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La précarité tue

mars 2007

Ces dernières années, les progrès thérapeutiques ont considérablement accru l’espérance de vie de nombreuSESx malades du sida. Pour autant, la précarité dans laquelle sont plongéEs de nombreuSESx malades anéantit la plupart des avancées réalisées sur le terrain médical. Alors que l’épidémie de sida concerne souvent des populations particulièrement précaires, la séropositivité et la durée de la maladie sont directement associées à une forte dégradation de la situation sociale des malades.

Aucune autre pathologie grave n’est autant associée à une forte dégradation des conditions de vie affectives et sociales. La découverte de la séropositivité s’accompagne souvent d’une perte d’emploi et la maladie contraint dans bien des cas à l’arrêt de l’activité professionnelle. Aujourd’hui en France, la moitié des personnes séropositives est inactive : une grande partie d’entre elles est au RMI et 25 % des séropositifVEs n’ont qu’une prestation d’invalidité pour survivre. Cette proportion passe à 46 % chez les personnes diagnostiquées avant 1987.

La reconnaissance d’une invalidité ouvre le droit à des prestations qui se répartissent entre la pension d’invalidité de la sécurité sociale (31 % des personnes en invalidité) et l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) (69 %). Seulement 17 % des personnes séropositives en invalidité sont en mesure de maintenir une activité professionnelle. La plupart des séropositifVEs ne dispose donc que du montant des prestations sociales pour vivre.

Or, dans le meilleur des cas, une pension d’invalidité s’élève à 50 % du salaire moyen des dix meilleures années de cotisation, ce qui représente une très nette diminution des ressources des personnes frappées par la maladie. Le plus souvent, ces personnes n’ont pour seul revenu que l’AAH ; c’est-à-dire 610,23 ê qui sont censés suffire pour se loger, se soigner et éventuellement s’alimenter.

Le nombre élevé de personnes séropositives soumises au régime de l’AAH s’explique largement par le fait que l’infection à VIH/sida concerne souvent une population jeune, qui ne dispose pas des annuités de cotisations nécessaires pour pouvoir bénéficier d’une pension d’invalidité à un niveau supérieur au montant de l’AAH. Aujourd’hui, dans un contexte de forte banalisation de la maladie, l’accès même à ce minimum social est contesté aux séropositifVEs.

Compte tenu de leurs faibles revenus, de très nombreuses personnes touchées par le VIH se trouvent dans une situation extrêmement difficile quant au logement. La moitié des séropositifVEs vit en Ile-de-France. Il est clair que la situation particulièrement tendue de l’accès au logement en région parisienne a des effets catastrophiques sur la vie des plus démuniEs d’entre nous. Les séropositifVEs sont fréquemment dans l’incapacité de trouver un logement de droit privé qui soit abordable parce qu’ils et elles vivent de minima sociaux. Cette situation les contraint à s’endetter ou conduit à leur expulsion sans autre alternative que la rue. Aujourd’hui 15 % des séropositifVEs sont ainsi dépourvuEs de logement.

Il est par conséquent indispensable de mettre en œuvre aujourd’hui, les mesures nécessaires afin d’assurer aux malades des conditions de vie décentes qui leur permettent de se nourrir et de se loger pour pouvoir se soigner.

Pour cela, il est urgent : qu’intervienne une reconnaissance pleine et entière du handicap dans les plus brefs délais ; que les séropositifVEs se voient reconnaître une priorité dans l’attribution des logements sociaux ; que cessent les discriminations qui frappent les séropositifVEs dans leur vie quotidienne, professionnelle et affective.

Une reconnaissance pleine et entière du handicap

 Cela implique au premier chef de réformer la loi sur le handicap de 2005 en prenant en compte la situation vécue par les malades atteintEs de pathologies lourdes. Les dispositions qui régissent aujourd’hui la reconnaissance du handicap sont inadaptées pour pathologies lourdes, incurables et à diagnostic imprévisible (absence de prise en compte des effets secondaires, méconnaissance de la pathologie, restrictions qui interdisent l’accès au complément de ressources, etc.). Alors que leur état de santé le justifie amplement, de plus en plus de malades se voient arbitrairement refusé le bénéfice de l’AAH et sont contraintEs de vivre avec le RMI.

 Il faut aussi garantir la reconnaissance du handicap pour les malades qui s’engagent dans un projet d’insertion professionnelle et lutter contre la discrimination à l’embauche des personnes vivant avec le VIH. Dès lors qu’unE malade atteintE d’un handicap souhaite travailler, l’évaluation de son handicap est remise en cause et il ou elle perd le bénéfice de la compensation dudit handicap. Dans ces conditions, s’engager dans un projet professionnel fragilise les malades qui risquent de se retrouver au RMI en cas d’échec alors même que les discriminations à l’emploi restent fortes.

