Accueil > L’association > Conférences : ce qu’ils et elles ont dit > Varsovie, 9ème conférence européenne

Dossier

Varsovie, 9ème conférence européenne

jeudi 29 janvier 2004

Du 26 au 29 octobre, se tenait la 9ème Conférence Européenne sur le sida à Varsovie jumelée avec le premier atelier de l’EACS intitulé " résistance et pharmacologie ".

A l’Est, 1% d’usagerEs de drogues ont accès aux soins

La progression de l’épidémie de sida dans les pays de l’ex-union soviétique fait des ravages. Les usagerEs de drogues intraveineuses représentent de 76 % à 88 % des personnes contaminées selon les républiques. La question de leur accès aux soins est un réel problème, car seul 1 % de ces personnes reçoivent des antirétroviraux. Les causes de cette discrimination : essentiellement les décisions médicales où l’idée de l’inobservance des usagerEs sert souvent de prétexte ou bien la méfiance des personnes atteintes face à un système de soins à travers lequel ils craignent la dénonciation et les poursuites judiciaires. Seule l’application de mesures d’urgence permettra de faire régresser ces chiffres toujours en hausse : développement d’une prévention ciblée, amélioration de l’accès aux soins des usagerEs de drogues, révision des politiques de répression de l’usage de drogues, etc.

Eurosida

La cohorte Eurosida rassemble les données de 9 802 personnes atteintes à travers l’Europe depuis 1994 et permet notamment des études comparées entre quatre régions : nord, sud, est et centre. On constate une grande disparité des prises en charge qui font que dans certaines zones du continent, les chiffres de l’accès aux soins et aux traitements sont comparables à ceux de pays d’Afrique.

Les données épidémiologiques de l’Europe confirment l’explosion des contaminations liées à l’usage de drogues injectables dans l’Europe de l’Est ainsi qu’au Portugal. L’analyse par pays montre aussi l’augmentation du nombre de séropositifVEs dans certains pays de l’Ouest mais ces valeurs sont très fortement corrélées avec l’immigration de personnes venues de l’est. L’analyse par catégorie montre aussi une augmentation des contaminations à l’Ouest dans le milieu gay principalement en Grande Bretagne.

Globalement le problème essentiel reste le nombre important de personnes qui découvrent leur séropositivité à l’occasion de l’apparition d’une maladie opportuniste. A l’Est, s’y ajoute le manque dramatique d’accès aux antirétroviraux.
De plus, on constate l’émergence de cas de tuberculose associés à la séropositivité. C’est là un signe montrant nettement le lien entre précarité et séropositivité. Après 6 ans de thérapies actives, on observe toujours une réduction forte de la mortalité. Cependant, il semble que tant les traitements que l’infection accélèrent à long terme l’effet des pathologies liées à l’âge comme les maladies cardiaques ou les atteintes osseuses. Nombre de posters et de présentations ont documenté ces craintes.

Stratégies à venir

L’Europe est à la traîne en terme de coopération sur le dossier de la recherche vaccinale, chacun travaillant dans son coin, alors que les Etats Unis s’organisent efficacement en créant un réseau de coopération englobant touTEs les partenaires de la recherche publique et privée. La réflexion sur les vaccins VIH à l’échelle mondiale, entamée cet été, pourrait conduire à la conclusion que beaucoup de ressources sont perdues en raison du manque de cohésion des recherches vaccinales.

Un concept fait son chemin mais nécessite beaucoup d’études et de travail : la stratégie thérapeutique en deux temps : attaquer fort puis entretenir. L’étude TIME est intéressante en terme de réduction d’effets indésirables mais montre aussi où sont les difficultés : la durée du traitement d’attaque doit certainement être adaptée aux conditions initiales : au-delà d’une charge virale à 100 000 copies, elle devrait être plus longue. Cette limite de charge virale devient progressivement une référence de gravité de l’état initial alors qu’il s’agit souvent d’une limite arbitrairement choisie.

Il est clair aussi que les classiques traitements associant deux inhibiteurs nucléosidiques (INTI) avec un inhibiteur de protéase (IP) ou un inhibiteur non-nucléosidique (INNTI) sont les solutions à recommander en première intention. Le fait de s’épargner les INTI n’élimine pas clairement les risques de troubles métaboliques et les lipodystrophies. Les traitements en une seule prise par jour deviennent plus nombreux. Pour autant l’adhérence à ces régimes n’est assurée que si leur nombre de pilules n’est pas trop élevé. Ainsi passer de 4 pilules en deux fois par jour à 8 pilules en une fois n’est pas forcément synonyme de réussite.

Interruption de traitement

La stratégie d’une interruption de traitement avant une thérapie de sauvetage, abordée à plusieurs reprises, ne provoque pas l’unanimité des spécialistes. Les résultats contradictoires présentés à la CROI 2003 entre un essai américain CPCRA 064 et l’essai Gighaart ont été complétés et largement commentés. Le premier a démontré le caractère délétère d’une interruption avant une reprise d’un traitement puissant chez des personnes en impasse thérapeutique, tandis que le second prouvait le contraire. Des résultats d’autres essais comme Reverse confirme l’essai américain et montre que l’interruption de traitement donne des résultats catastrophiques.

