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PaCS - Délais de sale gueule

janvier 1999

Dix ans de reculades et d’hésitations n’auront pas suffi. Ex-CUS, PIC ou CUCS, la proposition de loi relative au Pacte Civil de Solidarité a été adoptée en première lecture à l’Assemblée Nationale le 9 décembre dernier. Deux ans, voire trois ans d’attente supplémentaires : en plaçant sous condition de délais certains des droits qu’il propose d’ouvrir, le PaCS témoigne d’un mépris général envers les couples dont il devait pourtant améliorer les vies.

LES SOUPÇONS QUI PLANENT

Les articles 2 et 3, relatifs à l’imposition commune et aux droits de succession, sont soumis à un délai de mise en application de deux ans après la signature du PaCS. Ce délai témoigne d’un soupçon inadmissible sur les relations des personnes ne désirant ou ne pouvant pas se marier, notamment les couples homosexuels. Les couples qui se marient ne sont pas soupçonnés d’avoir effectué cette démarche par simple souci de rentabilité fiscale ou successorale : un jour suffit pour que ces droits leur soient ouverts. Pourquoi devrions-nous montrer "patte blanche" pour que l’on daigne nous accorder des droits ?

LA MORALE QUI VEILLE

Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a déclaré lors de son discours à l’Assemblée nationale le 3 novembre dernier : "Je crois qu’il est dans l’intérêt de la société de privilégier la vie à deux (...) (Le PaCS) encourage la stabilité des couples non mariés, car les droits ne sont pas tous immédiats." Ici, la morale et le mérite prennent le pas sur le droit. "Pour accorder de nouveaux droits aux couples, il est légitime que l’État exige de deux personnes qu’elles s’engagent par un acte particulier et affirment, aux yeux de la société, l’existence de leur solidarité. Plus la stabilité de cet engagement sera grande, plus les droits seront importants." Dans cette logique, pourquoi Madame Guigou n’exige-t-elle pas que les couples divorcés avant deux ans restituent le montant des avantages dont ils ont bénéficiés ?

DES ÉCONOMIES À BON COMPTE

Lors de la mise au point de la proposition de loi au printemps 1998, le gouvernement, et en particulier Dominique Strauss-Kahn, ministre des Finances, a imposé la mise sous condition de délais : cinq ans pour les droits de succession et trois ans pour l’imposition commune. Les négociations interminables et méprisantes pour les futurs usagers du PaCS ont abouti à une réduction des délais. Dans le texte adopté, ils restent cependant inacceptables : deux ans pour les droits de succession, anniversaire de la troisième année pour les impôts. Le gouvernement semble considérer que l’injustice dont ont toujours été victimes les couples homosexuels peut bien perdurer quelques années. Difficile de montrer moins de conviction pour qui prétend mettre fin aux discriminations.

LA DISCRIMINATION EN PRIME

Le texte de loi impose deux ans de mise à l’épreuve afin de " prouver " la réalité de l’engagement des couples pacsés. Mais cela ne suffit toujours pas pour être traité à l’égal des couples mariés : au terme de ces deux années, les avantages liés aux droits de succession restent moindres : 300 000 F d’abattement contre 400 000 F pour les couples mariés, des tranches d’imposition à 40 puis 50% alors qu’elles débutent à 5% dans le cas des personnes mariées. Cette restriction est inacceptable et entraîne une double discrimination envers les couples homosexuels puisque l’accès au mariage leur reste interdit.

LE SIDA N’ATTEND PAS

Alors que le PaCS aurait dû mettre fin aux discriminations dont sont victimes les couples homosexuels, en particulier lorsque l’un des partenaires est malade du sida, la mise sous condition de délais des droits va à l’encontre de cet objectif, atteste de la méconnaissance de la réalité du quotidien de ces couples, et témoigne d’un profond mépris à leur égard. La possibilité de garantir la survie matérielle de celui ou de celle qu’on aime, comme celle d’opposer des principes de respect dans les conflits avec la belle-famille constituent des droits fondamentaux.

UN ALIBI SUJET A CAUTION

Suite aux auditions des associations par la Commission des lois les 8 et 9 septembre dernier, une clause a été incluse in-extremis. Elle prévoit pour le ou la partenaire d’une personne atteinte d’une affection de longue durée l’accès sans délai aux droits de succession. Cette disposition aurait été inutile si l’ouverture immédiate des droits à tous avait été défendue avec la vigueur qu’elle requérait. Elle n’exonère en rien le PaCS de notre opposition au principe même des délais.

Aujourd’hui, rien n’assure que cette clause sera validée par le Conseil Constitutionnel s’il était saisi. Même positive, la discrimination qu’elle entraînerait créerait des différences de traitement des malades devant la loi. Le ou la partenaire d’une personne malade qui mourrait avant le délai de deux ans pourrait en effet bénéficier des avantages successoraux, mais pas celui ou celle lié à une personne qui décéderait d’une autre pathologie ou à la suite d’un accident avant ces deux ans. Dans l’hypothèse où cette clause demeure dans le texte final, elle sera à l’origine de nombreuses difficultés dans son application ; elle impose par exemple, au moment du décès, la violation du secret médical, dont les assurances sauront faire bon usage.

SUPPRESSION DES DÉLAIS

Act Up-Paris exige la suppression totale des délais de mise en application des droits qui seule répond aux attentes des futurs usagers du PaCS.

CLAUSE DE RÉTROACTIVITÉ

Act Up-Paris revendique, au minimum, la possibilité pour deux personnes pouvant attester de deux ans de vie commune de bénéficier sans délais des droits ouverts par le PaCS.

PaCS ET MINIMA SOCIAUX, DANGER IMMÉDIAT

Si l’ouverture de certains droits est soumis à condition de délais, la signature d’un PaCS risque d’entraîner l’amputation immédiate des minima sociaux, voire leur suppression totale ; l’Allocation Adultes Handicapés, le Revenu Minimum d’Insertion... sont en effet soumis à conditions de revenus et leur calcul prendra automatiquement en compte les ressources du partenaire.