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Piste

Acide Valproïque

mardi 11 juillet 2006

Si l’idée d’éradiquer le virus de l’organisme a longtemps motivé les équipes de recherche, cet espoir est quelque peu tombé après les premiers résultats d’essais. Cependant, aujourd’hui une nouvelle piste semble prometteuse.

Peu de temps après l’avènement des multithérapies, plusieurs groupes de recherche ont montré que le virus persiste sous forme latente à l’intérieur des lymphocytes CD4 mémoire spécifiques d’un antigène (d’un microbe, d’un virus, etc.) précédemment rencontré et ceci même après une période prolongée de virémie indétectable. Certains lymphocytes CD4 peuvent être infectés par le VIH et survivre suffisamment longtemps après activation pour « se mettre en sommeil », se transformant ainsi en cellule mémoire caractérisée par une durée de vie considérablement allongée. A l’intérieur de ces CD4, la production de virions cesse, mais le VIH persiste de façon latente car il est intégré sous forme de double brin d’ADN au génome, c’est à dire à l’ADN de la cellule. En plus de ces réservoirs, un petit nombre de particules virales (ADN proviral), contenant l’ARN viral cette fois, persiste aussi dans la circulation sanguine de la personne sous HAART.

Chez les personnes dont la charge virale est indétectable, une virémie peut quand même être mesurée à l’aide de tests ultra sensibles, qui attestent alors d’une production continue de virus provenant peut-être des réservoirs, et en particulier des CD4 mémoire. Cette situation a conduit nombre de chercheurs à penser que l’éradication du VIH n’était possible qu’en purgeant les réservoirs du virus. Malgré un certain pessimisme ambiant, certains chercheurs n’ont pas hésité à s’attaquer directement au problème des réservoirs viraux. C’est le cas d’une équipe de l’Université du Texas (Southwestern Medical Center) à Dallas qui a présenté une petite étude portant sur 4 personnes sous HAART, présentant une charge virale indétectable (inférieure à 50 copies/mL). Elle a montré que l’adjonction d’enfuvirtide (Fuzéon®) durant 4 à 6 semaines, suivie d’injections d’acide valproïque pendant 12 semaines, permettait, chez 3 d’entre eux, une réduction moyenne de 75 % de la proportion de lymphocytes CD4 mémoire infectés par le VIH.

Une nouvelle étude

Afin de confirmer ce résultat encourageant, mais observé sur un très petit nombre de personnes, un essai de phase II vient de débuter. Il précisera sans doute si le résultat obtenu est le seul fait de l’acide valproïque, de l’enfuvirtide ou de l’action simultanée des deux molécules. Cet essai se déroule au McGill University Health Center de Montréal et concerne 50 personnes ayant une charge virale inférieure à 50 copies/mL depuis au moins 12 mois et un taux de CD4 circulants supérieur à 300 cellules/mL. Répartis au hasard en deux groupes, les participants recevront l’acide valproïque soit dès le début de l’essai (groupe 1 : de la 1ère à la 16ème semaine), soit à partir de la semaine 17 (groupe 2 : de la 17ème à la 32ème semaine). L’objectif principal est d’étudier l’impact de l’acide valproïque sur les réservoirs du VIH en mesurant le nombre de CD4 mémoire transportant l’ADN pro viral du VIH dans le sang. L’objectif secondaire portera sur la tolérance clinique et biologique de l’acide valproïque et sur les changements éventuels au niveau du rapport CD4/CD8. La fin de l’essai est prévue pour décembre 2007.

Il est bien sûr prématuré de nourrir l’espoir d’une éradication par cette seule approche et du reste, il importe d’être prudent. L’acide valproïque agit en inhibant certaines enzymes, les histones, dont le rôle est de participer à la répression de l’expression des gènes, en particulier ceux de l’ADN pro viral du VIH intégré au génome des lymphocytes CD4 mémoire. Cependant, le mécanisme de latence du VIH, bien qu’imparfaitement connu, dépend probablement de plusieurs facteurs. La seule action de l’acide valproïque pourrait donc être insuffisante pour purger l’organisme des lymphocytes mémoire infectés par le VIH. Et puis les lymphocytes CD4 ne constituent peut-être pas le seul réservoir cellulaire du VIH.

La recherche de stratégie visant à éliminer les réservoirs viraux est essentielle et même si, dans l’immédiat, espérer la guérison est prématuré, comprendre les mécanismes qui sous-tendent la constitution des réservoirs viraux peut contribuer à faire évoluer la prise en charge de l’infection par le VIH. C’est avec un sentiment de soulagement que l’on entend à nouveau parler de l’acide valproïque dans la sphère du VIH, car il était difficile d’imaginer que cette petite molécule cousine de l’acide acétique*, constituant principal du... vinaigre, puisse, tout juste un an après sa publication initiale dans la prestigieuse revue médicale The Lancet, être la vedette d’un essai clinique de phase II.

Pour mieux comprendre

 Lymphocytes : type de globules blancs, de petite taille, à un seul noyau, produits par les tissus lymphatiques et spécialisés dans la défense immunitaire de l’organisme. Il existe deux sortes de lymphocytes, les lymphocytes T responsables de l’immunité cellulaire (réponse des cellules aux antigènes) et les lymphocytes B, qui, eux, sont essentiellement producteurs d’anticorps, donc associés à l’immunité humorale (déclenchement des sécrétions des différentes cytokines). L’ensemble des lymphocytes T CD4 est constitué de cellules naïves et de cellules mémoires.

 Lymphocytes naïfs : ce sont des cellules qui n’ont pas encore rencontré l’antigène qui les infectera. Elles deviendront alors des cellules actives qui se multiplient rapidement, produisant une réaction immunitaire spécifique contre l’antigène rencontré. Lorsque l’antigène disparaît, par destruction de celui-ci, les CD4 actifs meurent et seul un petit nombre, devenu inactif subsistera pour constituer les CD4 mémoires. Ceux-ci ont la particularité de réagir plus vite et plus efficacement au moment d’une nouvelle rencontre avec le même antigène.

 Lymphocytes mémoires : une fois infectés, ils peuvent constituer une réserve de cellules capables de produire du VIH (qu’elles ont intégré dans leur génome) en cas de réactivation. Elles constituent ce qu’on appelle un réservoir. En présence d’un traitement antirétroviral actif, leur nombre ne diminue que très lentement, d’où la persistance de l’infection au cours du temps.

 Lymphocytes T : ce sont des cellules de l’immunité qui ont subi une maturation au niveau d’une glande, le thymus, d’où leur appellation. Il en existe deux types : les lymphocytes T CD4 sont les coordinateurs des différentes réactions immunitaires, ils sont la cible principale du VIH qui les détruit. Les lymphocytes T CD8 agissent en éliminant les cellules malades (cellules infectées, tumorales, etc.).

 CD4 : protéine de surface, caractéristique de certaines cellules sanguines, tels que les macrophages et surtout les lymphocytes T CD4+, lesquels ont un rôle important dans le fonctionnement du système immunitaire. Cette protéine est le récepteur pour lequel le vih a le plus d’affinité au moment de la pénétration dans la cellule hôte. On emploie les termes CD4, lymphocytes CD4 ou lymphocytes T4 pour désigner les lymphocytes T CD4+.

 CD8 : protéine de surface, caractéristique des lymphocytes T CD8+ souvent appelés aussi lymphocytes T8 ou lymphocytes CD8.