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Congrès de la SFLS

Qualité de ... patience

janvier 2010

Les 29 et 30 octobre derniers, se tenaient à Nice les journées nationales de la Société française de lutte contre le sida (SFLS). La thématique retenue était : « qualité de vie, qualité de soins ».

La qualité de vie est un concept large soumis à différentes définitions et interprétations. Concept associé à d’autres domaines que celui de la santé, la qualité de vie permet avant tout de s’interroger sur les besoins, les attentes et les insatisfactions des personnes. L’organisation Mondiale de la Santé délimite cette notion comme suit : « la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit, en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. Il s’agit d’un large champ conceptuel, englobant de manière complexe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales, ses croyances personnelles et sa relation avec les spécificités de son environnement ».

Du général à l’individu

Depuis plusieurs années la qualité de vie liée à la santé se place en enjeu de santé de publique, influençant les politiques de soins. On interroge l’expression de la qualité de vie, on l’évalue, on la mesure : la « qualité de vie » est devenue un domaine de recherche appliquée avec une méthode d’interprétation et des résultats. Au début de l’épidémie, l’objectif principal était de survivre. L’arrivée des multithérapies au Nord a fait évoluer les enjeux d’une bonne prise en charge, en intégrant la question de la qualité de vie des personnes séropositives. C’est un enjeu majeur à saisir et à comprendre pour les professionnels de santé. Il s’agit de cerner les attentes et les difficultés des personnes dans la qualité des soins, entendre le ressenti psychologique et corporel qu’engendrent les traitements à long terme et/ou leur perspective.

Chercher la femme

Un témoignage a ouvert les deux journées de la SFLS, celui d’une femme séropositive. A la manière d’un exposé scolaire, elle a fait la chronologie de ses soins, exposé les différentes étapes de son parcours de séropo, entrecoupées par l’expression de sa gratitude aux professionnels de santé qui l’ont aidée, elle, « patiente ». Pas une seule fois ce témoignage n’a mis en avant son parcours de femme, les spécificités du VIH au féminin. Ce que nous avons entendu ne fut qu’une déclinaison, neutre, de : « être patient ».

« Patient – patient – patient », c’est un mot que l’on aura entendu de façon trop systématique durant ces deux journées. Peut-être parce c’est un vocabulaire de cliniciens et qu’il y en avait beaucoup. Heureusement, on aurait presque oublié qu’on avait le choix de dire autre chose que « patient », les principes de Denver ont été rappelés au moment de la présentation Etre acteur de sa santé : « Nous condamnons ceux qui tentent de nous étiqueter comme « victimes », terme qui implique la défaite et nous nous considérons seulement occasionnellement comme « patients », terme qui sous-entend la passivité, l’impuissance et la dépendance envers les autres. Nous sommes des « personnes atteintes du sida ».

Pour parler de qualité de vie le choix du mot patient n’est pas très habile. On n’y voit pas la perception des personnes concernées mais seulement la posture du malade dépendant du professionnel de santé. C’est biaisé avant même d’être évalué. Cela peut paraître exagéré de s’attarder sur le mot « patient », mais il nous faut être vigilant : avant de conceptualiser et intellectualiser la qualité de vie, il faut rappeler aux professionnels de santé que leurs « patients » sont des personnes à entendre et à considérer. Trop de fois nous sommes encore confrontés à des médecins qui n’entendent rien d’autre que leur savoir ; trop de témoignages relatent encore l’indifférence ou l’inertie des professionnels de santé face à ce qui leur est exprimé lors des consultations, sans parler des réactions quasi-agressives du spécialiste qui se sent concurrencé par les connaissances du malade en face de lui. Eh oui information=pouvoir !

Les principes de Denver recommandent aux professionnels de santé pour leurs « patients » : « D’être à l’écoute de leurs émotions (craintes, anxiétés, espoirs, etc.), et de ne pas simplement traiter le sida de manière intellectuelle. » A trop théoriser, on en oublie parfois la réalité.

Il reste du chemin à faire pour la prise en compte de la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH, l’échange entre soignants, professionnels de santé et séropositifs et séropositives est incontournable. Cela demande, systématiquement, une prise de conscience, une sensibilisation et une formation des soignants et professionnels de santé, mais également un effort de la part des personnes malades pour affronter, résister et faire face à un rideau parfois très lourd à relever.

Lors de la présentation de ces journées, la SFLS nous disait : « il est urgent que la qualité de vie des patients soit un objectif en soi, au même titre que la qualité des soins. Dans ce domaine, la SFLS a toutes les capacités, du fait de la multidisciplinarité qui la compose, d’aborder ces thématiques auxquelles les associations de patients devraient participer très activement ». Les associations de malades y participent déjà très activement, d’autant plus activement que c’est à elles qu’on doit l’impulsion de l’expression de la qualité de vie, car quand bien même, elle n’était pas nommée comme ça, faire entendre la parole des malades c’était quoi sinon ?