Accueil > Nos médias > Protocoles > édito

édito

vendredi 26 janvier 2001

Le 5 mars 2001, les activistes d’Afrique du Sud (Treatment Action Campaign) appellent à une journée mondiale de mobilisation contre les industriels pharmaceutiques. En effet, à cette date s’ouvre le procès intenté par une coalition de 40 laboratoires à l’Afrique du Sud pour avoir adopté une législation lui permettant d’appliquer les dispositions légales des accords de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) pour améliorer l’accès aux traitements dans le pays (les licences obligatoires).

Ce procès inique est symptomatique d’un rapport de force qui se joue des lois. Alors que les accords de l’OMC assurent depuis 1995 un monopole mondial de 20 ans aux industries pharmaceutiques, elles bafouent les rares garde-fous censés protéger la santé des populations contre la logique de profit des laboratoires. Pour l’heure, les principaux obstacles à l’accès aux traitements dans les pays du Sud se nomment Glaxo-Wellcome, Pfizer, BMS…

Il est devenu évident que les brèches des accords de l’OMC (en particulier les licences obligatoires) sont inexploitables en l’état actuel des rapports de force. Il est vain de demander leur application. Il faut exiger la révision des accords de l’OMC, remettre en question le monopole des grands laboratoires dans les pays du Sud, pour rendre possible la production de génériques, sans laquelle un large accès aux antirétroviraux (ARV) est inconcevable.

Au Sud, les lois servent uniquement les intérêts économiques des industries pharmaceutiques. Il nous faut au contraire une législation qui casse les brevets partout où ils tuent, autorise la production ou l’importation de copies et garantisse ainsi l’accès de tous aux médicaments.

Il est toujours difficile d’avoir un seul discours pour aborder ensemble les enjeux du Nord et du Sud, tant le fossé est criant. Et pourtant, le point d’achoppement est le même, à savoir le pouvoir absolu des laboratoires. Au Nord, depuis deux ans, nous luttons pour que ces laboratoires acceptent de mettre précocement les molécules en cours de développement à disposition des personnes en échappement thérapeutique. Par ailleurs, les effets secondaires ruinent la qualité de vie des malades, sans pour autant que les laboratoires s’engagent dans des essais de phase IV, sans qu’ils tentent d’améliorer leurs produits. La situation de monopole que leur confère les brevets leur épargne toute concurrence pendant 20 ans.

Nous avons tenté de les intimider, d’autres ont tenté de les apitoyer. Les pouvoirs publics comptaient sans doute sur les prix astronomiques consentis par la sécurité Sociale pour obtenir des contreparties d’entreprises qu’on aurait pu alors qualifier de « citoyennes ». En vain. Elles n’ont cédé que quand nos exigences rencontraient leurs impératifs commerciaux. Nous devons reconnaître que nous nous sommes trompés
Nous sommes des populations captives. Au Nord comme au Sud, captives du bon vouloir des laboratoires qui décident en toute impunité, en s’appuyant sur des lois, de la vie et de la mort de millions de personnes. Au Nord comme au Sud, c’est le pouvoir absolu des industries pharmaceutiques, soutenu par des lois (qui leur assurent un monopole) sans être bridé par aucune autre, qui freine l’accès aux traitements. Il ne faut pas espérer de leur part une attitude éthique, mais prendre les mesures coercitives qui s’imposent. Il ne s’agit pas de convaincre les laboratoires, mais de les contraindre. En réponse à cette demande du TRT-5, Dominique Gillot avouait le 23 janvier dernier son impuissance sans en interroger les causes. C’est aujourd’hui aux pouvoirs publics, tels l’ONUSIDA, l’OMS, de se doter de l’arsenal juridique ad hoc face aux laboratoires.