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Répression de la politique de substitution : Non contente de s’acharner sur les usagers de " drogues ", la justice s’en prend aux médecins

lundi 5 juillet 1999

Un médecin généraliste de Nemours a été placée sous contrôle judiciaire par un juge d’instruction de Fontainebleau pour " facilitation de l’usage de produits stupéfiants (Subutex®) ".

 Le Tribunal de Fontainebleau, en désaccord avec les principes de la réduction des risques, essaie d’influer sur le statut légal des opiacés de substitution. Il cherche à créer une jurisprudence.
 Ce conflit entre instances répressives et corps médical montre de façon flagrante l’incohérence d’une politique des drogues fondée d’un côté sur le " soin ", de l’autre sur la " répression ".
 Act Up-Paris interpelle Elizabeth Guigou : les juge d’instruction et le procureur impliqués dans cette affaire doivent être rappelés à l’ordre
Ils n’ont aucun droit à réinventer lois et décrets.

Le 8 juin 1999, le Docteur Labarre-Suzen, médecin à Nemours, était sanctionnée pour " facilitation de l’usage de produits stupéfiants (Subutex®) ". La buprénorphine, principe actif de ce médicament, n’est pourtant pas classée dans la liste des " stupéfiants " mais dans celle des " substances vénéneuses - devant être prescrites sur carnet à souches " : on reproche à Madame Labarre de prescrire de façon légale des produits légaux. Ordre lui a été intimé de "s’abstenir de recevoir, de rencontrer ou d’entrer en relation de quelque façon que ce soit avec les personnes suivantes : toute clientèle toxicomane aux fins de substitution". On demande à donc Madame Labarre d’opérer des discriminations dans sa clientèle, et d’en exclure les " toxicomanes".

Lui a été interdite " toute activité de soins impliquant la prescription de traitements de substitution et de produits médicamenteux toxiques tranquillisants, somnifères, antidépresseurs notamment " : on jette l’opprobre sur toute une gamme de médicaments, destinés notamment au traitement de la douleur.
C’est un énorme retour en arrière. Depuis des années, l’action de la justice et des forces de l’ordre contredit régulièrement les avancées de l’approche sanitaire des usages de " drogues " : planques policières sur le trajet des bus d’échanges de seringues ; mise en doute des choix thérapeutiques des usagers et de leurs médecins ; discriminations entre " bons " et " mauvais " substitués
A Fontainebleau, elles ont franchi le pas. Ayant versé le Subutex, au rang des produits illégaux, et aveuglées par leur incompréhension des logiques de soin, elles ont procédé ici comme elles le font pour les produits illicites : traque des usagers, remontée des filières d’approvisionnement, arrestation du médecin prescripteur des produits.

En oubliant simplement que le principe de la substitution et la prescription de buprénorphine avaient été institués par décrets ministériels en 1994 et 1996. Et que le médecin agissait en toute légalité. Non contente d’exercer sa prétention à la répression sur les usagers, la justice l’exerce désormais sur les médecins, pourtant déjà soumis au lourd contrôle des Conseils de l’Ordre et des inspecteurs de la Sécurité Sociale.

Cette mise en accusation risque d’avoir un effet dissuasif sur les médecins prescripteurs de produits de substitution, déjà rares et peu rassurés.
Les usagers devront-ils bientôt courir après les médecins, et les médecins disposés à leur prescrire des opiacés de substitution seront-ils accusés d’avoir des files actives trop importantes, comme Madame Labarre, dont la file active de 15 patients " toxicomanes " a été jugée excessive ?

Ou bien propose-t-on simplement aux usagers de retourner à l’héroïne de rue, de plus en plus frelatée, et de s’exposer à nouveau aux persécutions de la police ?
Du sort des usagers, personne ne semble rien avoir à faire. Sans doute les préfère-t-on en prison. Les timides ouvertures de la politique française des drogues à des alternatives à la répression atteignent ici leurs limites. On ne peut pas se proposer de " soigner " les usagers de drogues d’un côté, et de l’autre soupçonner tous leurs agissements, les considérer comme des délinquants et assigner aux professionnels de la santé qui les accueillent le statut de " complice ".
La politique française des drogues est incohérente. L’usage de " drogues " ne doit plus être considéré comme illégal.


 Act Up-Paris demande la légalisation contrôlée de toutes les drogues.
 Act Up-Paris demande à Elizabeth Guigou de rappeler les termes de la circulaire, accompagnant la sortie du plan triennal de lutte contre la toxicomanie, adressée aux Procureurs de la République, leur demandant de " veiller à ce que la politique d’interpellation ne vienne pas contrecarrer les programmes de réduction des risques ".
 Act Up-Paris demande à Elizabeth Guigou de sanctionner le Procureur INGAL - MONTAGNIER, du tribunal de Fontainebleau, qui a couvert, au nom du parquet, les initiatives du juge d’instruction Isabelle GO ANVIC, pour interprétation abusive des textes législatifs.
 Act Up-Paris demande au Ministère de la Santé de soutenir les médecins mis en cause dans l’exercice de leurs fonctions, et de réaffirmer la primauté de la logique sanitaire sur la logique répressive.
 Act Up-Paris demande à la MILDT et à Lionel Jospin d’inscrire à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée Nationale, la révision de la loi de 1970.
 Act Up-Paris demande la légalisation contrôlée de toutes les drogues.