisse de la charge virale VHC. Il faut noter que 26% des patients ont présenté une anémie, probablement liée à des interactions médicamenteuses. Elles ont été traitées en l’espace de trois mois par érythropoïétine.

 M.H. Kaplan, à Manhasset (USA), cherche le rôle du co-récepteur CCR5 dans la réponse immunitaire contre le VHC. Cet élément a été mis en évidence par l’observation de patients ayant guéri spontanément de l’hépatite C sans traitement (14 à 45% des cas selon les études). Une mutation du CCR5 serait associé à une charge virale VHC plus faible.

 J. Tor, à Barcelone, cherche les facteurs d’aggravation des lésions hépatiques chez des coinfectés VIH-VHC. Les lésions ne sont pas plus fortes en cas de coinfection VIH. S’il y a un antécédent de taux de CD4 inférieur à 200/mm3 et des transaminases élevées, ces deux facteurs sont souvent associés à des fibroses hépatiques plus avancées.

Cette conférence n’aura donc rien apportée de réellement nouveau en matière de coinfection. Les hépatites ont longtemps fait l’objet d’un déni, sur le mode « le sida d’abord ». Les dernières évaluations, en matière de coinfection, ont mis les pouvoirs publics face à une urgence qu’ils refusaient de voir, en espérant sans doute éviter d’avoir à assumer leurs responsabilités. Mais, le retard pris risque d’être payé très cher par les premières personnes concernées : 40 000 co-infectés au VIH-VHC et 12 000 coinfectés au VIH-VHB, selon les plus récentes estimations.