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Edito

Séropos : la France vous préfère morts

juin 1997, par Act Up-Paris

Cette année, le slogan d’appel à la manifestation du 1er décembre nous rappelle que le sida n’est pas une maladie chronique. Malgré les progrès dans la prise en charge des malades, cette épidémie est toujours hors de contrôle. L’inertie et la négligence criminelle restent à l’ordre du jour.

Africains, asiatiques, la France vous préfère morts.

Le 1er décembre 1994, lors du Sommet de Paris sur le sida, Edouard Balladur s’était engagé au nom de la France à débloquer une aide exceptionnelle de 100 millions de francs. Cet argent devait servir d’une part à renforcer l’aide bilatérale de la France auprès de certains pays africains et asiatiques, d’autre part à financer le nouveau programme des Nations Unies contre le sida. Un an après, nous apprenons que cette somme ne sera jamais débloquée. La France trahit les sidéens du tiers-monde.

Toxicomanes, la France vous préfère morts.

Il n’y a toujours qu’un seul distributeur de seringues à Paris ; le second va être installé cette année. Le gouvernement actuel prône la répression. Toute discussion sur la dépénalisation des drogues est aujourd’hui rejetée.

Prisonniers, la France vous préfère morts.

Des centaines de prisonniers atteints de pathologies graves, dont le sida, croupissent dans les prisons et ne sont libérés que quelques jours avant leur mort. Jacques Toubon considère que le système d’attribution des grâces médicales fonctionne alors qu’elles ne sont attribuées qu’au compte-goutte, sous la pression des associations ou de groupes de détenus. Les conventions prison-hôpital qui doivent enfin permettre aux prisonniers d’accéder à des services de santé normaux ne sont signées que très lentement.

Femmes, la France vous préfère mortes.

Alors que bientôt la moitié des personnes atteintes dans le monde seront des femmes, aucune prévention spécifiques n’est mises en place pour les femmes : rien n’est fait pour combattre les discriminations sexistes qui accentuent la vulnérabilité des femmes.

Pédés, la France vous préfère morts.

Alors que plus de 15 000 pédés sont déjà morts du sida et que la communauté homosexuelle continue de payer le plus lourd tribut à l’épidémie, les gouvernements se refusent à promouvoir la reconnaissance sociale de l’homosexualité pourtant nécessaire à toute vraie politique de prévention.

Goudous, la France vous préfère mortes.

Aucune étude sérieuse n’a encore évalué le risque de contamination lors de rapports sexuels entre femmes et les lesbiennes sont toujours oubliées dans les campagnes de prévention.

Jeunes, la France vous préfère morts.

Aucune réelle politique d’information et de prévention n’a été mise en place par le gouvernement dans les collèges et lycées, ni à l’intention de tous les jeunes qui ne sont pas scolarisés.

Etrangers, la France vous préfère morts.

Jean-Louis Debré multiplie les expulsions d’étrangers et ne tient pas compte de leur état de santé. Des étrangers atteints de pathologie grave sont renvoyés dans leur pays d’origine où les attend, faute de soins, une mort certaine.

Manifester le 1er décembre, c’est refuser le fatalisme ambiant et lancer ce message au gouvernement, aux laboratoires pharmaceutiques, à l’Eglise, aux élus, à tous ceux qui refusent de faire du sida une priorité de santé publique : « même si nombre de militants sont morts cette année, nous ne sommes pas encore tous morts. Nous continuerons de nous battre. Nous avons envie de vivre ».

Depuis un an, nous avons obtenu l’accélération des procédures d’obtention de l’Allocation Adulte Handicapée (AAH), des logements pour des malades, le maintien de lits d’hôpital à Paris, la mise en place du premier distributeur de seringues à Paris, la rénovation du service de radiothérapie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Nous luttons pour que les conventions prison-hôpital soient signées, nous avons empêché l’expulsion de malades étrangers, réalisé des clips de prévention, fait pression sur les laboratoires Glaxo pour permettre l’accès à un nouvel antiviral, rencontré des assureurs pour qu’ils mettent fin à la discrimination dont sont victimes les séropositifs et les personnes atteintes de pathologies graves dans l’accès aux assurances, etc., etc., etc.

La politique menée par Elisabeth Hubert en matière de santé a été l’une des pires que la France ait connue depuis le début de l’épidémie. La nomination d’Hervé Gaymard, le 7 novembre, ne nous rassure pas : outre la personne, c’est la transformation du ministère de la Santé et de la Sécurité Sociale en un simple secrétariat d’Etat rattaché au ministère du Travail et des Affaires Sociales qui nous fait douter de la volonté du gouvernement de mener une véritable politique de santé publique. Nous sommes plus que jamais déterminés à poursuivre notre lutte.

Le 1er décembre, rejoignez-nous.