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Cannabis thérapeutique

samedi 10 mai 2003

Notre dernier numéro d’Action=Vie était consacré au cannabis thérapeutique. Nous en approfondissons ici les données médicales et scientifiques.

L’intérêt de la recherche dans ce domaine est d’utiliser cette plante, non plus à des fins psychotropes ou récréatives, mais de trouver les dosages et mode d’emploi, ainsi que les différentes indications médicales possibles de cette plante avec ou sans effets psychoactifs, selon les goûts. Toutes les parties de la plante, coupées et séchées, peuvent être utile d’un point de vue thérapeutique, même les graines. Les hollandais en légalisant l’usage et la vente du cannabis à des fins récréatives ont créé l’empire du « CannaBuziness ». Les multinationales pharmaceutiques vont envahir le marché avec des produits assez éloignés des bénéfices thérapeutiques de la plante.

bases scientifiques

c’était dans les graisses

L’isolement, dans les années 1940 par le Dr. Adam, du cannabinol et du cannabidiol révéla la structure du principe actif du cannabis. Ce n’est qu’en 1965, que le Dr. Mécoulam et ses collègues isolèrent tout d’abord la molécule D9-THC (delta-9-Tétrahydrocannabinol). Le THC s’avéra par la suite être le principal responsable des propriétés psychoactives de la plante. Hormis dans des débats sur les différentes formes de THC, le THC est synonyme du D9-THC (delta9-tétrahydrocannabinol).

A la différence de la plupart des autres drogues, les composants du cannabis ne sont pas des alcaloïdes, ni des glucosides, mais des motifs moléculaires beaucoup plus complexes, de la famille des terpènes. Le THC, principal composant psychoactif, ainsi que les soixante cannabinoïdes qui l’accompagnent, sont des corps gras qui se diluent mal dans l’eau, mais qui se dissolvent facilement dans d’autres corps gras. C’est pourquoi il y a de plus faibles taux de THC dans le sang que dans les tissus gras. Afin d’extraire plus de composants actifs, les infusions sont plutôt faites au lait et dans la cuisine au beurre. Il faut alors faire très attention aux dosages, à cause des risques d’hallucinations, parfois
traumatisantes.

thc et variétés

Les taux de THC de la plante permettent de faire la différence entre plusieurs variétés et dérivés : le chanvre « textile » en contient moins de 0,3%, le cannabis classique de 0,5 à 4%, la marijuana ou la sensemilla de 7 à 15 %, la skunk ou netherweed 20%, le haschich de 2 à 20%, l’huile de 15 à 50% et même certaines variétés de laboratoire de recherche agronomique et génétique
peuvent en contenir jusqu’à 70 à 90 %.

des effets, connus depuis le secondaire

Les principaux effets secondaires du cannabis sont les effets psychotropes : l’euphorie ou la psychose. Il provoque aussi une accélération du rythme cardiaque, une pression intraoculaire, momentanée, une sudation accentuée et une respiration légèrement plus intense.

mode d’administration et galéniques

 Fumé : il existe plusieurs techniques pour fumer, les plus toxiques étant le chillum indien et le rituel « trois feuilles » pour rouler et faire tourner un joint, car pour améliorer la combustion, beaucoup d’usagers y ajoutent du tabac. Pour fumer le cannabis pur et sans tabac, à moindres risques, il vaut mieux envisager des petites pipes, comme les Sepsi marocains, permettant de fumer de petites doses d’herbe pure, ou plus sages, les pipes à eau, permettant de filtrer et de refroidir la fumée. Toutefois quel que soit le mode de combustion, même pur et sans tabac, on consomme des goudrons qui favorisent notamment les cancers.

 Inhalé : une décoction avec la méthode de la serviette sur la tête est possible, mais faites attention au « plongeon mystique », l’eau est chaude. Les vaporisateurs utilisés en phytothérapie, atteignent une température supérieure à 200°C, température à laquelle la combustion du cannabis génère des goudrons. Grâce aux différents « vaporizer » spécialement adapté, à 150-200°C, le cannabis étant brûlé avec la vapeur d’eau (hydrolyse), il produit une fumée, sorte de vapeur d’huiles essentielles, réellement safe et sans goudrons.

