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ANRS EP 39 : pour aller plus loin

mars 2007

Nous avons déjà évoqué l’acide valproïque à deux reprises. Les premiers résultats américains publiés en 2005 sur un faible effectif de personnes sous multithérapies étaient prometteurs. L’administration d’acide valproïque avait conduit à une réduction moyenne de 75 % des lymphocytes CD4 mémoire dormants infectés par le virus chez 3 personnes sur 4 évaluées. Dans la mesure où un antirétroviral additionnel (enfuvirtide ou Fuzéon®) avait été ajouté pour empêcher l’entrée des virions activés par l’acide valproïque, l’ambiguïté demeurait pour déterminer si l’effet était dû véritablement à l’acide valproïque seul.

Réservoirs

Le réservoir lymphocytaire à VIH susceptible d’être la cible de l’acide valproïque est constitué des lymphocytes dits mémoire exprimant le marqueur de surface CD4 qui sert d’entrée au VIH pour infecter la cellule. Le rôle d’un tel lymphocyte dans la réponse immune nécessite qu’après la rencontre avec un agent étranger à l’organisme, ce lymphocyte se multiplie pour réagir et participer à l’élimination de l’intru. Ensuite, une partie de la nouvelle population créée cesse de proliférer et forme un compartiment dit « quiescent ». Ces lymphocytes, cibles privilégiées du VIH, le portent sous forme d’ADN viral dans leur génome. Le virus se multipliera uniquement lors de la stimulation des lymphocytes. Ces lymphocytes infectés devraient donc être tous éliminés lors d’une réponse immune anti-VIH. Quelques uns échappent et reviennent à l’état de lymphocyte « mémoire » dont la survie peut être longue. Ces lymphocytes quiescents forment donc des réservoirs à VIH susceptibles d’être réactivés et relancer la production de virus. Les traitements antirétroviraux visent à empêcher cette production ou l’infection de nouvelles cellules, mais n’éliminent pas ces réservoirs. Incidemment, il existe d’autres populations cellulaires et tissus moins étudiés susceptibles de former de tels réservoirs (cellules dendritiques, monocytes, système nerveux central).

Stratégie d’activation des lymphocytes infectés

Le virus peut infecter les lymphocytes T CD4 de manière latente. Cela veut dire que l’ADN du virus s’est intégré dans l’ADN de la cellule et peut y rester silencieux sans production de particules virales. Ainsi se constituent dans l’organisme des réservoirs cellulaires à VIH qui ne sont pas affectés par les traitements antirétroviraux actuels. L’élimination naturelle de ces réservoirs est très lente. La transcription de l’ADN est modulée par les histones [1]. Des enzymes particulières appelées HDAC (histone déacétylases) régulent l’activité de ces mêmes histones, ce qui permet de maintenir l’ADN dans un état qui ne permet pas la transcription de celui-ci, et qui empêche alors la lecture de l’ADN, et donc la production de l’ARN et de la protéine associée. Si on inhibe les HDAC, l’ADN devient accessible à d’autres facteurs cellulaires qui déclenchent alors la production d’ARN et l’apparition de protéine. Pour que le virus puisse être fabriqué, il faut que les HDAC soient neutralisées. Une réponse immune anti-VIH peut alors avoir lieu vis-à-vis de ces cellules. Dans l’étude pilote de 2005, l’acide valproïque, indépendamment de son utilisation dans l’épilepsie, serait capable d’induire in vitro la transcription du génome intégré du VIH dans les cellules quiescentes en inhibant les HDAC. Les quatre personnes recrutées avaient aussi reçu du T-20 pour éviter l’infection de nouvelles cellules lors de l’activation du virus par l’acide valproïque. Du coup, l’origine de l’effet observé pouvait aussi être imputé à l’utilisation conjointe de T-20. Afin de lever cette ambiguïté et de permettre d’avancer dans la compréhension du mécanisme d’action de l’effet observé, l’essai Dépavir recrute des personnes n’ayant pas reçu de T-20.

Dans l’attente des résultats

Quelles que soient les conclusions de l’essai Dépavir, l’approche reste d’actualité. Malgré quelques échecs dans le passé avec d’autres composés susceptibles d’activer le VIH pour purger les réservoirs, échecs liés à leur cytotoxicité, d’autres pistes existent en dehors de l’acide valproïque, par exemple d’autres inhibiteurs de l’histone déacétylase ou des modulateurs de la structure de la chromatine (association des chromosomes et des histones), voire l’utilisation de prostratine, un extrait de plante utilisé pour le traitement de l’hépatite virale.


[1Histone : protéine basique simple existant dans le noyau des cellules où elle est liée à l’ADN.