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Burundi is Burning

juin 1999

200 000 morts du sida, 260 000 personnes vivant avec le VIH/sida, 100 personnes sous traitement.

L’ONU reconnaît enfin, que la première cause de mortalité en Afrique, est le sida.

« Quand la maison brûle, on ne peut plus cacher la fumée ». Ce proverbe, cité le 23 avril par le ministre de la santé du Burundi pour qualifier la propagation et les ravages de l’épidémie de sida, n’est en rien exagéré. Avec une population de six millions d’habitants, et un salaire moyen de 300 FF par mois, le Burundi compte 260 000 séropositifs. Déjà 200 000 personnes sont mortes du sida, et ce chiffre est, de l’aveu même du ministre de la santé, sous-estimé. Proportionnellement, c’est comme si on comptait en France 2 000 000 de morts. Derrière cette litanie de chiffres, il y a des hommes, des femmes, dont l’âge varie entre 15 et 40 ans. Derrière ces morts, il y a aujourd’hui 110 000 orphelins du sida, dont beaucoup sont contaminés.

Depuis le plan de restructuration imposé au gouvernement par la Banque Mondiale, le système de soin est devenu à gestion privée. Le malade paie pour avoir un lit à l’hôpital, il paie aussi pour avoir des médicaments. Il fournit lui-même les compresses, seringues, sa nourriture et ses couvertures, etc. Le système de couverture sociale (privé) profite à 5% des Burundais, et de toute façon, le remboursement est plafonné. Les médicaments importés (la grande majorité des médicaments pour le soin des maladies opportunistes) sont 50% plus chers qu’en France. Quand ils sont disponibles !

Lors de notre séjour au Burundi, le gouvernement a annoncé le lancement d’un plan stratégique de lutte contre le sida sur trois ans : prévention, accès aux soins, traitements, tout y est… sauf les moyens. Le budget proposé par le PNLS (Programme National de Lutte contre le Sida) est de 6 millions de dollars, dont 5 restent à trouver auprès des bailleurs de fonds internationaux. Nous avons interrogé le Dr Jeanine, responsable du point focal ONUSIDA au Burundi, sur le contenu du programme de lutte contre le sida qui se met en place. Elle nous a répondu, avec une langue de bois consommée, et en refusant de nous communiquer le budget de ce programme, qu’une grande priorité serait donnée à la prévention, avec un volet « soins à domicile » pour les malades. Les malades, de toute façon, tout le monde s’en fout, cela coûte trop cher de les soigner.

Mais le manque d’argent n’est pas seul responsable de l’abandon des malades à la mort. L’absence de volonté politique, le cynisme de la Banque mondiale et des laboratoires pharmaceutiques (qui refusent de baisser les prix des trithérapies et font du lobbying dans le cadre des accords Trips pour empêcher la fabrication des génériques par les pays pauvres), l’inertie de l’ONUSIDA et de l’OMS participent aussi à accentuer l’hécatombe qui a décimé toute une génération, ramenant l’espérance de vie dans ce pays à 39 ans.

Les associations burundaises de lutte contre le sida, dont l’ANSS, association partenaire d’Act Up-Paris, font un travail admirable, avec des moyens ridicules. Elles représentent le seul espoir pour ces malades puisque globalement tout ce qui est fait pour les séropos dans ce pays, ce sont elles (ANSS, SWAA Burundi, FVS, AVESI) qui le font : dépistage anonyme, consultations médicales et fourniture de médicaments gratuits, soutien psychologique, prévention, soutien alimentaire, placement dans des familles d’accueil des orphelins du sida, etc. Leurs volontaires et leurs salariés, généralement séropositifs, Théophile, Jeanne Gapiya et Juvenal de l’ANSS, Dr Janvière et Isabelle Baema de la SWAA, Caritas Habonimano coordinatrice de FVS, Mboko Louis porte-parole des séropositifs et coordinateur d’AVISI, sont de véritables militants.

Les malades, eux, savent que les trithérapies sont hors de portée pour l’instant. Les associations savent que si un programme d’accès à ces trithérapies se met en place, il bénéficiera d’abord à ceux qui ont de l’argent et/ou des relations. C’est pourquoi, avec le soutien d’Act Up, elles proposent au gouvernement et à ONUSIDA, l’adoption du traitement par le Bactrim® en préventif, produit localement en générique. Ce traitement, d’un coût mensuel de 6 FF par malade, permettrait à des dizaines de milliers de séropositifs, aujourd’hui sans soins, de tenir un peu plus longtemps en bonne santé, en attendant mieux.

Cette mission de la commission Nord/Sud d’Act Up-Paris au Burundi a eu lieu dans le cadre du projet Planet Africa (qui consiste à mettre en réseau les associations de lutte contre le sida africaines via Internet, pour qu’il y ait échange d’informations). Le second objectif était de recueillir des informations, et de rencontrer les séropositifs de ce pays. Nous avons constaté que les diverses composantes de l’ONU opérant au Burundi, ainsi que les ONG internationales, ne travaillent pas avec les ONG locales et ne les soutiennent pas financièrement. Elles préfèrent de l’aveu des responsables de ces organismes, soutenir le gouvernement, quand bien même une grande partie des fonds qui lui sont versés disparaît dans la nature. Les budgets de ces organismes internationaux sont eux aussi absorbés par des frais de fonctionnement perdus en paperasserie, enquête de tout genre, groupes thématiques, forums et congrès.

Nous avons arraché la promesse d’une aide financière de ces associations au Dr Yankalbé, directeur de l’OMS au Burundi, à M. Athanase Nzokirishaka, responsable du volet sida au FNUAP, au Dr Schwartz responsable de la coopération française à Paris qui dispose d’un budget de 1,4 millions de FF pour le Burundi, ainsi qu’à Monsieur Rudd, représentant de l’Union Européenne sur place, qui dispose d’un Budget de 50 Millions d’Euros pour l’aide au Burundi et ne fait rien pour l’instant. Nous comptons bien sûr surveiller les actes de tous ces bailleurs de fonds.