 Ingéré : de nombreux livres de cuisine spécialisée pourront alors vous être d’une grande utilité pour redécouvrir l’appétit, la cuisine et les crèmes brûlées. En cas de cirrhose du foie, certaines préparations sous formes liquides (ampoules, fioles, etc.) contiennent des taux d’alcool qu’il convient d’éviter.

mécanisme d’assimilation

Fumés, les cannabinoïdes passent des poumons dans le sang, puis atteignent le cerveau en moins d’une minute, et à une dose maximale, quinze minute après inhalation, coïncidant avec le pic d’effets psychologiques et physiologiques. C’est un processus très rapide, il dure deux à trois heures. Environ 50% du THC « part en fumée », dont une partie se transforme en goudrons, et seul 25% sera réellement présent dans le sang. A dose égale, un fumeur expérimenté aura un dosage de THC plus élevé dans le sang qu’un novice.

Ingéré, le cannabis est plus lent à procurer les premiers effets puisqu’il passe par le système digestif (30 à 90 minutes), il est assimilé par l’intestin puis métabolisé par le foie. Il procure aussi des taux de THC sanguins deux à trois fois plus faibles que fumé. Il faut encore compter deux à trois heures avant d’atteindre le niveau d’effet maximal, le temps de la métabolisation par le foie d’une grande partie du THC. Les effets du cannabis ingéré durent de quatre à huit heures, voire plus exceptionnellement. En effet, grâce à la digestion, les cannabinoïdes sont stockés dans les graisses, puis se rediffusent lentement dans le sang, permettant d’assurer une durée d’effet nettement supérieure à la fumée, avec des dosages et des effets vraiment différents.

mécanisme d’action

Une fois absorbés, les cannabinoïdes sont redistribués et stockés dans le corps, vers les tissus des organes les plus irrigués par le sang (cerveau, poumons, foie, glandes surrénales, reins, ovaires et testicules). Le THC a une demie-vie dans le sang de 4 jours environ. Le THC est essentiellement métabolisé par les cytochromes P450 du foie. Il est transformé en métabolite, le 11-OH-THC (11-hydroxy-THC), trois fois plus psychoactif que le THC lui-même et ayant une demie-vie de 30 heures, lequel est à son tour transformé en THC-COOH (9-carboxy-THC) très présent dans les urines, mais inactif comme la plupart des autres métabolites du cannabis connus à ce jour. Le THC-COOH disparaît en une semaine, voire en un mois pour des gros fumeurs quotidiens et de longue date. C’est ce métabolite qui est principalement recherché dans les systèmes de dépistages rapides utilisés sur la route par les services répressifs.

laboratoire et dépistage

L’élimination complète dans le corps humain de tous les composants d’une seule prise de cannabis peut prendre plus d’un mois. Les dosages des métabolites de cannabis dans les urines ne permettent pas de situer précisément le moment de la prise ou de l’effet psychoactif du cannabis, faute de corrélation avec les traces de cannabis dans les urines. Le THC reste plus longtemps dans le cerveau que dans le sang, ce qui explique que fumé, les effets psychoactifs durent jusqu’à quatre heures, alors que les taux sanguins de THC sont déjà devenus quasiment indétectables. Toutefois, il arrive qu’une part négligeable de THC, non métabolisée par le foie, puisse être détectée dans les urines.

surdose et tolérance

Tout comme la morphine, le cannabis utilisé à des seules fins thérapeutiques, n’a pas provoqué de problème de dépendance dans le cadre d’essais cliniques. Ces deux produits ont en commun, le fait de pouvoir être facilement et efficacement autodosé par le malade, quand on lui en laisse la possibilité.

D’après des calculs pronostics, la dose létale de cannabis pourrait être provoquée par la prise unique de 7,5 kg de cannabis séché ! Comparée avec la dose moyenne de THC utilisée dans le cadre des essais thérapeutique, le rapport dose thérapeutique/dose létale est de 1/40000. Sachant que pour le cannabis, les doses thérapeutiques sont généralement inférieures aux doses
« récréatives ».

