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Aids Vaccine 2005 (3)

dimanche 25 septembre 2005

Troisième volet de notre chronique sur Aids Vaccine 2005.

Dix enseignements du passé

Jeudi 8 septembre, Judith N. Wasserheit (HVTN, Fred Hutchinson Cancer Center, USA) faisait le point sur les essais cliniques de vaccins. Entre 1985 et 1999, plus de 35 essais utilisant des protéines recombinantes de l’enveloppe du VIH conçues pour induire des anticorps neutralisants ont été réalisés. En 2003, deux essais d’efficacité (phase III) conduits par VaxGen avec une protéine recombinante de la GP120 n’ont montré aucune efficacité. Nous sommes maintenant entrés dans l’ère des essais de vaccins dont on attend une stimulation de la réponse CTL, la réponse des lymphocytes T CD8 dirigée contre les cellules infectées. Ainsi, en 2005, plus de 25 essais de phase I et II testent de multiples approches sur cette piste. De plus, deux essais d’efficacité sont en cours depuis 2003. Le premier teste en phase III une formule d’induction-boost avec un ALVAC d’Aventis-Pasteur (vCP1521) puis le rGP120 de VaxGen. Le second est un essais de démonstration du concept d’un adenovirus non répliquant de type 5 (Ad5) du laboratoire Merck. A la suite des essais de phase I et II de la formule d’induction avec un ADN cloné par de multiples épitopes puis boost par Ad5, un essais d’efficacité de phase III de cette formule sensée stimuler l’immunité CTL est en préparation. Mais que peut-on tirer des essais peu concluants terminés à ce jour qui puisse renforcer nos connaissances pour l’avenir ? La spécialiste américaine propose 10 enseignements majeurs.

  1. Une très grande sécurité. De tous les essais, un seul effet indésirable grave a été imputé au produit testé pour plus de 50 candidats vaccins. Cela prouve que les mesures employées jusque là pour assurer le contrôle de la sécurité ont été efficaces. La procédure de suspension pourrait ainsi être réservée aux essais sur des produits entièrement nouveaux.
  2. Induire la production d’anticorps neutralisants efficaces sur la durée est très difficile. Tous les essais ont conclu à une inefficacité des produits testés même s’il a existé quelques cas marginaux.
  3. La plupart des virus de varicelle employés comme vecteurs n’induisent aucune réponse CD8 CTL durable.
  4. Tous les ADN ne sont pas équivalents. Il existe à ce jour de nombreux essais de diverses formules, il convient de pouvoir les comparer afin de sélectionner les meilleurs candidats.
  5. Les vecteurs adénovirus sont dans le groupe de tête. C’est un constat très positif mais il faudrait élargir la palette des approches testées sur ce modèle.
  6. La réorientation vers les vaccins stimulant la réponse CTL a aussi été l’occasion de nombreuses innovations. Parmi celles-ci, il y a l’association de laboratoires travaillant sur une piste, l’idée d’éducation communautaire, les avancées sur le consentement éclairé, l’amélioration des autorités de régulation et des règles d’autorisation, l’accès aux soins et aux antirétroviraux pour les volontaires qui deviendraient séropositifs en cours d’essai.
  7. Attention, un train peut en cacher un autre. Le fait de s’être intéressé à la stimulation de l’immunité des lymphocytes T a renforcé d’autres centres d’intérêts comme l’étude de l’évolution de la charge virale ou de l’immunité des personnes infectées en cours d’essai. De là est aussi apparu un recentrage de l’objectif traditionnel du vaccin préventif vers d’autres perspectives comme les vaccins capables de renforcer le contrôle de la maladie par l’immunité chez les séropositifs ou encore l’idée d’un vaccin capable de permettre un meilleur contrôle de la réplication virale lors d’une infection.
  8. Les essais d’efficacité de vaccins sont en cours mais le vaccin n’est pas la seule solution. En effet, l’arsenal préventif doit être vu comme un dispositif à multiples composantes dont le vaccin ne sera qu’un élément. D’autres techniques de prévention sont à l’étude. L’évaluation de la circoncision comme mesure protectrice est en cours. De même, les microbicides et les traitements prophylactiques pré-exposition sont actuellement évalués.
  9. La mise en place de la capacité opérationnelle à mener des essais à long terme est un défi mais demeure une nécessité essentielle.
  10. Le leadership au plus haut niveau est indispensable.

S’intéresser aux ados

Vendredi 9 septembre, un symposium sur un sujet peu commun a rassemblé les spécialistes des questions sociales liées à l’organisation des essais. Il s’agissait de discuter de l’intérêt et de la faisabilité des essais vaccinaux chez les adolescents.

