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Edito

mardi 1er mars 2005

En 2002, lors de la conférence européenne de consensus sur l’hépatite C, un acquis essentiel a été obtenu en termes d’accès aux soins des malades. Les usagerEs de drogues ont eu la possibilité d’accéder à un traitement malgré un usage de drogues actif, tout comme pour le VIH. Il serait assassin de remettre en cause cet acquis puisque nous savons que c’est l’accès aux soins des infections virales qui peut favoriser par la suite, une prise en charge des problèmes d’addiction, si nécessaire.

La lutte contre le sida a certainement métamorphosé plusieurs domaines de la médecine, de la santé publique et de la recherche. Un des grands espoirs pour les malades du sida, chez qui toutes les maladies ont une résonnance « particulière », était notamment celui de voir se créer un système de santé permettant de pouvoir décloisonner ces « spécialistes » et économiser ainsi des pertes de temps afin de pouvoir synchroniser leurs énergies. Quel utopie !

Si en effet, bon nombre de découvertes scientifiques, initialement liées au VIH, ont pu bouleverser d’autres domaines médicaux, il reste toutefois des spécialités qui expriment encore de fortes résistances à profiter de nos expériences et de nos outils. A force d’aveuglement sur le modèle de la compétition « à l’américaine », permanente et assassine, on finit par oublier à quel point cet état d’esprit entretient l’égocentrisme chez tant de « naïfs politiques ».

En effet, peu d’autres spécialistes ont vraiment compris que la majorité de ces outils essentiels dans la lutte contre le sida ont été bâtis, DANS et POUR l’urgence face à l’hécatombe, et que c’est bien là, leur réelle efficacité. Pourtant des médecins peu convaincuEs examinent-ils indépendamment chacune de ces découvertes : ils/elles préfèrent d’abord y chercher leurs éventuels avantages personnels, avant même d’essayer d’en comprendre les bénéfices potentiels. Ces outils font partie de tout un système qui a permis de révolutionner l’efficacité de la médecine, de dynamiser la recherche, de mobiliser des malades pour y participer, et réussir à trouver des fonds à y investir, tout cela face à une épidémie toujours dévastatrice.

Il ne s’agit pas non plus de donner blanc-seing aux infectiologues qui ont eux/elles aussi tôt fait de s’ennorgueillir de tels résultats, oubliant que cette fierté déplacée les rend à leur tour aveugles et sourdEs à d’excellentes propositions venant d’autres spécialistes, certainement plus humbles. Tout ceci est flagrant quand on travaille sur la co-infection VIH-hépatites. Comme son nom l’indique, il s’agit de trouver la synergie entre des infectiologues et des hépatologues, pour que la prise en charge du virus de l’un n’aggrave pas la prise en charge du virus de l’autre, et que les informations puissent circuler afin que les décisions soient partagées avec les personnes atteintes.
Après la première Conférence européenne de consensus sur la co-infection VIH-Hépatites, les 1er et 2 mars 2005, à Paris, nous attendons avec impatience la publication prochaine des recommandations médicales. Toutefois, nous avons été plus que surpriSEs de constater que les organisateurRICEs ont pris comme point de départ pour leur travail, la conférence de consensus américaine sur l’hépatite C du NIH en 2002, aux recommandations particulièrement répressives, ignorant l’équivalent européen de la même année, aux conclusions beaucoup plus avant-gardistes, humaines et sociales. Toutefois, nous comptons largement sur le travail des deux éminentEs responsables, les Drs Benhamou et Salmon-Cerron, pour veiller à ce que soit pris en compte le meilleur pointe des expériences pratiques du domaine, avec une haute exigence éthique et humaine.

A l’heure de l’arrivée prochaine des antiprotéases contre les hépatites virales, il ne faut pas que la prise en charge prétende, encore une fois, se satisfaire d’une simple « guerre aux virus », oubliant la personne vivante qui le porte, ses ressources et ses difficultés propres. La grande majorité des co-infectéEs ont été ou sont toujours des usagèrEs de drogues, plus ou moins précaires, devant consacrer une énergie colossale pour arriver à faire face à toutes les contraintes d’une prise en charge souvent inadaptée et contraignante, et qui ignore toujours nos capacités réelles. Des précurseurEs ont su prouver l’efficacité de nouveaux modes de prise en charge adaptés, qu’il est nécessaire de reconnaître et d’intégrer dans ces recommandations médicales et psycho-sociales sur la co-infection en 2005.