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Co-infection VIH/VHC

Des traitements, c’est urgent !

janvier 2010

En novembre dernier, deux militantes d’Act Up étaient présentes à la dernière conférence européenne à Cologne ; une conférence sur la clinique sans grandes nouveautés. Pourtant lors de la dernière plénière, une intervention a renversé la situation.

Mark Nelson [1], a dépeint un tableau de la co-infection qui aurait pu être fait au début de l’épidémie de sida, tant la situation actuelle pour les personnes co-infectées ressemble à celles des premiers séropositifs. Les traitements n’existent pas encore, la maladie avance, la recherche s’attarde. Sa présentation que nous avons décidé de traduire et de retranscrire intégralement ici, est celle d’un véritable activiste.

« Pourquoi nous avons besoin de nouveaux traitements pour l’hépatite C maintenant »


« J’ai été invité à venir vous présenter une controverse sur les traitements de l’hépatite C. Je ne vais pas faire cette controverse juste pour le plaisir, mais parce qu’il y a un vrai besoin. On entend sans cesse parler de nombre ; taux de CD4, charge virale, etc. Mais je vais vous dire un petit secret. Le virus du sida est un virus qui tue !

Nous devons nous rappeler que beaucoup des personnes qui sont mortes du sida nous ont aidé à fabriquer de nouveaux médicaments pour traiter cette infection et que cela soit fait de mieux en mieux. Les médicaments ne sont pas créés par la voie du saint esprit. Les nouveaux traitements viennent de gens qui prennent des risques et qui mettent leur vie en jeu pour que ces médicaments marchent. Aujourd’hui on a l’impression que l’on peut prendre ces traitements en toute sécurité et qu’il n’y a plus de danger, comme si la guerre contre le sida était terminée. Pourtant malgré le fait que ces médicaments fonctionnent, les gens continuent de mourir de cette maladie. Et l’un des plus grand contributeur de cette mort c’est la co-infection, et notamment la co-infection avec le virus de l’hépatite C.

Le VHC est vraiment un tueur invisible, quand les personnes commencent à se sentir malades, c’est déjà trop tard. Ils ne viennent pas avec des problèmes de peau ou d’autres problèmes bénins, mais quand ils viennent c’est avec un problème hépatique au stade terminal. Il a été clairement montré que le VHC et le VHB contribuent au risque de mort. Quand on regarde les études faites sur les co-infections VIH et VHC et/ou VHB, il y a un risque accru de mortalité, principalement du aux maladies non opportunistes. Mais ce n’est pas seulement l’hépatite qui cause cela. Si on regarde les facteurs de risques de mort augmenté, il n’y a pas seulement les maladies du foie, il y a les problèmes rénaux, les cancers non classant sida, et d’autres problèmes qui peuvent affecter les personnes co-infectées, telle que la consommation de drogues.

La première raison pour laquelle nous avons besoin de nouveaux médicaments contre l’hépatite C dans la population co-infectée, c’est que les gens meurent de co-infection ! On sait que c’est un grave problème, ce n’est pas un petit désagrément qu’on peut juste ignorer. Les taux d’infection à travers l’Europe varient de 20 à 50 % dans les différentes populations. Et selon où on se trouve sur le continent, détermine à quel point on prend ce problème au sérieux. L’Europe grandit et ses frontières ne sont pas étanches, il y a beaucoup de migrations d’Est en Ouest. Si on regarde l’incidence des taux de co-infection et celle des taux d’utilisation des drogues, on se rend compte qu’on peut l’utiliser comme un marqueur pour la co-infection. Les taux élevés d’utilisation de drogues dans la population séropositive au VIH venant de l’Est et migrant à l’Ouest rend ce problème déterminant pour nous tous.

Mais ce n’est pas seulement un problème de migration, il y a une épidémie d’hépatite C aigue dans nos régions. Pourtant quand cette épidémie a été décrite pour la première fois au Royaume-Uni , tout le monde l’a ignoré en disant que c’était un problème britannique et que ça ne les concernait pas. Évidemment, ça s’est propagé dans toute l’Europe. Maintenant on a des preuves d’épidémie d’hépatites C aiguës aux Pays-Bas, en Allemagne et en France. Et ce n’est pas qu’un problème européen, on en voit maintenant aux Etats-Unis et en Australie ; ces épidémies sont alimentées par des changements dans les comportements sexuels et l’utilisation de drogues.