Jared Baeten (University of Washington, USA) a exposé les raisons d’ordre épidémiologique qui poussent la recherche vaccinale à s’intéresser tout particulièrement aux adolescents. Principalement, les statistiques mondiales montrent que la majorité des séropositifs ont moins de 25 ans. Le mode de transmission le plus commun étant la transmission par voie sexuelle, c’est avec le commencement de la sexualité que le risque apparaît. Les données des pays où la prévalence est très forte montrent aussi que les contaminations récentes sont majoritairement chez les jeunes. Chez les homosexuels, de nombreuses études ont montré que les contaminations avaient augmenté ces dernières années et ce, plus particulièrement chez les jeunes. Enfin, dans les pays de l’Est et en Asie centrale où l’épidémie frappe beaucoup les usagers de drogues, l’âge des premières injections a baissé. Par ailleurs, on constate que les femmes sont atteintes plus tôt de quelques années que les hommes et ce de manière particulièrement disproportionnée.

Il existe plusieurs explications à cela. Les femmes ont des relations sexuelles plus tôt que les hommes. Par ailleurs, on constate qu’elles ont souvent des partenaires plus âgées qu’elles. Mais l’inégalité entre hommes et femmes, les violences et la prostitution principalement sous la pression de contraintes économiques aggrave encore cette situation. Et puis les femmes ont un risque biologique plus élevé que les hommes dans les relations hétérosexuelles d’une part mais aussi parce que la contraception hormonale augmente la sensibilité au VIH. Enfin, les infections sexuellement transmissibles sont un co-facteur de transmission du VIH. A l’inverse, le niveau d’éducation est un indicateur de risque plus faible. Et, d’une manière générale, les interventions comportementales peuvent réduire le risque de manière substantielle.

Coleen K. Cunningham (Children’s health center, USA) a ensuite présenté l’immunologie chez les adolescents. D’une manière générale, la réponse à un vaccin est toujours meilleure chez une personne jeune. Les réponses à de nombreux vaccins connus et efficaces sont meilleures chez les adolescents et même bien souvent encore meilleures à l’âge préadolescent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle de nombreux vaccins utilisés chez les jeunes ne sont plus proposés plus tard car leurs chances de réussite sont plus faibles. Le vaccin de l’hépatite B, par exemple, montre clairement une efficacité de la stimulation immunitaire entre un et dix ans. Celle-ci diminue ensuite régulièrement. On constate aussi qu’on arrive à la même qualité de réponse avec seulement deux injections chez les adolescents alors que le protocole en prévoit trois. D’autres exemples comme la grippe, la varicelle, le papillomavirus dont les vaccins sont actuellement en cours d’étude, la diphtérie, le tétanos, montrent des résultats qui vont dans le même sens. D’où la conclusion logique de la chercheuse américaine : d’une part, si le résultat peut être meilleur à un âge plus jeune, pourquoi devrait-on attendre ? et d’autre part, si l’on attend d’avoir un vaccin approuvé pour les adultes, il faudra encore du temps avant que la formule soit testée puis approuvée chez les adolescents.

Linda-Gail Bekker (Desmond Tutu HIV center, Afrique du Sud) ajoute à propos de l’Afrique que le sida est la première cause de mortalité des jeunes devant la guerre et le paludisme. Aussi a-t-elle monté une pré-étude pour recruter des adolescents et analyser les problèmes psycho-sociaux que de tels essais peuvent poser. Il apparaît clairement que les motivations des jeunes ne sont pas différentes des adultes volontaires dans les essais de vaccination : l’altruisme y entre pour une grande part. Sa méthode qui fait appel à des jeunes déjà instruits pour expliquer aux autres est un exemple d’implication des communautés. Bien entendu, s’agissant de mineurs, rien ne peut se faire sans l’approbation des parents. Et là, parfois il existe des désaccords qu’il faut gérer. La question du partage de l’intime avec les parents semble assez facile à régler en procédant plutôt par entretiens séparés. En revanche, il semble que les parents sont souvent plus réticents que les enfants pour ce qui est des craintes sur la sécurité ou les conséquences sociales de la participation de leur progéniture à la recherche clinique. Michelle Lally (Brown Medical school, USA) ne dit pas autre chose. Elle a fait le même travail mais aux Etats-Unis et la confrontation des deux chercheuses montre que, dans des contextes socio-politiques très différents, les comportements sont finalement très similaires.