Au sens pharmacologique du terme, la tolérance signifie la capacité acquise progressivement de supporter des doses croissantes d’un produit sans effet indésirable grave. Le cannabis a une bonne tolérance, quand il est utilisé sous sa forme naturelle, grâce à l’un de ses cannabinoïdes, autre que le THC, naturellement présent dans la plante. Ainsi, avec l’utilisation des formes synthétiques de THC seul (la majorité des médicaments actuellement disponibles), des problèmes de tolérance apparaissent.

neurologie

Dans le corps humain, deux types de récepteurs biologiques, spécifiques aux cannabinoïdes ont été identifiés, les CB-1 et les CB-2. Les CB-1 sont des systèmes de récepteurs situés dans plusieurs régions du cerveau et dans les tissus périphériques (cœur, prostate, utérus, ovaires, testicules, moëlle épinière et amygdales), ils sont appelés récepteurs centraux. Les CB-2 sont des récepteurs fixés aux macrophages du système immunitaire dans la rate, mais aussi dans les agmydales, ils sont appelés récepteurs périphériques. Il y a autant de CB-2 dans la rate que de CB-1 dans le cerveau.

Les cannabinoïdes endogènes dans le cerveau, jouent un rôle majeur dans la gestion du stress et de la peur. Ils sont très présents dans les amygdales basolatérales dans la région du cerveau qui gère la mémoire et la peur. Ils permettent d’oublier, puis de dépasser les mauvais souvenirs traumatiques, permettant à l’expérience de servir de leçon. Ceci permettrait d’expliquer le rôle auto-thérapeutique du cannabis, utilisé par certains consommateurs récréatifs. Certains chercheurs évoquent le rôle neuroprotecteur de certains cannabinoïdes ; on vient ainsi de démontrer qu’ils joueraient le rôle d’antioxydants potentiels. Il est capital de comprendre que la plupart des essais thérapeutiques, aujourd’hui, ont été réalisés avec des cannabinoïdes synthétiques, copiés à partir de la plante, et non pas avec tous les composants naturels. Ce qui a créé de nombreux effets secondaires que d’autres éléments, présents à l’état naturel dans la plante, permettent de contrer efficacement. L’industrie pharmaceutique le sait, mais préfère étudier chaque composant un par un, quitte à étayer un savoir n’ayant rien à voir avec les effets ou les risques liés au cannabis naturel, utilisé à des fins thérapeutiques.

cannabis et immunité

Le rôle et l’incidence immunitaire des récepteurs CB-2, liés au macrophages du système immunitaire, est encore un mystère aujourd’hui, provoquant les surenchères médiatiques quant aux risques éventuels de dépressions majeures du système immunitaire. Ils n’ont jusqu’à aujourd’hui été constatés que sur des cobayes à qui des chercheurs avaient injecté une forte dose de THC. Aux dosages récréatifs classiques, les incidences immunitaires ne sont pas mesurables, mais pour d’éventuels futurs traitements à très fort dosage, la question méritera alors d’être étudiée. Alors qu’il est notoire que nombre de séropositifs et de malades fortement immunodéprimés utilisent du cannabis à des fins récréatives ou thérapeutiques, les incidences immunitaires de cette plante n’ont toujours pas fait l’objet d’une revue de la littérature scientifique. Pourtant plus d’un million de malades immunodéprimés (sida, hépatites, cancers, sclérose, etc.) sont prêts à participer à des essais sur le cannabis thérapeutique en France. Ils attendent encore des essais en nombre suffisant.

botanique

Les composants psychoactifs sont majoritairement présents dans les terminaisons fleuries (les têtes) du plan femelle du cannabis sativa. Ceci explique qu’avec l’aide des dernières techniques de modifications génétiques (OGM), les pieds cultivés pour une production intensive et une rentabilité maximale mesurent moins d’un mètre et n’ont quasiment plus de feuilles, juste des têtes, sortes de bonzaïs gluants.

marketing

Le haschich est obtenu après tamisage, permettant ainsi de récolter le pollen qui une fois compressé, se présentera sous l’aspect de tablette de « chocolat ». Pour les Hollandais, inconditionnels du haschich, il existe des systèmes (Pollinator©, Ice-O-Lator©) qui permettent, à partir de production personnelle de cannabis en quantité modeste, de fabriquer son propre haschich thérapeutique, afin de garantir la pureté et la qualité du produit.

