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Lobby trans & Parti Socialiste

Retour sur quelques mois de lobby sur le principal parti de l’opposition.

Leçon d’activisme en 4 rounds

mercredi 10 mai 2006

Alors qu’en France il n’existe toujours aucune étude épidémiologique ou campagne de prévention ciblée à destination des trans, toujours considéréEs comme des malades mentauxLES, le gouvernement de Zapatero en Espagne, et le précédent gouvernement de Schroeder en Allemagne, ont su faire avancer leur législation. Pourquoi le PS français se montre-t-il incapable de comprendre la réalité des problématiques trans ?

ROUND 1 - Hazan & Vauglin : l’incompétence au service de l’inaction.

Le 28 août dernier, quatre militantEs de la commission trans d’Act Up-Paris sont reçuEs dans les locaux du Parti Socialiste, rue de Solférino, par Adeline Hazan, secrétaire nationale chargée des droits de l’Homme, Nicolas Marandon, son assistant, et François Vauglin, chargé des questions LGBT. Une grande partie du rendez-vous fut consacrée aux revendications des personnes transsexuelles et transgenres, domaine dans lequel Adeline Hazan ne cache ni son ignorance ni son incompétence. Dans un souci de transmission d’expertise et de pédagogie, Act Up-Paris accorde un délai à la secrétaire nationale pour que celle-ci se réapproprie ces questions. Concernant la question de la dépsychiatrisation, Adeline Hazan qui semble découvrir cette notion (pourtant appliquée aux homosexuelLEs jusqu’à récemment) s’engage à travailler sur le dossier et à nous donner une réponse concrète sur la position que prendrait le parti après le congrès du Mans en novembre. Concernant la question du changement d’état civil pour les transgenres, Adeline Hazan refuse de prendre position en arguant du fait que cette facilitation de la procédure pourrait, par exemple, servir à des malfrats en cavale pour échapper aux autorités...

ROUND 2 - Réponse par le silence.

Mi-janvier, nous n’avons toujours pas de nouvelles de nos interlocuteurRICEs du Parti Socialiste qui s’étaient pourtant engagéEs à revenir vers nous après le congrès du Mans. La commission trans d’Act Up-Paris relance Adeline Hazan et l’interroge sur les engagements que François Vauglin et elle avaient pris. Après plusieurs conversations téléphoniques avec Nicolas Marandon, il ne fut pas difficile de constater que le principal parti de l’opposition n’avait toujours aucune position claire sur la question, tout simplement parce qu’il n’avait même pas pris la peine d’y réfléchir. Début février, Nicolas Marandon, assistant d’Adeline Hazan, nous demandons si cette dernière a réfléchi aux questions sur lesquelles elle s’était engagée à travailler en août ; celui-ci nous répond sans hésiter que non.

ROUND 3 - « Zap malfratE » : des promesses & des coups.

Le 14 février 2006, une quinzaine de militantEs d’Act Up-Paris et du Groupe Activiste Trans s’invitent dans les locaux du Parti Socialiste et occupent le 3ème étage du bâtiment pendant près de deux heures. L’accueil qui leur est réservé est extrêmement violent, les coups distribués par un membre du service d’ordre sont réservés à une militante tandis qu’une autre se fait frapper au sol par un salarié du PS. Elle restera sonnée pendant plusieurs minutes.

Devant l’agressivité, l’ignorance et l’incompréhension de nos interlocuteurRICEs, nous exigeons de parler à quelqu’unE de compétentE et non à une transphobe comme Adeline Hazan. L’assistant de François Hollande, dépêché en urgence au 3ème étage, nous garantit « qu’il n’y a personne transphobe au PS ».

Si la réflexion faite quelques minutes auparavant par un membre du service d’ordre s’adressant à une militante transgenre : « vous n’avez pas le droit de rentrer ici, ainsi déguisée » n’est pas perçue comme transphobe, c’est qu’effectivement, il est temps que le Parti Socialiste se saisisse de l’expertise que nous lui tendons, pour comprendre ce que sont les discriminations transphobes : la transphobie ce n’est pas seulement insulter, ridiculiser ou tourner en dérision unE trans en raison de son identité de genre, c’est aussi ignorer les problématiques que soulève l’ensemble d’une communauté privée des droits les plus élémentaires. Comment faire de la prévention contre le VIH, par exemple, dans une communauté psychiatrisée ? C’est cette même psychiatrisation qui empêche que la transphobie soit prise en compte par la HALDE.

Au bout de deux heures, nous obtenons un rendez-vous 3 semaines plus tard avec François Hollande.

ROUND 4 - 1ère victoire pour la communauté trans.

Le 8 mars, quatre militantEs d’Act Up-Paris sont reçuEs au siège du PS par son premier secrétaire, François Hollande, Adeline Hazan, François Vauglin et Yves Chesnay (délégué national aux questions sida). François Hollande paraît ouvert aux revendications trans et s’engage à soutenir la mise en place d’études épidémiologiques qui permettraient de connaître le taux de séroprévalence de l’infection à VIH / sida au sein de la communauté trans ainsi que la mise en place de campagnes de prévention sida ciblées vers la communauté trans.

Sur la question de la dépsychiatrisation des questions trans, François Hollande prend position : il est pour la mise en place d’une ALD (affection longue durée permettant l’entrée dans le parcours de soins) « trans identité » non psychiatrique et d’une évaluation des pratiques médicales en place. En revanche, concernant la question du changement d’état civil pour les transgenres, le Parti socialiste estime avoir encore besoin de réfléchir à ces questions. Il ne se positionnera pas non plus sur l’accompagnement administratif qu’il y aurait autour : le numéro sur la carte vitale et sur la carte d’identité, le prénom d’usage et le numéro de sécurité sociale qui pourraient être modifiés au début de l’ALD.

Ces engagements du premier parti de gauche ne sont qu’une étape vers des droits pour la communauté trans. Mais cette prise de position est symboliquement forte pour les trans, dont les revendications sont, depuis bien trop longtemps, ignorées par l’ensemble de la classe politique. Nous continuerons à nous battre et à faire du lobby et de l’action publique sur l’ensemble des partis politiques pour qu’ils fassent évoluer la législation.

DERNIER ROUND ?

Act Up-Paris exige du PS qu’il tire les conséquences de la leçon et qu’il tienne ses promesses ;

 qu’il communique dans les plus brefs délais pour la dépsychiatrisation des questions trans ainsi que pour le changement d’état civil pour les personnes transgenres dès le début de l’ALD non psychiatrique ;
 qu’il ne s’encombre plus de personnes incompétentes et transphobes ;
 qu’il change de service de sécurité et fasse des excuses publiques aux activistes qui ont reçu des coups dans leurs locaux pour faire entendre l’urgence de leurs revendications ;

Act Up-Paris retient la leçon et notamment :

 qu’il faut toujours frapper deux fois à la porte pour être entendu par le PS ;
 que rien n’est jamais acquis avec le Parti Socialiste ;
 que notre définition du mot « promesse » est bien éloignée de la leur.


A l’heure où nous imprimons, nous avons reçu un courrier du premier secrétaire du Parti Socialiste confirmant l’ensemble des revendications sur lesquelles il s’était engagé le 8 mars dernier. Nous saurons le lui rappeler.