Nous savons que l’hépatite C a une plus grande transmission, qu’elle arrive dans la population homosexuelle, qu’elle est alimentée par les comportements sexuels, et les types de rapports sexuels, et par la capacité à avoir des rapports occasionnels. Elle peut aussi être due à un changement dans l’utilisation des drogues et le partage de leur mode d’administration. Parallèlement l’augmentation des IST mène à une augmentation de l’infection hépatique dans ces populations.

On ne prend pas ce problème au sérieux, on n’en fait pas assez pour limiter la casse, on n’en fait pas assez pour décider comment le traiter. On voit des taux élevés de clairance avec l’interféron dans la surveillance de l’infection à VIH des personnes mono-infectées par le VIH. Mais on ne sait pas traité le VHC. Est ce qu’on donne de la ribavirine ? Pendant 24 semaines ? Pendant 48 semaines ? Et je pense qu’il est dommage que l’institut qui est sensé organisé des essais cliniques important en Europe, a décidé de ne pas avancer avec l’essai 002 et ils ont fait à la place une étude pharmaceutique.

Il y a une prévalence accrue ; de plus en plus de personnes porteuses de cette maladie. L’hépatite C est vraiment une maladie silencieuse les personnes ne savent pas qu’elles l’ont, il y a une véritable alerte à faire pour qu’il y ait plus de travail dans la communauté, pour qu’il y ait plus de dépistage, car souvent les personnes présentent un état terminal de la maladie quand elles viennent consulter. Si nous regardons les problèmes liés à la co-infection, on constate que les risques de cirrhose sont doublés dans la population co-infectée par rapport à la population mono-infectée par le VHC. Quant au risque de décompensation hépatique, il est au moins 6 fois plus élevé dans la population co-infectée. On pourrait se dire que l’étude présentée date, puisque qu’elle a été publiée en 2001 et que les choses ont changé mais ce n’est pas le cas.

Si on regarde les études effectuées depuis l’arrivée des antirétroviraux, on constate que le risque de développer une cirrhose est doublé dans la population co-infectée comparé à celle qui a une hépatite C seule. Il y a des personnes qui alarment et qui présentent des graphiques montrant que le taux de cirrhose est plus élevée dans la population infectée par le VIH. Et puis, il y en a d’autres qui disent « On a le temps ! Regardez après 25 ans seulement 25 % de la population a développé une cirrhose. » Pourtant chez certaines personnes on constate une progression très rapide de la maladie, comme c’est le aux États-Unis et en Europe, où les données montrent une progression rapide de la cirrhose. Une étude espagnole faite sur 3 ans montre que dans ce laps de temps, 16 % des personnes ont progressé de deux niveaux dans la fibrose. Et quand se développe la cirrhose et que le foie décompense, qu’arrive-t-il à la population infectée par le VIH ? Leur survie est bien pire.

Le tableau ci-dessous montrent le pourcentage de survie parmi les personnes infectées par une hépatite C seule et co-infectée par le VIH.

1 an 2 ans 5 ans
VHC seul 74 % 61 % 44 %
Co-infecté VHC/VIH 54 % 40 % 25 %

Autre problème qui pèse lourd dans la prise en charge : on ne prend pas cette maladie au sérieux. Certaines recommandations préconisent, par exemple, que chaque personne vivant avec une hépatite B devrait passer une échographie du foie et un fibrotest pour chercher s’il y a un carcinome hépato cellulaire (CHC). On peut toujours débattre pour savoir quelles recommandations sont les meilleures, mais ce qui est clair c’est qu’elles ne sont pas suivies. Les données dont nous disposons montrent que seuls 25 % des médecins suivent les recommandations anglaises. Et au pire, ces médecins pensent que de toutes façons ça devrait aller car ils ont des amis chirurgiens qui régleront les problèmes s’il y en a. En 2002, une enquête allemande a été menée dans 87 centres, pour voir si les chirurgiens qui effectuent des transplantations seraient prêts à le faire sur des personnes vivant avec le VIH : 40 % des équipes ont dit non. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Et quand bien même, il serait possible pour les chirurgiens d’effectuer des transplantations, est-ce que les patients le pourraient alors ? La réponse est encore négative. Après un an, les taux de survie des personnes vivant avec le VIH, sont très similaires aux séronégatifs. Mais à 3 ans et 5 ans, ces taux de survie sont beaucoup moins bons dans la population séropositive au VIH. Et ce n’est pas seulement une question de survie pour le patient, il s’agit également de la durée de vie du greffon. Seules 37 % des personnes vivant avec le VIH ayant reçu un greffon survivent après 5 ans. La « bonne nouvelle » c’est que, alors qu’on se demande depuis un moment si l’hépatite aggrave le VIH, une analyse récente montre que ce n’est pas le cas, mais que c’est le VIH qui contribue à rendre le VHC plus agressif.

