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Edito

lundi 30 octobre 2006

La seizième conférence mondiale sur le sida a dépassé toutes celles qui se sont déroulées jusque là, en nombre de participants tout au moins. Les personnes présentes issues des pays du Sud semblaient être plus nombreuses, illustrant ainsi mieux la situation actuelle de l’épidémie. La rencontre a été intense. Retrouver, là comme jamais, le monde entier en lutte contre le sida est à la fois efficace pour relancer les dossiers qui n’avancent pas, rencontrer enfin celles et ceux avec qui on échange depuis si longtemps sans les connaître, trouver des idées nouvelles ou démarrer des projets avec de nouveaux interlocuteurs et interlocutrices. Et plus que jamais la planète entière était au rendez-vous de Toronto.

Mais alors, le monde entier se mobiliserait enfin contre le sida ? Douce illusion que de croire que vingt mille personnes engagées à tous les niveaux, recherche, médecine, travail social, activisme, et les personnes atteintes vont faire basculer la planète. L’engagement politique, voilà ce qui manque une fois de plus à ce grand rendez-vous. Ni les incantations du comité d’organisation, ni les beaux discours des deux Bill, Clinton et Gates, ne seront capables de changer la décision du congrès et de l’actuel président américain de ne soutenir que les politiques de prévention puritaines basées sur l’abstinence. Pas plus n’influenceront-elles le président Poutine afin qu’il change la politique de lutte contre la drogue en Russie afin d’adopter les mesures de réduction des risques dans une région du monde où 80 % de la population séropositive a été contaminée par usage de drogue.
Tous les discours de Toronto ne feront pas frémir non plus un seul sourcil de tous les dirigeants politiques de ces pays qui continuent de criminaliser l’homosexualité ou qui veulent criminaliser la transmission du VIH. Rien ne changera en matière de droit de circulation pour les séropositifs. Et ce, bien que les chercheurs aient accumulé avec acharnement les preuves de l’efficacité de ces approches en matière de prévention. Des sommes vertigineuses sont en jeu, mais avec quels contrôles (médical et législatif) et pour quels résultats (bénéfices et risques) ? Alors nous continuerons encore à nous battre pour gagner chaque contamination évitée en contournant les innombrables obstacles que nos dirigeants dressent devant nous par pure couardise, caressant dans le sens du poil leurs appuis les plus conservateurs, nous combattrons ceux qui s’intéressent au sida parce qu’il est source de profit, parce qu’il induit la peur, parce qu’il atteint en premier les faibles et les marginaux.

La seizième conférence mondiale ne changera pas le cours de l’histoire, sauf à considérer son aspect planétaire : rassembler autant d’énergies du monde entier pour arriver à des conclusions qui montrent le besoin impérieux de faire respecter les droits de l’homme comme solution essentielle au sida, cela constitue une raison d’espérer. De plus, l’incroyable diversité des cultures représentées donne toute sa valeur à ces conclusions. Bon, c’est merveilleux d’en arriver là au bout de vingt cinq ans, il ne reste plus qu’à transformer l’essai. Faudra-t-il cependant encore attendre vingt cinq ans pour y parvenir ?