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Edito

samedi 6 octobre 2001, par Victoire Patouillard

Comme chaque année, à la fin du mois de septembre, les militants d’Act Up-Paris se sont réunis en Assemblée Générale. Une nouvelle équipe a été élue pour diriger le groupe pendant un an. Je deviens présidente de l’association après en avoir été vice présidente en 1995 et trésorière en 1998. Donald Bovy conserve le poste de trésorier et François Berdougo succède à Jean Cazentre au secrétariat général. Ce qui fait la force de cette équipe est sans nul doute le nombre de ses vice-présidents. Ils sont cinq cette année à avoir pris cette responsabilité : Alain Bessaha, Philippe Formont, Nicolas Maalouly, Jérôme Martin, et Guillaume Vergne.
Chacun arrive avec sa propre histoire, sa propre trajectoire dans l’association, ses propres obsessions ; plusieurs générations se mêlent, certains sont arrivés à Act Up l’an passé, d’autres il y a plus de sept ans. C’est une équipe jeune, mixte, hétéroclite mais réunie par la même obstination ; c’est une véritable coalition.

Dans les deux semaines qui ont suivi l’Assemblée Générale, la commission Nord/Sud a fait exploser le standard téléphonique de l’OMC à Genève afin d’obtenir une réponse de Mike Moore quant à un moratoire sur les mesures de rétorsion à l’égard des pays du Sud, la commission Droits Sociaux a zappé Bertrand Delanoë sur la place de l’Hôtel de Ville afin de lui rappeler les engagements qu’il avait pris devant les associations, la commission Prison a interpellé la Ministre de la Justice, Marylise Lebranchu, lors d’un colloque sur l’abolition de la peine de mort pour réclamer la libération des détenus atteints de pathologies graves, et tout Act Up s’est retrouvé pour manifester sous une pluie torrentielle lors de l’Existrans, manifestation annuelle de la fierté transsexuelle. Lorsque les pancartes sont rangées, les banderoles pliées et les corps fatigués, il faut encore répondre aux journalistes qui guettent le moment où nous nous assagirons.

Mais ce ne sera pas pour cette année. Le calendrier est chargé : alors que nous entamons la préparation du 1er décembre se poursuit à coups de communiqués de presse de part et d’autre et nous commençons à envisager une présence assidue et bruyante à tous les conseils municipaux. Sur le plan international, nous avons contribué à inscrire à l’agenda deux questions : d’abord, celle de l’accès aux traitements dans les pays pauvres, puis celle des médicaments génériques. En novembre, lors de la conférence interministérielle de Doha, l’impact des accords sur la propriété intellectuelle sur la santé publique va être rediscuté. Act Up-Paris y est invitée ; mais notre présence au Qatar n’a de sens que si elle est précédée d’un lobby fort, mené en collaboration avec les associations de malades des pays pauvres. C’est ce travail de lobby sur les institutions internationales et sur les pays riches qui nous occupe aujourd’hui. Pour finir, nous entrons pour plusieurs mois dans une période de campagne électorale. C’est l’occasion d’interpeller à nouveau les partis politiques et de les faire avancer. La loi de 1970 doit être abrogée. Dans le rapport publié en septembre dernier, le Conseil National du Sida met en avant les terribles conséquences sanitaires de cette loi et préconise la dépénalisation de l’usage des drogues. La MILDT de son côté reconnaît enfin que des personnes sont détenues en prison pour simple usage et que les directives données aux parquets n’ont fait qu’installer l’arbitraire juridique. Mais cela, seules les institutions respectables peuvent le dire : pour avoir critiqué cette loi dans un tract, Act Up est tombée sous le coup de l’article L630 et a été condamnée à verser 30 000F d’amende. L’abrogation de la loi de 1970 était inscrite dans le programme du Parti Socialiste en 1977. Notre impatience pourrait se transformer en haine.

De son côté, l’Institut de Veille Sanitaire vient de publier les chiffres fournis par les CDAG : ils confirment de façon glaçante ce que d’autres indicateurs avaient annoncé. L’épidémie repart de plus belle. On ne pourra pas dire que tout aura été fait pour empêcher ce retour en arrière. La dernière campagne de prévention a été censurée par Ségolène Royal et Lionel Jospin. Il est temps pourtant que le gouvernement prenne nos vies en considération et fasse de la lutte contre le sida une priorité politique. Il est temps que soit mise en place la Déclaration Obligatoire de Séropositivité qui est reportée de trimestre en trimestre depuis deux ans et qui nous fournirait aujourd’hui des indications précieuses sur ces nouvelles contaminations. Il est temps aussi que vous nous rejoigniez. Notre force est collective.