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Chronique de l’EACS 2013, jour 1.

mercredi 16 octobre 2013

Deux militants d’Act Up-Paris sont présents du 16 au 19 octobre à Bruxelles pour participer à la 14ème édition de l’European AIDS Conférence organisée par l’EACS (European AIDS Clinical Society). Plus de 3 000 personnes sont réunies, venant principalement du Royaume Uni, de Belgique et de France.

Car « INFORMATION = POUVOIR » reste un de nos principes fondateurs, Act Up-Paris est présente à cet événement scientifique dans un objectif de réappropriation du savoir médical.

Cette conférence sera l’occasion de chroniques afin de vous informer des principales réflexions et renseignements qui seront présentés, mais aussi des principaux points qui nous semblent mériter une attention ou une veille spécifique. Ces points feront également l’objet d’un ou plusieurs articles dans Protocoles.

Retrouvez ici la chronique de l’EACS 2013, Jours 2 et 3, partie 1.

Cette première journée était très dense et principalement composée d’une session « Clinique » où ont été abordés notamment :

  • Femmes et VIH
  • Co-infection VIH/Syphilis
  • Dépistage et diagnostics tardifs
  • Écueils de prescriptions

En parallèle, des « satellite symposiums » sont mis en place par l’industrie pharmaceutique et nous avons participé à celui intitulé « HIV Cure on trial : Hype or Hope ? » (Traitement du VIH : leurre ou espoir ?) organisé par BMS (Bristol-Myers Squibb).

Cette journée s’est terminée par la cérémonie d’ouverture de la conférence.

Session « Clinique » / Pre-Educational Course

Femmes et VIH

Après une introduction de Mike Youle, clinicien britannique spécialisé dans le traitement du VIH, Juan Manuel Tiraboschi (UK) a présenté deux cas cliniques. A cette occasion, il a abordé certaines des nouvelles recommandations de l’EACS (Version 7.0 - octobre 2013 - http://www.eacsociety.org/Guidelines.aspx). Ces recommandations sont bien sûr à mettre en relation avec ce qui ne relève pas des symptômes mais de l’adaptation des fréquences de diagnostic en fonction de l’incidence du VIH dans le groupe épidémiologique auquel appartient la femme enceinte et de ses comportements ; cela dans l’objectif de faire baisser rapidement la charge virale afin d’éviter une transmission du virus au fœtus tout en permettant une augmentation rapide des CD4. Les recommandations ont été mises en lien avec des cas cliniques de projets de parentalité en cas de VIH et pour lesquels les données semblent manquer tant en terme d’études que d’informations relatives aux choix des patientEs, nottament pour ce qui est de l’efficacité et de l’intérêt d’une PrEP pour le partenaire séronégatif en cas de conception naturelle. Il est apparu dans les discussions et les votes que touTEs les cilinicienNEs n’ont pas les mêmes pratiques, notamment en fonction des territoires géographiques et de l’accès aux droits, dépistage et soins.

Sur le même thème, Nicola Mackie abordait des questions clés pour les femmes ayant des projets de maternité et étant concernées par le VIH. D’après ses données, environ 50% des femmes enceintes le sont sans l’avoir planifié, ce qui implique : une non préparation de la maternité en amont, pas de prise en compte médicale de l’état de santé ou de la situation virologique au moment de la procréation et une absence de choix parmi les options de procréation possibles. A l’heure actuelle, dans le cas d’un couple sérodifférent, les options existantes permettant de réduire significativement ou d’éviter les risques de contamination sont : le lavage de sperme, la Prep, l’insémination ou l’adoption. Nicola Mackie s’est notamment penché sur deux options cliniques (« sperm-whashing » et Prep). La solution du « Sperm-Washing » (pour les hommes VIH+) reste globalement peu utilisé en raison de son coût (inaccessible pour une majorité des personnes concernées), de son taux d’échec (environ 30% d’échecs), et surtout de la volonté d’une conception par une voie « naturelle ». L’usage de la Prep semble avoir un intérêt dans le cadre d’un projet parental combiné à un planification en fonction du niveau de la charge virale, du taux de CD4, et avec les recommandations d’usage du préservatif systématique lors des rapports n’ayant pas vocation à « fécondation » le risque de transmission étant faible mais pas égal à 0.

Encore une fois, on constate que les femmes vivant avec le VIH ne sont considérées en tant que telles que sous l’angle de la procréation.

