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Act Up-Paris lance une campagne sur la prévention gay et adresse une lettre ouverte à l’INPES

Prévention du sida : pendant que l’INPES tergiverse, les pédés se contaminent.

jeudi 25 juin 2009

Act Up-Paris lance ce jeudi 25 juin, à deux jours de la Marche des Fiertés LGBT, une campagne sur la prévention en direction des gays. Trois visuels rose fluo seront affichés dans les établissements gais [1] et dans les rues de la capitale pour remobiliser la communauté sur la prévention, interroger les stratégies dites de « réduction des risques sexuels » et interpeller les pouvoirs publics sur leur inaction en la matière. Parallèlement une lettre ouverte (ci-jointe) est adressée à l’Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé (INPES) sur l’absence de prévention ciblée gay.

Nous n’avons pas vu de campagne publique de prévention du sida ciblant la communauté gay depuis plus de deux ans. Pourtant les contaminations parmi les homosexuels se diminuent pas, loin s’en faut : en deux ans, près de 4500 ont découvert leur séropositivité [2]. Et les idées reçues - en l’absence de campagnes de prévention ciblées et explicites - vont bon train.

Le « sérotriage »

Adapter ses stratégies de prévention selon le statut sérologique présumé de son partenaire est monnaie courante dans la communauté gay.
Alors qu’on estime que près d’1 pédé sur 5 est séropositif en France, que bon nombre se disent séro-interrogatifs, et que la moitié des contaminations a lieu avec un partenaire primo-infecté (qui vient d’être infecté par le virus et a, en conséquence, une charge virale très élevée), il nous paraît suicidaire d’envisager aujourd’hui le « sérotriage » comme mode de « réduction des risques » dans la population homo. En effet, la certitude d’être séronégatif disparaît dès le premier rapport non protégé et le doute augmente inexorablement au fur et à mesure des prises de risques, même si celles-ci ont lieu entre supposés séronégatifs…

« Je baise sans capote parce que… »
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Cette affiche aurait pu avoir un pendant sur le « sérotriage » entre séropositifs. Si la question de la transmission du VIH n’est alors plus centrale, d’autres risques sont loin d’être négligeables pour la santé des séropositifs : autres infections sexuellement transmissibles (IST), risques de co-infections hépatites et de sur-infection par d’autres souches VIH. Une piste de plus pour l’INPES qui semble à court d’idées…

L’impact des traitements sur la prévention

L’avis des médecins suisses l’année dernière, puis celui du CNS fin avril, sur l’usage des antirétroviraux comme moyen de prévention ont déclenché force espoirs et polémiques.
Si l’utilisation des traitements et l’incitation au dépistage peuvent contribuer à enrayer la diffusion de l’épidémie, l’avis du CNS rappelle clairement que le seul traitement ne saurait remplacer le préservatif au niveau individuel. Nous constatons toutefois que des déclarations hâtives ont créé une certaine confusion dans la communauté et regrettons qu’aucune campagne ne vienne clairement rappeler qu’avoir une charge virale indétectable dans le sang ne veut pas dire pouvoir se passer de préservatif.
Ce sont ces notions que nous avons souhaité aborder par les deux visuels sur la charge virale.
 L’une des affiches expose la liste de conditions qu’il faudrait remplir, selon l’avis suisse, pour réduire les risques de transmission. L’absence d’études sérieuses documentant la charge virale rectale exclut d’emblée l’application d’une telle stratégie dans le cadre de rapports homosexuels. Par ailleurs, qui pourrait assurer ne pas avoir d’IST alors que nombre d’entre elles sont asymptomatiques, ou se dire à l’abri d’une autre infection qui pourrait soudainement faire augmenter sa charge virale ? Dans ce contexte, seul le facteur chance joue un véritable rôle à l’échelle individuelle…

si ce n’est pas le cas : sida
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 L’autre affiche vise à démentir les fausses interprétations et discours qui viennent extrapoler l’avis du CNS : il apparaît plus que dangereux de tirer de recommandations à l’échelle populationnelle des discours de prévention à l’échelle de l’individu.

« Sous trithérapie efficace… »
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À force de décrier l’efficacité du préservatif, en lui opposant de soi-disant méthodes de prévention alternatives, les gens pensent « gérer le risque » et au final prennent des risques.

Seule la capote (avec du gel aqueux) protège du sida. Le reste c’est (encore) de la science-fiction.



Lettre ouverte à Thanh Le Luong, directrice générale de l’INPES

Madame,

L’été approche et à notre connaissance, aucune campagne de prévention ciblée gay n’est prévue par l’INPES. Le groupe d’experts prévention homo ne s’est pas réuni depuis au moins deux ans, période durant laquelle l’INPES n’a pas réalisé de telle campagne. Deux appels d’offres n’ont pas abouti pour d’obscures raisons. Enfin, nous nous inquiétons de la possible réintégration des crédits des campagnes homos dans une enveloppe financière globale et non plus spécifique, ainsi que du peu de transparence de l’INPES quant aux moyens attribués à ces campagnes.

Ce n’est pourtant pas faute de vous avoir alertée, à plusieurs reprises, ainsi que les responsables de la communication de l’INPES. Nous constatons que rien n’avance sur le front de la prévention gay. Et nous ne pouvons pas nous contenter d’attendre les recommandations d’un groupe d’experts sur les nouvelles approches de prévention [mission pilotée par France Lert et Gilles Pialoux sur commande du Ministère de la Santé] : relancer la prévention parmi la population gay est urgent. En deux ans d’inaction de l’INPES, près de 4500 homos se sont contaminés. Combien en faudra-t-il encore pour que vos services réagissent et que des campagnes ciblées et explicites voient le jour ?

Si vous manquez d’idées, nous vous fournissons aujourd’hui des exemples de campagnes, en placardant et en diffusant dans les lieux communautaires des affiches liées à la prévention, sur deux stratégies de “réduction des risques” de contraction du virus que sont d’une part les rapports non protégés avec des personnes de statut sérologique supposé identique et d’autre part le récent avis du Conseil national du sida (CNS) sur “l’intérêt du traitement comme outil novateur de lutte contre l’épidémie de sida” qui a fait l’objet d’extrapolations. Cela devrait être de votre ressort et non du nôtre.

Act Up-Paris exige :
 que vous vous engagiez à ce que l’INPES investisse avant la fin 2009 l’intégralité des crédits qui devaient être attribués à la réalisation de campagnes ciblées homo dans des campagnes de prévention gay ces dernières années ;
 que l’INPES lance des campagnes d’information sur le TPE, la primo-infection (symptômes et alertes sur le nombre de contaminations ayant lieu dans ce contexte), les risques de co-infection et de sur-infection pour les séropositifs, la valorisation de l’utilisation du préservatif (pour soi, mais aussi plus généralement dans la lutte contre le sida, donc pour la communauté homo) ;
 qu’un nouvel appel d’offre spécifique communication homo soit relancé et attribué à une agence de communication compétente, au plus vite ;
 que le travail du groupe d’experts homo soit relancé et que les associations de lutte contre le sida soient consultées dans l’élaboration de ces campagnes, et non simplement “averties” ;
 que l’hypothèse d’une corrélation positive entre les discours de réduction des risques tenus depuis des années et l’augmentation parallèle des pratiques à risque et des contaminations ne soit plus forclose.

Recevez, madame la directrice générale, l’expression de notre profonde colère.


[1Ces visuels seront affichés dans les établissements gais, grâce au concours du SNEG

[26500 contaminations par an en France, dont 1/3 d’homosexuels