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Actes d’une journée pas comme les autres

vendredi 1er octobre 2004

Le 7 mars 2004, ont eu lieu les premiers États Généraux « Femmes et sida », fruit d’un travail inter-associatif réunissant Act Up-Paris, Aides, le Kiosque info sida toxicomanie, le Mouvement français pour le planning familial et sida info service. Nous voulions que la parole des femmes séropositives ait toute sa place et que celles-ci ne soient pas, une fois de plus, les « invitées » face à une estrade de professionnelLEs qui seraient venuEs leur parler.

Nous avons privilégié le fait que, dans la mesure du possible, les intervenantes seraient des femmes séropositives et que leurs témoignages ouvriraient les débats entre femmes séropositives et professionnelLEs, avec les personnes présentes dans la salle. L’échange s’est fait de manière différente. Les médecins, les travailleurSEs sociaux, les représentantEs de différentes institutions et associations, les politiques ont touTEs joué le jeu en ce sens. Elles et ils étaient venuEs pour écouter des femmes séropositives et leurs apporter des réponses lorsqu’ils le désiraient ou le pouvaient.

Nous avons été nombreuses à souhaiter que cette rencontre soit envisagée comme un point de départ. L‘épidémie se féminise dans tous les pays du monde, et exige une mobilisation plus vive sur la question de la place des femmes dans la société. Nous sommes heureuses d’avoir suscité et vécu ce moment fort, car c’est de nos mobilisations que dépendra la suite : il reste un immense chantier devant nous à construire avec toutes celles et ceux qui ont compris que nous ne gagnerons pas la lutte contre l’épidémie de sida si nous occultons la situation des femmes ici et là-bas.

Nous tenons à remercier toutes les personnes qui ont participé à ces États Généraux et qui ont fait la richesse de cette journée. C’est principalement pour cela que nous avons tenu à éditer les Actes de cette journée, nous pensons qu’ils peuvent être aussi un outil d’information pour les femmes séropositives et toutes les personnes qui les entourent ou les soignent.

Des revendications ont été établies durant les 4 ateliers de la journée, dont nous rapportons ici les principaux points forts (issus eux-mêmes des actes de cette journée).

 « Les interventions et le débat de l’atelier Nord/Sud - Est/Ouest ont fait émerger les responsabilités qui sont en cause dans cette inégalité face au sida, entre les pays riches et les pays pauvres, et la responsabilité du Nord est clairement en cause. Ce n’est pas seulement une dimension de solidarité qu’il faut développer, même si celle-ci est très importante, mais il s’agit de mener ensemble une action pour d’autres rapports internationaux et en particulier d’autres rapports Nord/Sud. (...)

 La question de la place des hommes a fait l’objet d’échanges vifs et riches. Un point de vue largement partagé est que les hommes ont leur place s’ils luttent avec les femmes pour l’égalité hommes/femmes. Car c’est cette inégalité qui a été repérée comme un des facteurs principaux de l’exposition des femmes au sida. (...) La suite des débats et des travaux permettra de travailler sur cette question des rapports hommes/femmes et de la nécessité d’échanger et de se parler. Les hommes ont une place dans la lutte contre les inégalités hommes/femmes.

 Un autre point très important a été évoqué : celui du rôle d’éducatrice des femmes. On le retrouve de par le monde ; ce sont les femmes qui s’occupent principalement de l’éducation des enfants et qui participent donc à la reproduction des modèles. Il est important que les femmes prennent conscience de leurs responsabilités dans la reproduction des stéréotypes et, collectivement, développent avec les hommes qui le souhaitent, d’autres représentations des rôles masculins et féminins.

 Le problème de la confidentialité et de la stigmatisation a été posé. Il y a un regard encore plus stigmatisant sur la femme séropositive et sur son « mode de vie » en lien avec la contamination. Cela a été souvent évoqué et c’est une difficulté supplémentaire à vivre la séropositivité.

 On a pu constater que tout ce qui est « vécu spécifique », que ce soit au niveau des traitements ou du vécu de la séropositivité, n’a fait l’objet de quasiment aucun essai, aucune recherche « genrée », c’est-à-dire qui prennent en compte la différence entre les hommes et les femmes. C’est vraiment depuis très récemment que ces études commencent à exister. Un appel clair est fait aux chercheurSEs pour développer des travaux dans ce sens, car nous en avons vraiment besoin. Depuis le début de l’épidémie, la Direction générale de la santé (DGS) a publié un seul document de prévention à l’attention des femmes. Il y a nécessité d’un travail d’information beaucoup plus important en direction des femmes et d’une implication beaucoup plus forte des pouvoirs publics dans cette action.

 Des témoignages ont souligné que des médecins profitaient encore de leur pouvoir pour faire passer leurs propres valeurs et leur propre morale, et ne donnaient pas forcément aux femmes tous les éléments pour choisir, en particulier sur les questions de sexualité et de désir d’enfant. Il a été souligné combien cela pouvait perturber la vie des femmes et leur donner une image négative de leur corps. Il y a eu un appel à résister au pouvoir médical, à s’informer auprès des associations. Cela montre qu’il reste un travail important à faire au niveau de l’information, mais aussi de la formation des professionnelLEs de santé, des différentEs intervenantEs dans les lieux de soins spécifiques comme dans les PMI, les centres de santé et auprès des libéraux.

 Des lieux de parole, d’échanges pour lutter contre l’isolement ont clairement été demandés. Cela permet de se sentir plus fortes, moins seules, de voir que l’on peut trouver des solutions et qu’elles peuvent servir à d’autres, mais l’époque n’étant pas au développement des financements, il faut donc se mobiliser pour les obtenir ».