Dépistage et diagnostics tardifs

En conclusion de la présentation de deux cas cliniques par Pawel Jakubowski (Pologne), Martin Fisher (Royaume Uni) à présenté différentes pistes de travail concernant l’amélioration du recours au dépistage pour éviter les diagnostics tardifs pouvant entraîner une mortalité à court terme, une réponse virologique inférieure et une récupération immunologique amoindrie. D’après les données présentées, 83% des nouvelles infections chez les HSH et 62% des contaminations globales seraient dues à des personnes non diagnostiquées. Avant de pouvoir procéder à l’accompagnement des patientEs, de répondre à la question du début du traitement, du choix de celui-ci, des dosages, … il faut donc pouvoir dépasser les barrière permettant d’arriver au diagnostic et pour cela convaincre de l’intérêt du dépistage. Les trois barrières principales à l’acceptation du dépistage sont : le patient, la société, le médecin. Les occasions manquées de dépistages et donc de diagnostics peuvent avoir des conséquences impossibles à rattraper. De la part du/de la patientE, le blocage peut venir d’un refus dû à la peur -le VIH et le dépistage VIH restent encore très imprégnées du stigmate de « maladie honteuse »-, d’un manque de compréhension, d’un manque d’information. De la part de la société, le blocage peut venir d’un manque d’infrastructure, d’un manque de moyens, d’un système d’accès à la santé n’incitant pas au dépistage en l’absence de symptômes, d’orientations politiques et sanitaires discriminantes incitant à ne pas connaître ou à cacher son statut sérologique, etc…. De la part du médecin, les obstacles peuvent provenir d’un manque de temps, d’un manque d’intérêt, d’un manque de connaissances, d’un manque de réflexe ou d’un manque d’échange avec le/la patientE. A l’heure du développement de stratégies multiples de dépistages du VIH (Trod et Autotest) cette intervention se concluait sur la nécessité « d’embrasser » les nouvelles technologies afin de promouvoir le dépistage, mais aucunE intervenantE n’a songé à la place des associations communautaires, de malades et de lutte contre le sida dans le dispositif. Alors que l’EACS fête cette année ses 25 ans, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant que les premierEs concernées puissent enfin être considérées comme des acteurTRICEs de leur santé par les médecins.

Écueils de prescriptions

Après avoir indiqué qu’il y a 11% d’erreurs de prescription (principalement de dosage), que 7% des hospitalisations sont dues à des erreurs de prescriptions et que 70 à 80% des renouvellements d’ordonnance se font sans présence du malade, Edward Simon (Royaume Uni) a donné 7 points de vigilance à considérer pour éviter des erreurs de prescriptions :

  • prendre en compte de l’histoire médicamenteuses de la personne : cela nécessite de faire attention au dossier médical, une confiance entre malade et médecin, que le médecin explique l’importance de cette histoire au malade, et ne pas se limiter aux médicaments stricto sensu, c’est à dire questionner sur les drogues, les stimulants sexuels, les contraceptifs… Il convient également de porter une attention à la qualité des informations transmises entre médecins : noms entiers des molécules, les dosages, indiquer clairement ce qu’il ne faut pas prescrire.
  • s’appuyer sur les informations données par le malade. Le médecin doit chercher au-delà de ce qui est écrit dans le dossier, avec le malade, quel souvenir il peut avoir, tout en cherchant à éviter ou limiter les fausses déclarations, les oublis, les incertitudes et manques de précisions.
  • Essayer de prédire les interactions en se rappelant qu’elles ne sont pas toujours uniformes pour l’ensemble d’une classe thérapeutique.
  • Faire attention de ne échouer dans l’éducation thérapeutique du patient : correctement donner les informations sur les interactions et la toxicité des traitements.
  • Le suivi des personnes qui sont stables sur les plans virologiques et immunitaires : des effets indésirables ou comorbidités peuvent advenir et faire l’objet de prescriptions, avec des risques d’interactions.
  • Se rappeler de la période qu’il faut à l’organisme pour éliminer le médicament.
  • Se rappeler que la personne peut aller chercher des infos sur Internet et vouloir adapter seule son traitement.

Il a précisé qu’il s’agit de ses critères et qu’à ce titre ils ne sont pas immuables.

