Accueil > L’association > Archives > Action > Edito

Edito

jeudi 23 janvier 2003, par Victoire Patouillard

La fin d’année fut bien sombre. Réduire l’accès aux soins, faire payer les malades étaient les objectifs poursuivis et assumés par le gouvernement dans le dossier de l’Aide Médicale d’Etat (AME). Ils faisaient écho, au cours des négociations de l’OMC, aux tentatives des Etats-Unis de dévoyer le texte de Doha et restreindre ainsi l’accès aux soins et aux traitements pour les malades des pays pauvres.

Nous avons été pris de court. Le gouvernement a en effet utilisé la technique du « cavalier » pour faire voter très rapidement un article sur l’AME dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Le zap du ministère de la Santé le 19 décembre n’a pas suffi à faire sortir Jean-François Mattéi de son silence. Le Parti Socialiste, seule formation à disposer d’un groupe parlementaire suffisant pour saisir le Conseil Constitutionnel et contester les nouvelles dispositions au nom de l’égalité des soins, s’y est refusé malgré un lobby interassociatif incessant et un zap rue de Solférino le 31 décembre.

Une telle mesure est dictée par un principe d’économie particulièrement obscène puisqu’il s’agit de faire des économies sur les plus pauvres (l’AME est accordée sous plafond de ressources). L’aide médicale d’Etat couvrait jusqu’alors un « panier de soins » limité mais entièrement pris en charge. Un « ticket modérateur » ou le forfait hospitalier resteront désormais à la charge du malade. Or, cette participation financière auprès du médecin généraliste, du pharmacien et dans les hôpitaux peut atteindre des montants considérables même pour des pathologies bénignes. La « dispense d’avance des frais » se voit également supprimée. Le dispositif général est rendu plus complexe. Il en résultera donc très concrètement un renoncement plus fréquent aux soins.

Dans ce contexte, les arguments utilisés par Alain Lambert, le ministre du Budget, sont abjects : prétendre « responsabiliser les sans-papiers dans leur consommation de soins » quand les seuls « excès » de dépenses résultent de leur éloignement des soins et de la dégradation avancée de leur santé lorsqu’ils sont pris en charge médicalement ; évoquer comme unique financement de l’AME la « générosité des français », quand les sans-papiers contribuent à la richesse nationale sans bénéficier en retour d’aucune prestation sociale ; feindre de croire que les sans-papiers bénéficieraient d’avantages que leur envieraient les assurés de nationalité française (« La France est attachée au principe d’égalité et cet article traite tout le monde de la même manière selon le droit commun, pour éviter que nos compatriotes n’aient la tentation de se faire passer pour des étrangers en situation irrégulière ») quand les quatre millions d’assurés sous le plafond de ressources de la CMU ont un « ticket modérateur » totalement pris en charge. Tenus lors de la discussion au Sénat le 16 décembre 2002, ces propos font d’Alain Lambert un ennemi et une cible pour Act Up.

La conférence de Doha en novembre 2001 avait fixé un délai d’un an à l’OMC pour apporter une solution à la situation des pays sans capacité de production pharmaceutique, confrontés à une situation d’urgence sanitaire. Ne pouvant produire eux-mêmes des copies de médicaments, ils devaient être autorisés à en importer dans un cadre fixé par l’OMC. La pression des Etats-Unis est allée pendant les négociations dans le sens d’une double réduction de l’accès aux médicaments : tout d’abord en limitant la portée de ce droit à trois maladies (le sida, la tuberculose, la malaria) à l’exclusion des médicaments essentiels et de traitements exigés par toute autre urgence sanitaire ; en limitant ensuite le nombre de pays bénéficiaires aux plus pauvres parmi les plus pauvres. Cette double restriction de l’accès aux médicaments n’a aucun sens en terme de santé publique et de lutte contre le sida, elle ne vise qu’à protéger les intérêts des grands groupes pharmaceutiques. Les négociations n’ont donc pas abouti. Les pays pauvres n’ont pas emporté une manche en résistant aux multiples pressions exercées pour signer un texte annulant les avancées de Doha. Mais il y a urgence aujourd’hui, alors que l’épidémie explose, à permettre à ces pays d’y faire face.

Je nous souhaite pour cette nouvelle année une vie merveilleuse et beaucoup d’ardeur.