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Monoï, mon ami

mars 2008

Hervé est militant d’Act Up et salarié au poste de la coordination comptabilité & trésorerie. Séropositif depuis 1995, il vient d’intégrer un essai visant à évaluer une stratégie d’allègement thérapeutique. Il nous raconte cette nouvelle aventure.

Tu es actuellement dans un essai, peux-tu nous dire en quoi il consiste et quels sont ses objectifs ?
Cet essai s’appelle Monoï. Je vais vous en parler un peu comme un débutant de l’essai, parce que c’est la première fois que je participe à un protocole. C’est un essai qui s’adresse à des gens qui ne sont pas en échec thérapeutique, qui ont une charge virale indétectable dans les 30 jours qui précèdent l’inclusion et qui ont plus de 200 CD4 depuis 6 mois. Comme je fais partie de cette catégorie-là et pour des raisons d’effets secondaires, on m’a proposé cet essai. J’ai changé de médecin à l’hôpital et elle m’a proposé 3 nouveaux traitements, non pas parce que mon traitement ne fonctionnait pas mais parce qu’il fallait que j’en change à cause d’un début de lipoatrophie. Mon traitement à l’origine et depuis 1999, était Ziagen® + Combivir® puis sous la forme Trizivir® à partir de 2003 sans aucun échec thérapeutique et j’insiste sur ce point là. J’ai commencé cet essai en décembre. Les deux premiers mois c’est un essai en aveugle, on prend tous une trithérapie : Kivexa® (abacavir + lamivudine) et Prezista® (darunavir/TMC 114) boosté par du Norvir® (ritonavir). Il y a une fiche essai dans le Protocoles 46 de mars 2007 où c’est très bien expliqué. Au jour 0, après deux mois de trithérapie, il y a un tirage au sort en aveugle. La moitié des personnes garde le même traitement, l’autre passe en monothérapie. J’ai été tiré au sort pour poursuivre en monothérapie, je ne prends plus que le darunavir boosté par le ritonavir. C’est un peu nouveau pour moi car ça fait juste un mois que j’ai commencé cette monothérapie et on n’a pas encore les résultats des analyses.

Qui t’a proposé de rentrer dans cet essai ? Qu’est-ce qui t’a motivé ?
C’est le médecin qui me suit à l’hôpital Tenon. En fait, j’avais un autre médecin à Saint Antoine avec qui on s’entendait ni bien, ni mal, il me suivait tout à fait correctement, mais pas assez correctement à mon goût. C’est-à-dire qu’on n’avait pas réellement d’échange, j’avais envie d’un médecin qui ait du répondant et à qui j’avais envie de demander des trucs. Il se trouve que mon médecin en ville est mon médecin référent, c’est une femme qui a commencé à travailler sur le VIH au début de l’épidémie avec le Pr Rozenbaum à Rothschild. Elle n’a pas de consultation à l’hôpital mais elle continue à faire partie du staff de Tenon. Elle m’a envoyé voir le Dr Laurence Slama, qui fait partie de l’équipe du Dr Pialloux. Le Dr Slama a beaucoup travaillé sur les lipoatrophies. Avec elle, j’ai eu un rapport très direct, agréable et sympathique, elle m’a ausculté et a tout de suite remarqué que je commençais à avoir de la lipoatrophie. J’avais les jambes particulièrement amaigries, les veines apparentes, j’avais perdu mes grosses fesses, mes bras étaient amaigris aussi, j’avais un début de bosse de bison et un double menton un peu trop développé et puis je continuais à conserver cette ceinture abdominale un peu trop apparente pour mon poids. Par ailleurs j’avais dû me mettre au régime depuis quelques mois pour un autre problème médical qui n’a rien à voir avec le VIH. Elle m’a donc proposé ce protocole Monoï et deux autres traitements hors protocoles d’essai. Je ne voulais pas prendre les autres traitements parce que l’un a pour effet secondaire des cauchemars, style cauchemars d’enfant et rend dépressif et je n’en ai vraiment pas besoin, je peux l’être déjà par moi même, et l’autre traitement rend tout jaune et ce n’est pas une couleur qui me va très bien. J’ai donc accepté l’essai après en avoir parlé avec elle bien sûr, avec mon médecin référent en ville et avec ma psy qui est aussi dans le domaine du VIH, puisqu’elle fait partie de l’association Espas, elle travaille avec des séropositifs et sait ce que c’est qu’un traitement. J’en ai parlé aussi à Act Up, j’ai lu la fiche sur Monoï dans Protocoles et puis je me suis dit que j’avais peut-être envie aussi éthiquement parlant de faire partie d’un essai. C’est ce qui m’a décidé.