Des données complémentaires comparant les personnes ayant participé à Gighaart et à Reverse apportent quelques "éclaircissements". La différence immédiatement perceptible est la durée d’interruption. L’étude Reverse contrairement à Gighaart proposait une interruption de traitement chez des personnes en échappement allant jusqu’à 26 semaines au lieu de 8 et incluait des critères de reprise basés sur la réversion des mutations du virus. L’analyse précise les différentes souches de virus mutés avant, pendant et après l’interruption, montre en effet une grande différence entre ces deux essais et permettrait d’expliquer la différence de résultats. En effet, les malades de Gighaart ont pratiquement le même virus à l’issue de l’arrêt de traitement, ce qui n’est pas le cas de Reverse. Ces données contredisent ce qui était communément admis par les clinicienNEs et montrent que l’on est loin d’avoir tout compris à l’interruption de traitement.

Mutations

L’atelier “ résistances et pharmacologie ” a permis de faire le point sur les conditions qui font apparaître des mutations du virus lui conférant une résistance aux antirétroviraux. Lors d’un premier traitement, il peut s’agir d’une insuffisance de puissance du traitement ou d’un manque d’observance ; chez les personnes qui ont déjà expérimenté d’autres traitements, l’accumulation progressive de résistances antérieures complique la tâche en rendant les traitements de substitution moins efficaces.

Les mécanismes de résistance ne sont pas les mêmes selon les différentes classes d’antiviraux. Ainsi les INTI perdent en efficacité au fur et à mesure de l’accumulation de mutations. Seules certaines mutations rendent le virus insensible à certaines molécules précises. Les INNTI sont très vulnérables : une seule mutation peut rendre le virus insensible à toute la classe de ces molécules. Pour les IP, les choses sont plus complexes. C’est principalement l’accumulation de mutations qui rend le virus insensible à ces antirétroviraux. Mais il existe certaines "mutations clé" qui confèrent au virus une insensibilité à l’ensemble des IP et d’autres, mineures qui ne concernent qu’une ou quelques molécules de ce type.

Le moyen de lutter contre ces résistances passe essentiellement par l’usage de nouvelles molécules qui restent actives malgré les mutations du virus. Il en est ainsi de l’abacavir et du ténofovir mais aussi, de la didanosine pour les INTI. Chez les INNTI, il faudra attendre la sortie prochaine du TMC 125 en cours d’essais de phase III pour disposer d’une solution de secours. Quant aux IP, la meilleure alternative est l’utilisation de ritonavir en "booster".

Produits in vitro et vraie vie

Au cours de cet atelier, il a beaucoup été question des tests de résistance génotypiques et phénotypiques. Ces mesures de la résistance virale aux médicaments font débat. En effet, ce n’est pas tout de disposer de ces outils, encore faut-il être capable d’interpréter les données produites.

 Le test génotypique consiste à analyser le génome viral afin de connaître les mutations qu’il a subi sous la pression sélective des antiviraux. Ce test est aujourd’hui assez facile d’accès mais ne donne pas une vision stricte de l’efficacité des médicaments. Son interprétation repose sur le savoir d’expertEs et sur l’expérience.

 Le test phénotypique consiste à mesurer en laboratoire l’efficacité des antiviraux contre la souche virale à tester. Plus long, plus difficile et surtout plus coûteux que le test génotypique, il fournit, semble-t-il, un résultat concret mais il ne faut pas négliger la différence entre l’usage d’un produit in vitro et la vraie vie. En cas d’échappement à un traitement, la meilleure méthode est d’envisager en concertation médecin/malade une nouvelle stratégie, de considérer les options de traitement restantes puis d’utiliser les tests de résistance comme appui à cette réflexion. TouTEs les spécialistes s’accordent sur le fait que les tests ne doivent pas être suivis aveuglément. Bon nombre d’essais cliniques sont d’ailleurs venus étayer ce point de vue.

 Les résistances ne sont pas la seule chose en cause lorsqu’un traitement pose problème. Que ce soit parce qu’il est sous-dosé et qu’il y a alors risque d’apparition de résistances ou qu’il puisse être sur-dosé, provoquant des problèmes de toxicité, le traitement testé peut, par les dosages plasmatiques, être ajusté au mieux de son efficacité. Là encore, tout est dans la qualité de l’interprétation des résultats comme dans le choix de la bonne décision.

Les clinicienNEs, virologues, immunologues et autres pharmacologues ont des points de vue différents et parfois opposés mais c’est par la réunion de leurs spécialités qu’ils et elles se complètent. Ces techniques (tests génotypiques, tests phénotypiques et dosages plasmatiques) sont des aides formidables au diagnostic mais, leur accès est encore réservés à la pratique hospitalière car ils ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale. Inscrits dans les recommandations du rapport Delfraissy pour un certain nombre de cas de figure difficiles à résoudre, espérons, et nous œuvrerons en ce sens qu’ils soient rapidement inscrits sur la nomenclature de la Sécurité sociale.