A partir du pollen, on peut aussi fabriquer différents types d’extraits sous forme liquide. L’huile de cannabis est à utiliser avec grande précaution, à cause de taux de THC très élevé. Elle est surtout prise en infusion. Les bières et autres boissons dites « à base de cannabis » ne sont que des produits de marketing. En phytothérapie, il existe aussi des onguents, des baumes, de la teinture-mère, des extraits d’huiles essentielles, à partir desquels il devient plus facile pour l’industrie pharmaceutique de produire des gélules et des cachets, des aérosols et des sprays, des gouttes pour l’œil et diverses formes de suppositoires, à base de cannabis.

bigpharma

Le manque d’intérêt pour la plante de la part de l’industrie pharmaceutique s’est longtemps expliqué par le fait que le cannabis, étant un produit naturel, appartient au domaine public : il ne peut donc pas être breveté. Il faut tout d’abord être capable de produire des plants dont la composition soit connue, précise et surtout stable et reproductible. Il ne reste plus alors qu’à trouver des modes d’administration, faciles d’emploi pour n’importe quel malade, surtout pour les non fumeurs et ceux qui ne veulent pas d’effets psychotropes. C’est seulement suite à ces étapes, que des essais thérapeutiques ont pu commencer.

La recherche sur les dérivés du THC est nécessaire, ou du moins des tentatives de modifications génétiques de sa structure, afin de pouvoir en ôter l’effet psychoactif, mais surtout de pouvoir déposer des brevets. Le
Dr. Mechoulam indique que si le cannabis était légal, il remplacerait immédiatement 10 à 20% de tous les médicaments sur ordonnance, et que peut-être 40 à 50% des remèdes actuels pourraient être à base d’extraits de cannabis.

les essais thérapeutiques

accès compassionnel

L’AFSSaPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé), dans le rapport annuel 2001 du comité de coordination des vigilances des produits de santé, au chapitre « Cannabis et dérivés : usage thérapeutique », fait une mise à jour des dernières informations en matière d’essais thérapeutiques :

« Actuellement, le Royaume-Uni fait figure de précurseur puisqu’il est le seul pays en Europe à utiliser le Cannabis et ses dérivés dans un but thérapeutique. Effectivement, deux agonistes synthétiques, le dronabinol (Marinol®) et la nabilone (Cesamet®) sont déjà commercialisés comme médicaments en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Ces deux spécialités pharmaceutiques sont indiquées dans le traitement des vomissements induits par la chimiothérapie anticancéreuse (après échec des antihémétiques de référence). Le dronabinol est également indiqué comme orexigène chez les patients atteints du sida.

Ces deux cannabinoïdes sont en France, inscrits sur la liste des stupéfiants. Ils peuvent être prescrits sous la forme d’autorisations temporaires d’utilisation (ATU) nominatives. Le cannabis ou ses dérivés pourraient également avoir des vertus thérapeutiques dans les traitements symptomatiques des douleurs résistant aux traitements conventionnels du glaucome à angle ouvert, de la sclérose en plaques, de l’asthme et de l’épilepsie.

Le Royaume-Uni semble actuellement le seul pays à conduire des essais cliniques dans ce cadre. Le laboratoire britannique GW Pharmaceuticals est en train de développer un médicament à base de dérivés de cannabis (THC et Cannabidiol) sous la forme de spray sublingual pour lutter contre la douleur aiguë neurogène et spastique. Ce médicament est actuellement en phase III (70 patients). Le laboratoire souhaiterait obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) au Royaume-Uni au troisième trimestre 2002, avant d’engager une procédure de reconnaissance mutuelle. Durant l’été 2001, le laboratoire (GW Pharmaceuticals) fait savoir qu’il était intéressé par le développement d’expérimentations cliniques en France. Depuis, trois équipes médicales françaises ont pris contact avec ce laboratoire afin de faire des recherches biomédicales dans trois indications différentes, la sclérose en plaque, le glaucome, l’état cachectique chez les séropositifs. Le laboratoire a également indiqué qu’il s’intéressera à d’autres indications et formes galéniques ultérieurement.