Justement tu en parles aussi comme un acte militant, tu peux l’expliquer ?
Oui, c’est quelque chose d’important. J’en ai discuté avec mon médecin à Tenon, elle-même a une démarche militante de médecin. Elle ne fait pas partie d’une association de lutte contre le sida mais elle travaille sur le terrain au Burkina Faso, elle y va une semaine tous les deux mois pour travailler dans un dispensaire avec quelqu’un qu’on aime beaucoup à Act Up, Jean-Baptiste Guiard-Schmid, il a monté un dispensaire là-bas. Donc, de ce côté-là, c’est un médecin qui me plaît, elle sait ce que c’est qu’Act Up. Et moi de mon côté, si je peux faire que cette stratégie de traitement fonctionne et devienne un traitement de référence et que j’ai participé à cela, c’est une toute petite pierre dans le grand édifice qu’est la lutte contre le sida, mais au moins j’y aurai participé. On m’en a donné la possibilité en me donnant le choix. J’ai choisi et cela me rassure.

Comment ça se passe ? Et en rentrant dans un essai, est ce que tu t’attendais à ce que ça se déroule comme cela ?
C’est un peu plus contraignant techniquement qu’un traitement « classique ». J’insiste sur techniquement parce que ça veut dire qu’il faut aller une fois par mois à l’hôpital, que ça dure une petite journée à chaque fois, il y a des gros examens, du type ostéo-densitométrie, scanner, etc. Ca me crève, je dois l’avouer. Le jour où je vais à l’hôpital, je suis vraiment naze, je pense que je suis inquiet donc je ne dors pas bien avant. L’essai dure deux ans, ça veut dire que pendant deux ans, tous les mois j’irai à l’hôpital, ça veut dire aussi qu’il faut que j’organise un peu mon temps, d’où l’avantage de travailler à Act Up, parce que je n’ai pas besoin de faire des pieds et des mains pour me cacher ou pour que mon employeur accepte mes absences. Physiquement ce n’est pas lourd au niveau de la prise : la trithérapie c’est 4 cachets le matin et 3 le soir, et la monothérapie c’est 2 prises de 3 cachets, il faut les prendre au moment des repas. C’est un peu plus contraignant que le traitement que j’avais avant, et je dois me mettre une médaille parce que je suis un champion de l’observance : depuis 1999, avec un arrêt thérapeutique d’un an, je pense que j’ai dû rater 10 prises en tout et pour tout, alors que je suis une folle dingue total sur plein de plans, j’ai pris cette chose très au sérieux. La plus grande contrainte c’est le fait de le prendre pendant les repas. J’ai fait la bêtise de le prendre une fois sans manger et c’est vrai que je n’étais pas bien ce jour-là. De plus, il faut le prendre à des heures vraiment régulières : 8h30 le matin, 8h30 le soir, c’est moins facile le matin le week-end et pas toujours évident si je dîne tard. J’essaye de rééquilibrer le matin suivant en le prenant un peu plus tard, je suis une bonne fille, je fais gaffe. Voilà, c’est un peu contraignant mais, il ne faut pas exagérer non plus, il y a d’autres traitements qui sont plus lourds et beaucoup plus contraignants que ça. Au niveau physique, la réaction est plutôt étrange parce que je continue à avoir des diarrhées et je pense que c’est dû au Norvir®, mais ce n’est pas régulier ; il peut y avoir une semaine sans diarrhée et plusieurs en une journée. Si je bois un peu trop de pinard, ça doit jouer aussi obligatoirement. Il vaut mieux avoir une vie saine et équilibrée. A part ça, je suis très rassuré, parce que je suis suivi à l’hôpital tous les mois, il y a une auscultation très précise, avec plein d’examens au niveau de la lipoatrophie puisqu’on prend la mesure de mes jambes, de mes cuisses, de ma taille, de ma poitrine etc. Il y a quelque chose de gênant, et j’en ai parlé avec mon médecin, c’est que je ne peux absolument pas l’arrêter. Je n’ai pas voyagé loin depuis que j’ai commencé ce protocole. Or, si je décide de partir dans un pays où je ne peux pas amener mon traitement, je pense aux USA par exemple, je ne pourrai pas continuer ou alors je prends le risque d’être refoulé à l’aéroport. Je ne peux pas l’arrêter, mon médecin me le déconseille beaucoup, elle est très stricte et surveille même si je le prends à des heures régulières, deux fois par jour. Et puis le Norvir® doit être conservé en-dessous de 25°C donc je l’ai mis au frigo, et je remplis mon pilulier pour la semaine à température ambiante. Pour le moment on est encore en hiver, je ne chauffe pas comme un dingue et le médecin m’a bien dit que c’est au-dessus de 25°C qu’il y a un risque de dégradation des gélules.