Dans la population co-infectée la progression de la maladie est beaucoup plus rapide. Durant cette conférence on a beaucoup parlé du vieillissement des personnes vivant avec le VIH, mais beaucoup des choses évoquées dans la problématique du vieillissement sont aggravées par la co-infection. On est devenu obsédé par les os ; avant c’était le cœur, maintenant c’est les os. Dans une analyse récente, on a montré que chez les femmes, la perte minérale est plus importante chez les femmes co-infectées que chez les mono-infectées. Concernant l’obsession des maladies cardiovasculaires, la question est de savoir si l’hépatite C est un facteur aggravant. La réponse est probablement oui. Des données publiées il y a quelques années montrent un risque accru d’infarctus du myocarde, mais ce qui est plus impressionnant ce sont les risques de maladies cardiovasculaires dans le groupe des co-infectés. Il peut y avoir d’autres facteurs comme l’insulino-résistance associée à l’hépatite C, et ce qu’on voit dans cette même étude, c’est que l’hépatite C contribue à l’incidence du diabète. De plus, les problèmes rénaux peuvent être pires chez les co-infectés, cela se voit par la protéinurémie et l’insuffisance rénale chronique qui a une plus grande prévalence dans cette population. On peut aussi parler de nombreux autres problèmes considérés habituellement comme liés au VIH, telles que les lipodystrophies. Quelques études ont montré que les personnes porteuses du VHC ont plus de risque de développer une lipodystrophie. D’autres études montrent que les risque de lymphomes sont également plus élevés dans la population co-infectée.

Les co-morbidités liées au VIH peuvent être aggravées par la co-infection. Qu’en est il des traitements ? Nous avons beaucoup de médicaments pour traiter le VIH, et les personnes co-infectée les prennent aussi, mais cela fait des années qu’on sait que les toxicités sont pires pour les co-infectés. Ces données montrent clairement que les risques d’hépatotoxicités sont plus élevés chez les personnes affectées par le VHC et ces données montrent que par classe de médicaments ( INTI, INNTI, IP IP boosté et associations) les individus infectés par le VHC sont exposés à des niveaux plus élevés de toxicités. Si on regarde les médicaments les plus récents, ils nous offrent des avantages en termes d’hépato-toxicités comme le raltégravir et le maraviroc. Ces médicaments semblent moins toxiques pour le foie. Et il faut réfléchir à leur utilisation par des personnes co-infectées.

Les antirétroviraux augmentent beaucoup les toxicités. Tout le monde sait que le traitement de la co-infection est possible avec le peg-interféron et la ribavirine. Le problème c’est que ça ne marche pas aussi bien. Peu importe que ce soit le génotype 1 ou 3. On voit dans les essais que les traitements marchent pour certains, mais dans tous les cas, ils marchent moins bien dans la population co-infectée VIH/VHC que dans la population mono-infectée. C’est évidemment un gros problème. La majorité des personnes infectées par ces deux virus en Europe a précisément le génotype pour lesquels les traitements marchent moins bien, c’est-à-dire le génotype 1. Pourquoi est-ce le cas ? Il peut y avoir beaucoup de raisons ; le stade de fribrose est plus avancé, les taux de stéatose sont plus élevés, les caractéristiques virologiques du VHC sont défavorables, les effets secondaires induisent plus d’abandon, la compliance n’est pas bonne, la clairance initiale de l’ARN VHC est plus faible, les taux de rechute sont plus élevés. Mais alors peut-on donner du peg-interféron pour les faire attendre ? Peut-on leur donner sur le long terme de l’interféron ? La réponse est non, cela ne fonctionne pas du tout. Dans l’essai ACTG-5178 des personnes pour lesquelles le traitement pour l’hépatite C n’avait pas marché, ont été randomisées en deux groupes : prise de peg-interféron sur le long terme comparé à un placebo. Résultats : les effets de l’interféron pégylé étaient nuls.