L’Unité « stupéfiants et psychotropes » a transmis en janvier 2002 au directeur général une étude bibliographique sur l’utilisation thérapeutique du cannabis. Environ 10 ATU de Marinol® (THC) ainsi qu’une ATU pour du THC en spray ont été délivrées par l’Afssaps depuis juillet 2001. »

Cette liste d’ATU (Autorisation Temporaire d’Utilisation) est la preuve d’un travail assidu de l’AFSaPS sur les pistes prometteuses du cannabis thérapeutique. Une ATU a été oubliée, la première pour un produit à base de dérivés de THC, celle que nous avons défendue, obtenue et annoncée dans les pages de Action (numéro 52) et Protocoles (numéro 6) dès mars 1998 : il s’agit du Cesamet® (nabilone), distribué par Cambridge Laboratories, comme anti-vomitif couramment employé en Grande-Bretagne. De nombreuses études comparatives ont établies la faible toxicité de ce produit, son absence d’effets secondaires et son efficacité pour une grande majorité de malades, précisément là où les autres antivomitifs classiques échouent, comme le Vogalène® de Schwarz Pharma, le Kytril® de Roche, le Primpéran® de Sanofi-Synthélabo et le Zophren® de GlaxoSmithKline.

En août 1998, l’AFFSaPS a tranché. Les études de Cambridge Laboratories sur les interactions avec les traitements VIH, finalement, n’étaient plus suffisantes et ne permettaient donc pas la mise en place d’une ATU de cohorte. Une bonne chose pour les laboratoires concurrents qui ont pu finir la mise au point de leur propre version « stupéfiante » à base de cannabinoïdes.

rimonabant®

Sanofi Synthélabo a intégralement sponsorisé le symposium sur les cannabinoïdes de l’ICRS (Internationnal Cannabinoids Research Society), satellite du 13ème congrès international de pharmacologie à la Grande-Motte du 23 au 25 juillet 1998. En effet, ils avaient découvert, peu de temps avant, la clé des antagonistes aux récepteurs cannabinoïdes CB-1 et CB-2, première étape indispensable pour étudier avec précision les mécanismes de ces récepteurs.

Le Rimonabant® (SR141716 ), antagoniste du CB-1 et CB-2, a été isolé en 1994, à Paris, avec une équipe de l’Hôpital de la Salpétrière. En recrutant des fumeurs de joints de Toulouse, ils avaient déjà pu démontrer dès avril 2001, qu’avec cet antagoniste, ils pouvaient réduire de 60% l’effet « High » et de 40% l’effet « Stone » de la plante fumée. En bloquant les CB-1 on s’aperçoit que l’attirance vers des nourritures sucrées et des boissons alcoolisées, que provoque fréquemment le cannabis, diminue. Cette molécule, baptisée Rimonabant®, est aujourd’hui en étude de phase III comme traitement éventuel de la schizophrénie, du sevrage tabagique ou même de l’obésité.

En 2001, Gérard Lefur, directeur exécutif, explique que si le cannabis a la vertu de stimuler l’appétit, les antagonistes, en bloquant nos récepteurs aux cannabinoïdes endogènes, peuvent par contre avoir la vertu de nous couper l’appétit. En novembre 2002, le département de recherche sur le système nerveux central de Sanofi, basé à Toulouse, confirme que suite à une semaine de traitement, ils arriveraient à obtenir une baisse de nourriture de 50%, une perte de poids moyenne de 20%, et une perte de tissu graisseux de 50%. Qui dit mieux ? D’autres essais avec le Rimonabant® ont cherché à vérifier son efficacité sur le contrôle de la prise de poids, aux dosages de 5 ou 20 mg, comparé à placebo. Les participants de cet essai, n’auraient perdu que 4 kg en 16 semaines, en moyenne. Un autre essai de phase III teste l’efficacité chez des personnes diabétiques ou ayant des problèmes lipidiques. En fait, en 1997, Sanofi-Synthélabo avaient déjà découvert mieux,
l’antagoniste « sélectif » du CB-1 ou du CB-2, le fameux SR 144528.

cesamet®

La compagnie pharmaceutique américaine, Eli Lilly, qui a breveté la nabilone en 1971, a mis au point, plus tard, son propre antagoniste, le LY 320135. Ils n’ont donc pas défendu ce trop simple agoniste. C’est alors qu’une démonstration est faite au sujet de la nabilone : sa structure chimique n’a rien de comparable au THC, et ne doit donc pas être classée comme un stupéfiant, précise alors l’OMS. Cependant, activant les récepteurs endogènes, elle produit un léger « high », moitié moins fort que le THC, mais qui conduit néanmoins la FDA à la classer comme stupéfiant. Pourtant, en Angleterre, où Cambridge Laboratories a pu distribuer cette molécule, aucun cas d’abus ou de dépendance n’a jamais été signalé, alors même qu’elle était accessible sur simple prescription médicale.