C’est la première fois que tu participes à un essai ? Pourquoi ?
C’est la première fois, parce qu’on ne me l’avait jamais proposé. Jusqu’à présent, avant l’apparition de la lipoatrophie, j’avais d’excellents résultats. Si on m’a proposé cet essai, c’est pour des raisons de lipoatrophie, sans douté liée à la prise du Trizivir®, qui contient de l’AZT. Ce n’est qu’un début, il ne faut pas exagérer, ceux qui me connaissent ne diront pas que je suis lipoatrophié, comme d’autres personnes peuvent l’être, mais je peux dire que je suis quelqu’un qui avait du cul et là je n’ai plus de cul, j’ai la fesse plate et sous la barbe quand je me rase le matin, je vois que je suis un peu creusé et les bras sont maigrichons. Pour l’instant, depuis l’entrée dans cet essai, je ne vois pas de différences et le médecin m’a dit que je ne suis pas sûr de récupérer ce que j’ai perdu. On surveille pour pas que cela s’aggrave, mais c’est très difficile de récupérer ce qu’on a perdu, même en arrêtant le médicament qui peut provoquer la lipoatrophie. Je fais des abdos fessiers pour ça.

Qu’est ce que cette participation à la recherche a changé pour toi ?
Cela a changé mon rythme de vie obligatoirement. Au quotidien j’ai changé de traitement, j’ai un autre rapport avec mon médecin référent car avant c’était surtout elle qui me suivait puisque Trizivir® est disponible en pharmacie de ville. J’étais dans une sorte de train-train, elle me connaît bien, je la connais bien, je faisais mes examens au laboratoire du Chemin Vert, tous les 2-3 mois puisque tout allait bien. Ce qui a changé c’est que je passe cette journée par mois à l’hôpital. Il y a une autre chose très positive du coup. J’étais déjà allé à Tenon pour autre chose qui n’a rien à avoir avec le VIH, et j’étais déjà très content de la qualité des services là-bas et j’avais vraiment apprécié le service de chirurgie. Le service d’infectiologie de Tenon est un super service, comme les gens qui s’occupent de moi. Est-ce que c’est parce que je suis en protocole ? C’est possible mais c’est aussi un service qui travaille beaucoup avec les sans-papiers ou les malades étrangers. Le médecin qui me suit est très sympa, toutes les personnes qui en font partie des infirmiers aux aides-soignantes sont très agréables, il y a vraiment quelque chose qui existe. Je me sens beaucoup mieux à Tenon qu’à Saint Antoine ; en même temps à Saint Antoine je n’étais pas en protocole donc la comparaison est difficile.
Il y a une certaine prise de conscience en participant à un protocole. Je crois que je flippe par moment, je me demande si ça va marcher ou pas, est-ce que je vais le supporter ? J’ai des petites inquiétudes, ce ne sont pas des angoisses, il ne faut pas exagérer non plus, peut-être aussi parce que je travaille à Act Up et que je suis bien entouré. C’est une facilité de pouvoir en parler, je n’ai pas de difficultés pour aborder ce sujet avec mes amis non plus. Et si je flippe, je suis quand même très bien surveillé, je sais que je peux joindre le médecin 24h sur 24 si j’ai un problème, sa secrétaire aussi et c’est très rassurant. Au dernier rendez-vous, la semaine dernière, le Dr Slama s’est rendue compte que j’avais peut-être un peu trop de cholestérol, c’est une chose que j’avais avant avec l’autre traitement, mais elle trouve que j’en ai trop, elle veut le surveiller et pour ça je dois voir un cardiologue pour qu’il me fasse un check up complet, donc de ce côté là je suis très rassuré. J’espère que ça se passe aussi bien pour les autres personnes participant à des protocoles. Mais, encore une fois, je n’ai eu aucun échec thérapeutique au préalable, et c’est très confortable de se dire aussi que si ça ne marche pas, je peux avoir un autre traitement.

MONOI (ANRS 136) recrute toujours

Essai de phase III, randomisé, comparant la capacité à maintenir le succès virologique d’une stratégie de simplification par monothérapie d’inhibiteur de protéase boosté, le darunavir/r, par rapport au maintien d’une trithérapie comportant deux inhibiteurs de la transcriptase inverse associés au darunavir/r chez des séropositifs en succès immuno-virologique.