Le vaccin n’est pas la solution ultime

Tant de choses se sont dites pendant ces quatre jours. Les rapporteurs des différents thèmes traités, recherche clinique, réponses T, réponses anticorps, terrain social, économique et éthique ont tenté de condenser l’ensemble des sessions en trop peu de temps. Parmi les thèmes qui ont été abordés bon nombre de points que nous n’avons pas parlé auraient mérité le détour :
 Les essais de vaccins s’internationalisent. Dès lors, doit-on considérer que les critères d’inclusion doivent être les mêmes partout au monde ?
 Une piste nouvelle à poursuivre : l’usage d’un vaccin pour résoudre la question de la transmission du virus par le lait maternel
 Les essais de vaccins VIH sont plus compliqués et plus coûteux que les autres essais de vaccins. C’est pourquoi ils requièrent un engagement plus important des bailleurs de fonds, des communautés et des chercheurs.

Après le discours de Barton Haynes (Duke Human Vaccine Institut, USA) qui a rappelé le programme de travail du tout nouvel institut de recherche américain, le CHAVI, ce fut au tour de l’ambassadeur de France pour le sida et les maladies transmissibles, Michel Kasatchkine, de conclure cette conférence.

L’ancien directeur de l’ANRS a replacé la recherche vaccinale dans le contexte historique de l’évolution de la politique de santé dans le monde afin de la mettre en perspective avec les récentes prises de position du G8 et sa déclaration de l’accès pour tous. Partant, il s’agit de savoir si la santé doit être considérée comme un immense marché mondial ou bien si ce marché doit être contrôlé pour ne pas laisser en route les plus nécessiteux. La réponse à l’épidémie de sida doit se faire sur tous les fronts, a insisté Michel Kasatchkine : il faut renforcer la prévention, achever l’accès universel aux soins et développer la recherche dans tous les secteurs. La prévention et les traitements forment un tout et se renforcent l’un l’autre. Ce sont les composantes inséparables de la politique d’accès aux soins. Réduire l’incidence des contaminations demande de renforcer la prévention secondaire qui ne peut se faire que par l’accès aux traitements. Le programme à venir de la recherche doit être agressif. L’ancien directeur de l’ANRS a rappelé à ce propos les résultats récemment publiés de l’étude ANRS 1265 qui a montré l’intérêt de la circoncision chez les jeunes hommes pour limiter la transmission du VIH.

Cette quatrième édition de Aids Vaccine (Paris, New-York, Lausanne, Montréal) s’achève. Les moyens sont toujours insuffisants, les efforts fragmentés ; l’engagement reste trop faible, tant du secteur public que des entreprises privées. La reconnaissance de l’importance de l’enjeu n’est pas reconnue par les bailleurs de fonds et les politiciens. Mais pour cela, le message délivré par la recherche vaccinale doit être clair. Il faut cesser de parler de solution ultime mais d’une composante qui fait partie de la réponse globale à l’épidémie de sida. L’engagement à travailler ensemble est encore insuffisant. La Global Hiv Vaccine Enterprise doit permettre ce développement comme elle doit permettre de récolter les fonds nécessaires. En conclusion, Michel Kasatchkine a rappelé que parmi les engagements pour le développement pris par les 191 états membres de l’ONU lors de l’assemblée du Millenium, le huitième engagement est celui-ci : « mettre en place un partenariat mondial pour le développement ».

Dernière minute

Aileen Caroll, ministre canadien de la coopération internationale s’est invitée à la session plénière du vendredi matin (9 septembre). La ministre nous a livré un discours assez classique à propos du « grand fléau planétaire », de la « tragédie inacceptable des enfants africains qui meurent », « de l’indispensable recherche médicale et tout particulièrement le recherche pour un vaccin ». Elle a poursuivi ensuite sur les préoccupations de son ministère pour l’indispensable aide qu’elle entend apporter par la contribution du Canada pour prévenir le développement de la pauvreté qui aggrave encore l’impact de la maladie.

Viennent ensuite les annonces. La ministre commence par celle d’un plan d’action sur la santé dans les pays en développement. Ce plan doit comporter deux volets. L’un est destiné à prévenir et contrôler les principales maladies liées à la pauvreté, l’autre à renforcer les ressources humaines et la gouvernance dans le secteur de la santé ainsi que d’améliorer l’information sur la santé.

Enfin vient la conclusion tant attendue. La ministre canadienne annonce que le Canada contribuera au Fonds mondial à hauteur de 250 millions de dollars canadiens soit environ 200 millions de dollars US.

En effet, lors du sommet de refinancement du Fonds qui s’est tenu à Londres le 7 septembre, plusieurs pays ont annoncé leur contribution. Certains absents attendaient probablement la fin de cette conférence pour se positionner. Le Canada vient de le faire ce matin, ici, à Montréal. Le chiffre de 200 millions de dollars est en dessous des 300 millions que les ONG avaient estimées comme une contribution raisonnablement souhaitable pour le « round » 2006-2007. Cela constitue une stabilité de l’effort du Canada au Fonds qui fut de 33 millions par an entre 2002 et 2004 puis de 110 millions en 2005.