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Premier décembre à la maison d’arrêt de Nanterre

février 2000

Dans le cadre de la journée mondiale de lutte contre le sida, la commission Prison d’Act Up-Paris a été invitée par le SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation) de Nanterre. La Maison d’arrêt de Nanterre, qui abrite environ 500 détenus, est une prison de type « 13 000 », où seuls le greffe et la sécurité sont assurés par l’Etat. Nous avons accepté de nous y rendre - bien que nous n’ayons pas vocation à intervenir en détention - à condition de disposer d’une liberté totale de parole avec les détenus.

Trois autres association étaient également présentes - Aides 92, le CRIPS et une association d’autosupport d’usagers de drogues - et accueillies par M. Piney, directeur adjoint de la maison d’arrêt et Mme Gauthier, adjointe au SPIP. Chaque association disposait d’une salle dans les locaux des services sociaux.

Une centaine de détenus s’était inscrite pour participer à cette journée. Ils devaient descendre de leurs cellules par groupe de vingt. Les premiers détenus sont arrivés vers 9 heures. Ils n’étaient que huit ou neuf, tout comme les autres groupes qui suivirent. Interrogés sur ces défections, M. Piney et Mme Gauthier nous ont répondu que « certains détenus (avaient) oublié », qu’ils préféraient « ne pas perdre une journée de travail », ou encore qu’ils avaient « reçu des pressions » et été soumis à des questions comme « Pourquoi tu vas à la journée sida ? » ou « Pourquoi, t’as un problèmes avec le sida ? ». « Certains (auraient) eu peur d’être stigmatisés ». Des explications un peu difficiles à avaler.

Ceci dit, nous avons pu dialoguer librement avec les détenus présents, et ce dans la plus strictes confidentialités. Les gardiens faisaient leurs rondes, mais les détenus pouvaient circuler de salle en salle pendant une heure sans aucun souci puisque les portes étaient laissées ouvertes.

Certains étaient particulièrement motivés par cette rencontre et avaient préparé leurs questions. S’autres semblaient être un peu là par hasard, venus par obligation ou pour rompre la monotonie quotidienne : « M. Piney est venu me réveiller, j’ai signé la feuille et je suis descendu ».

Là comme ailleurs, nous avons répondu à toutes sortes de questions. Certains élémentaire : « Si je bois dans le verre de quelqu’un qui a le sida, est-ce que je peux être contaminé ? » D’autres plus précises : « J’ai l’hépatite C, si je jouis dans le vagin de ma femme, est-ce que je la contamine ? », « Que fait Act Up pour les pays du Sud, en Afrique ? » Ou encore des questions sur la substitution et les échanges de seringues. Nous avons constaté une réelle demande d’information pour la majeure partie des détenus.

Au-delà de ces questions, nous avons également ressenti le besoin de certains détenus de parler librement de leur homosexualité - pas seulement dans le cadre d’une journée annuelle sur le sida. Ainsi, ce témoignage : « Je suis homo détenu. Je suis correctement suivi et soigné, j’ai droit aux douches médicales sans problèmes. Mais je ne peux jamais évoquer mon homosexualité car je ne veux pas être stigmatisé. Si cela se sait, l’administration pénitentiaire, pensant me protéger, me mettra à l’isolement et je n’aurais plus les mêmes conditions de détention »].

Preuve que les médias sont attentivement suivis en prison, nous avons répondu à de nombreuses questions sur notre mot d’ordre de premier décembre « guerre aux labos » ainsi que sur notre présidente et, plus largement, sur Act Up.

Au total, nous avons rencontré 20 à 25 détenus.

Vers 17 heures, le directeur de la prison, M. Rouquette, à clôturé ce forum. Interrogé au sujet de l’homosexualité en prison, il nous a répondu : « on peut vivre son homosexualité sans trop de problèmes en détention », ce qui ne correspond pas vraiment au vécu des détenus...

Dans le milieu carcéral, le taux de prévalence de la séropositivité est deux fois plus élevé que dans la population générale. L’administration ignore cependant la nécessité de faire de la prévention. Elle laisse à l’initiative des services sociaux qui le souhaitent, le soi de combler cette carence en s’appuyant sur les compétences des associations.

L’Administration ne répond pas à la demande d’information des détenus. Elle refuse de prendre en compte l’état de santé des personnes, ainsi que leur mode de vie. C’est pourquoi, nous exigeons de l’Administration pénitentiaire, du ministère de la Santé et des services sociaux et médicaux des prisons :
 qu’ils prévoient l’information des détenus en matière de santé et de droits ;
 que la question de l’homosexualité en détention soit enfin abordé, afin de permettre l’amélioration de la qualité de vie des détenus et de limiter la stigmatisation des prisonniers malades, usagers de drogues ou homosexuels.