Après un exposé montrant l’importance des accidents cardiovasculaires parmi les causes de décès des séropositifVEs, Mike Youle (Royaume Uni) a posé une question aux quelques 200 clinicienNEs présentEs : Avez vous, pour vos patientEs, des relations régulières avec unE cardiologue ? Trois mains se sont levées : No comment.

Symposium « HIV Cure on trial : Hype or Hope ? / Traitement du VIH : leurre ou espoir ? »

Un symposium (Partnering for HIV Cure/Bristol Myers Squibb) sur la guérison s’est tenu en début d’après-midi sous la forme scénarisée d’un procès. Giuseppe Pantaleo (Suisse) et Carlo Federico Perno (Italie) défendaient qu’elle était atteignable tandis que José Alcami (Espagne) et Georg Behrens (Allemagne) les contredisaient.

Défense : Possibilité de recourir à plusieurs pistes, à savoir :

  • la réactivation des réservoirs viraux et l’attaque des virus réactivés –avec les différents mécanismes propres à chaque classe d’antirétroviraux- ;
  • des transplantations –cf. le « patient de Berlin », Timothy Ray Brown-, la thérapie génique ;
  • le contrôle naturel constaté chez les élite contrôleurs ou contrôleurs post-traitement –cf. cohorte VISCONTI- [1] ;
  • stopper la réplication résiduelle ;
  • renforcer la fonction immune –cytokine, vaccins…-.
    Chacune de ces pistes doit être investiguée et faire l’objet d’une meilleure compréhension de point de vue des mécanismes à l’œuvre et de leur potentiel. Possibilité de les combiner/associer.

Autrement dit, du côté de la défense, les arguments montraient comment les pistes de chemin à parcourir pouvaient être atteignables et complémentaires eu égard de certaines données (comme les cas peu nombreux de guérisons ou de rémissions en cours ) quand l’accusation soulignait qu’elles paraissaient lointaines et aporétiques :
toute nouvelle stratégie peut comporter un risque ;
rapport risque/bénéfice inconnu ;

  • la réactivation des cellules mémoires et réservoirs ne fonctionne que partiellement ;
  • une cellule porteuse du génome du virus peut suffire à faire redémarrer la réplication ;
  • le besoin de nouvelles classes thérapeutiques moins toxiques à long terme ;
  • le risque de ré-infection ;
  • le faible nombre de personnes qui deviennent contrôleuses après une initiation de traitement dans des conditions particulières ;
  • l’absence de design d’essais validé ;
  • etc.

A la fin du symposium un vote a eu lieu, dont les résultats se sont avérés pour le moins partagés. Christine Katlama (Pitié Salpétrière-Paris) qui était la « juge » du procès a tranché en disant qu’il y avait eu tellement de challenges réussis dans le domaine du VIH que cela permettait de d’espérer continuer cette voie.

Cérémonie d’ouverture

En soirée, lors de la cérémonie d’ouverture de la conférence, Michel Kazatchkine, ancien directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, actuellement envoyé spécial pour le VIH/sida dans l’Europe de l’Est et l’Asie centrale du Secrétaire général des Nations Unies, a rappelé comment les discriminations, voire la pénalisation, de l’homosexualité, de l’usage de drogues et du travail du sexe avaient des conséquences dramatiques dans les pays d’Europe de l’Est : augmentation importante des contaminations –courbe en pointillés rouges-, dispersion parmi les hétérosexuels, refus de programmes d’échange de seringues en milieu carcéral et en milieu ouvert, forte mortalité.

Laurette Onkelinx, Vice-première ministre Belge et ministre des affaires sociales et de la santé publique, s’est quant à elle félicitée que la Belgique ait été en avance dans la lutte contre l’homophobie et du nouveau plan national de lutte contre le VIH lancée la veille par la Reine et a condamné les manifestations homophobes en France et en Russie qui constituent un climat favorable aux infections. Marisol Touraine n’en a jamais parlé.

Retrouvez ici la chronique de l’EACS 2013, Jours 2 et 3, partie 1.


Act Up-Paris reçoit des dons de Boerhinher-Ingelheim ; Bristol Myers Squibb ; Gilead ; Janssen ; MSD ; ViiV Healthcare. Cependant, Act Up-Paris refuse les partenariats avec l’industrie pharmaceutique, et donc un fléchage des dons sur une activité particulière. Nous considérons ces dons comme une dette de sang des firmes envers les malades.