marinol®

Aux Etats-Unis, le Marinol® (dronabilone) a été découvert par le National Cancer Institute en 1971, puis breveté par les laboratoires Roxanne. Il a été testé pour ne pas provoquer de « high », et donc ne pas occasionner de dépendance ou même d’attrait de la part d’usagers de cannabis. Mais elle a provoqué autant d’effets secondaires que ceux qu’elle devait alléger, donc il n’a pas convaincu les malades.

cp-55,940

Le laboratoire Pfizer a peut-être abandonné trop tôt un projet concernant le CP-55,940, qu’ils ont mis au point eux aussi au début des années 70, en même temps que la nabilone, le dronabilone aux Etats-Unis et la loi de 70 en France. Il avait la particularité attrayante de se dissoudre facilement dans l’eau contrairement au THC qui se dissout mieux dans les corps gras. Il a donc été testé en injection intramusculaire. Baptisé par la suite levonantradol, il avait une efficacité plus grande que le THC pour activer les CB1 et CB2. Mais ce produit s’est montré environ soixante fois plus puissant que le THC.

Ces études étaient donc faites avec une dose équivalente à la consommation mensuelle d’un usager récréatif classique, en une seule injection ! L’idéal, si on avait cherché à « démontrer » les risques de crises de schizophrénies foudroyantes. N’arrivant pas à annuler les effets psychotropes, Pfizer décide d’abandonner cette molécule vers les années 80. Mais comme elle représente un excellent marqueur radioactif, elle est utilisée pour ses qualités de traçabilité au scanner, qui permettent de faciliter l’identification du premier récepteur endogène aux cannabinoïdes, le CB1. Les chercheurs expliquant qu’un des challenges était de trouver le mode d’administration permettant d’avoir les taux de THC les plus élevés possible dans le sang.

intox et fumée

Le Dr. Francis de l’Université McGill à Montréal a mené un essai sur la sclérose en plaque avec 600 patients, dont le but était de comparer la fumée de joints et celle d’un vrai placebo, ayant le même goût et la même saveur, pour contrôler les spasmes douloureux liés à cette maladie. Les résultats déclaratifs des patients étaient formels en faveur des joints, mais selon lui il s’agissait d’un effet psychosomatique non étayé par un examen approfondi et mesurable de ces résultats ! La fumée, c’est nettement moins bon que fumer.

Très prochainement, plusieurs laboratoires pharmaceutiques vont lancer des campagnes marketing visant à améliorer la perception des médecins quant à l’utilisation de cannabinoïdes à des fins thérapeutiques. Si quelques grosses compagnies pharmaceutiques ont été les pionniers en la matière, aujourd’hui quasiment toutes ont en développement des produits à base de cannabinoïdes. Nous allons entendre parler prochainement de l’AM-251, du HU-210, du CT-3, du JWH-133, du Dexanabinol et du Cannador®, à base d’un seul cannabinoïdes. D’autres laboratoires comme GW Pharma, Pharmos Corporation ou des universités allemandes produisent déjà des traitements comprenant l’ensemble des cannabinoïdes naturels, permettant des résultats nettement supérieurs et démontrant enfin les véritables progrès médicaux qu’il est possible d’obtenir avec du cannabis, quand on écoute les patients.


Précisions (juillet 2003)
Les analyses urinaires pour dépister le cannabis ne permettent que de répondre à la question : « a-t-on déjà pris du cannabis dans le mois écoulé ? ». Comme il n’y a pas de corrélation entre la positivité de ces tests et les effets psychoactifs, il n’est pas possible d’établir un lien scientifique entre un test urinaire positif et des comportements délinquants que les services répressifs voudraient attribuer aux effets psychoactifs du cannabis. Aucun test ou analyses aujourd’hui, ne permettent de dépister les effets psychoactifs du cannabis, il s agit juste au mieux de présomption à partir de dosages dans le sang. En effet, aucune échelle scientifiquement validée n’a été établie dans ce sens.