Les traitements actuels sont sub-optimaux. Mais la bonne nouvelle c’est qu’il y a beaucoup de nouveaux médicaments en essai pour traiter l’hépatite C : 35 en phase I, 33 en phase II, 6 en phase III, ce qui donne un total de 74 molécules. Pourtant ce qu’on voit actuellement c’est qu’il n’y a aucun essai mené en ce moment dans la population co-infectée en Europe. Et pourquoi ? Il y a plusieurs excuses possibles : problèmes d’interactions des traitements pour les deux maladies, nouvelles toxicités, effets inconnus sur le VIH si on traite le VHC, ou question d’argent ! On sait que toutes ces études coûtent cher, or les compagnies pharmaceutiques veulent faire de l’argent, c’est leur boulot et on doit le savoir, mais du coup il faut réfléchir aux conséquences sur la population. Pourtant il n’y a pas besoin de faire tant que ça, nous n’avons pas besoin de trop nombreuses études sur l’interaction entre les médicaments. Nous avons vraiment besoin de deux : lopinavir et raltégravir. Il faut utiliser notre bon sens, il y a très peu de risques d’interactions entre les médicaments pour traiter l’hépatite C et ces deux antirétroviraux, ils sont presque nuls. Mais si nous sommes prêts à faire ces études, nous devons être conscients que ce n’est pas dans une optique de rentabilité. Il faut d’abord penser aux patients, les laisser décider avec ces informations, ils seraient certainement prêts à participer à des études pour eux-mêmes et pour les autres malades.

Je vous ai donné plusieurs raisons pour lesquelles nous avons besoin de nouveaux traitements et c’est très simple. Mais la réponse concerne vraiment les individus.

Voici l’un de mes patients, il s’appelle Paolo, il est co-infecté, il a une charge virale indétectable, environ 500 CD4 et a déjà participé à des essais cliniques. C’est une photo de lui il y a 4 ans. Et je lui disais alors « ne t’inquiètes pas de ton hépatite C, il y a beaucoup de nouveaux traitements à l’étude, ils sont prometteurs, ils vont arriver ». Deux ans plus tard, il n’avait pas intégrer un nouvel essai, et ne paraissait pas aussi bien, « ne t’inquiètes pas Paolo, tu vas pas tarder à entrer dans un essai pour ton hépatite C, il y a beaucoup de nouveaux traitements à l’étude, ils sont prometteurs, ils devraient bientôt arriver ». Le voici il y a deux mois, voici les effets dûs au fait de ne pas avoir de nouveaux traitements de l’hépatite C. Et je veux que vous voyiez tous cela, cet homme savait que j’avais cette présentation à faire aujourd’hui et il était d’accord pour que je présente cette photo prise une demie-heure avant sa mort. Il est mort de son hépatite C et chacun de nous dans cette audience est à blâmer. Les médecins pour ne rien faire et accepter ce que les firmes pharmaceutiques nous disent « Nous ne vous donnerons pas de médicaments avant d’avoir fini les études pour les mono-infectés ». Les firmes pharmaceutiques ont contribué à la mort de cet homme. Les malades sont là et se proposent pour essayer de nouveaux traitements afin de répondre aux questions, mais vous ne les laissez pas faire. Pensez à la façon dont les compagnies pharmaceutiques prennent si peu en compte cette maladie. Ne prenons pas les choses à la légère. Nous avons besoin que les associations de malades plaident et se mobilisent là-dessus. Les raisons pour lesquelles nous avons autant de traitements et nous les avons eu aussi vite pour traiter le VIH, c’est grâce au boulot que vous avez fait. Nous devons travailler et oeuvrer ensemble pour obtenir ces nouveaux traitements. A ce titre, chacune des personnes présentes ici a contribué à la mort de cet homme. Nous devons tous y réfléchir et voir comment arrêter toutes ces morts dans le futur. »


[1Mark Nelson, est directeur du service VIH, directeur adjoint de recherche sur le VIH, au Chelsea and Westminster Hospital à Londres, Royaume-Uni. Il a été un des principaux auteurs des recommandations pour le traitement et la gestion du VIH et co-infection par l’hépatite C, et membre et co-auteur des recommandations pour le traitement et la gestion du VIH et la co-infection par l’hépatite B publiées en 2003.