 Enfin, il est nécessaire de revaloriser l’AAH au niveau du SMIC. Le niveau actuel de l’AAH - faut-il le rappeler- se situe en dessous du seuil de pauvreté. Les séropositifVEs sont le plus souvent excluEs indûment du bénéfice du complément de ressources, réservé par une circulaire à des handicaps jugés quasi définitifs. Il est aussi impératif d’adapter la prestation de compensation à la situation des personnes vivant avec le VIH pour permettre la prise en charge de l’aide ménagèrE ou de la présence d’une tierce personne.

 L’effet de seuil qui empêche les personnes handicapées d’accéder gratuitement à la Couverture maladie Universelle complémentaire doit être corrigé.

Un droit prioritaire au logement

 Il faut garantir la reconnaissance du caractère d’urgence et de priorité pour les personnes séropositives dans l’attribution des logements sociaux. La grande précarité de nombreuSESx malades et le montant trop faible des prestations du handicap exigent que cette accession au logement soit facilitée. Cette évolution n’est possible qu’en augmentant le nombre de logements sociaux accessibles aux revenus les plus modestes.

 Des solutions d’urgence adaptées et débouchant sur un logement social de droit commun doivent être mises en place et étendues pour éviter que des malades se retrouvent à la rue. C’est d’autant plus intolérable qu’une telle situation est incompatible avec la possibilité de se soigner.

 De plus, il faudrait que les séropositifVEs soient inexpulsables aussi longtemps qu’aucune proposition de relogement décent adapté à leurs ressources ne leur soit faite.

 Enfin il est indispensable d’augmenter considérablement le nombre d’appartements de coordination thérapeutique (ACT). Ce dispositif, créé dans un cadre expérimental par les associations de lutte contre le sida en 1994, est ouvert à l’ensemble des pathologies depuis 2002. Chaque année, plus de 5 200 demandes sont déposées pour 405 admissions. Avec moins de 900 places prévues pour 2007, le nombre d’ACT est nettement insuffisant pour répondre aux besoins des séropositifVEs et, au-delà, aux autres pathologies. Compte tenu de la saturation du logement social, 12 % des malades sont hébergéEs dans des structures provisoires et 8 % n’ont pas de domicile connu à la sortie des ACT. Ainsi l’engorgement des structures ne permet pas à de nombreuSESx séropositifVEs de disposer d’un hébergement adapté à leur état de santé.

Une enquête de Sida Info Service, menée en 2005, témoigne encore de nombreuses exclusions frappant les séropositifVEs, que ce soit dans le monde du travail, dans le domaine de la santé ou bien face aux assurances ou aux banques. Cette réalité est documentée. Pourtant les pouvoirs publics n’ont pris aucune mesure pour améliorer cette situation.

La fin des discriminations

Pour commencer à remédier à cette situation qui affecte la vie quotidienne des personnes vivant avec le VIH, il faut :

 garantir l’accès à l’assurance pour les personnes présentant un risque aggravé de santé en l’inscrivant dans une loi qui s’impose aux assurances, aux banques et autres organismes de crédit. Depuis une modification du code civil introduite en 1995, les assurances ont la possibilité légale d’opérer une discrimination vis-à-vis des personnes en fonction de leur état de santé. L’accès à l’assurance pour les personnes séropositives dépend d’un régime conventionnel (« convention Bellorgey », puis AREAS) qui n’a jamais été respecté par les organismes de crédit. Une véritable solidarité entre les assuréEs doit être établie afin de permettre un accès au crédit sans discrimination fondée sur l’état de santé des postulantEs ;

 inverser la charge de la preuve pour la reconnaissance des discriminations dans le domaine de l’emploi : les personnes victimes de semblables discriminations rencontrent pour l’instant les pires difficultés à les faire reconnaître. Nous voulons que se développent des campagnes de lutte contre les discriminations et des actions volontaristes pour favoriser l’emploi des minorités. L’Etat pourrait lui-même commencer à donner l’exemple en appliquant la loi sur l‘emploi des personnes handicapées dans la fonction publique ;

 mettre en place des contrats de travail autres que précaires pour les handicapéEs, des contrats qui offrent de véritables perspectives, par exemple des contrats à durée indéterminée ou des contrats incluant une formation obligatoire.