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New fill ou l’arlésienne

samedi 1er mai 2004

Depuis quelques années, le New Fill® nous tient en haleine. Les lenteurs de ce dossier en ont épuisé plus d’un, mais le travail des principales associations semble proche d’aboutir à un remboursement.

les lipodystrophies : qui est concerné ?

Les premiers résultats de l’étude de l’ANRS VESPA sur la "qualité de vie" viennent tout juste d’être publiés. Ces résultats portent sur près 3 000 personnes et nous éclairent sur les questions de la perception que l’on a de la modification de sa silhouette avec les traitements. Ainsi, 56% des personnes sous traitement jugent qu’une modification de silhouette est apparue, 8% des personnes sous traitement jugent que peut-être, leur silhouette s’est modifiée. La proportion est plus importante chez les femmes. Parmi elles, les femmes d’origine française seraient légèrement plus concernées que les autres (64 contre 61). Cet écart ne se retrouve pas chez les hommes.

Ces phénomènes apparaissent plus souvent chez les personnes diagnostiquées avant 96. Ce résultat est important car il pourrait confirmer que la responsabilité de certaines molécules est mieux connue aujourd’hui donc mieux anticipée. D’une façon générale, les inhibiteurs de protéase seraient davantage responsables de la prise de graisse (ventre, nuque, seins, etc.), les analogues nucléosidiques seraient davantage responsables de la fonte des graisses (visage, membres, fesses). Vespa nous confirme aussi que la durée du traitement peut jouer sur la survenue de ces troubles. Enfin de récentes études semblent prouver que si à un moment donné l’immunité a été très affaiblie (chute du nombre de CD4) le risque de lipodystrophie en est accru : on parle de nadir (seuil le plus bas des CD4). L’importance de ce nadir sur beaucoup de plans confirme la nécessité d’un dépistage et d’un suivi optimum.

Ces études sont essentielles car elles permettent de mieux connaître les raisons de cette modification de la répartition des graisses qui ont tant d’impact sur nos vies. Il a été frappant au cours de l’atelier "effets indésirables des traitements" des Etats généraux Femmes et sida de constater la part que prenait ce sujet dans les nombreux témoignages de femmes vivant avec le VIH.

Beaucoup de choses restent à découvrir dans ce domaine. Avec le même traitement, les corps de deux personnes vont réagir différemment.

peut-on prévenir les lipodystrophies ?

La pratique régulière d’un sport d’endurance (aérobic, vélo, natation, etc.) était relativement bien décrite dans le traitement de l’obésité et de certaines maladies cardio-vasculaires. Les lipodystrophies sont des troubles du métabolisme, il est donc envisageable que la pratique régulière d’un sport puisse prévenir au moins en partie ces troubles. De nombreux médecins ont également constaté que parmi les séropositifVEs qui pratiquent un sport régulier échappent en grande partie à ces phénomènes. L’étude menée par Gilles Thöni en 2002 semble démontrer les effets bénéfiques du sport sur les lipodystrophies, surtout sur la prévention de l’accumulation de graisses et sur les risques cardiovasculaires des personnes vivant avec le VIH sous traitement.

comment réparer les effets dévastateurs des lipodystrophies ?

Concernant la lipoatrophie du visage, des solutions existent et nous nous sommes battuEs pour que certaines soient prises en charge à 100%. Aujourd’hui nous avons des engagements mais nous devons rester mobilisés pour que les pouvoirs publics tiennent leurs engagements et pour accélérer leur mise en œuvre.

Les solutions pour le visage sont multiples mais les plus utilisées sont la chirurgie "technique de Coleman" (injection chirurgicale de graisses) et les produits de comblement parmi lesquels l’injection de New-Fill®. Cette dernière solution semble donner des résultats satisfaisants, mais ces résultats peuvent varier selon le niveau de technicité du médecin.

L’une des difficultés reste la prise en charge de ce traitement. En dehors de tout remboursement par la Sécurité sociale, le coût de cette méthode se situe entre 1 200 et 2 500 euros selon la gravité de la lipoatrophie et le médecin qui la pratique. La plupart d’entre nous ne peuvent consacrer un budget aussi important à cette réparation. Cette technique était connue en chirurgie esthétique. A ce titre les prix pratiqués sont libres et aucun remboursement n’est envisageable. Nous nous sommes organiséEs pour faire admettre que dans le cas de la lipoatrophie du visage, il ne s’agissait pas de confort mais d’un droit élémentaire au même titre que les autres soins.

en lutte pour le remboursement

Dès 2000, les huit associations regroupées au sein du TRT-5 (Act Up, Actions-Traitements, Aides, Arcat, Dessine moi un Mouton, Nova Dona, Sida Info Services, Sol en Si) se sont organisées pour obtenir la reconnaissance de ces actes et leur remboursement à 100% dans le cadre de l’affection de longue durée VIH. En attendant la mise en place d’un accès compassionnel, les associatifVEs ont travaillé en collaboration avec Dermik, le laboratoire qui commercialise le New-Fill®. Cet accès compassionnel est aujourd’hui accessible dans une vingtaine de centres et permet aux personnes vivant avec le VIH et ayant de faibles ressources financières de bénéficier d’injections de New-Fill® de façon totalement gratuite.
Ce compassionnel est un premier pas mais il est déjà très saturé, certainEs doivent attendre très longtemps leur premier rendez-vous et il n’y a pas de centres dans toutes les villes.

Aujourd’hui, le TRT-5 supplée encore le laboratoire en travaillant à l’extension de cet accès et en cherchant de nouveaux médecins désireux de se former à ces techniques pour pratiquer ces injections. Les obstacles sont nombreux, nous sommes notamment confrontés à notre méconnaissance de ces médecins : dermatologues, chirurgiens plastiques, chirurgiens style stomatologues. Eux-mêmes connaissent mal les séropositifVEs et hésitent tant que ces actes ne sont pas totalement reconnus. Tout cela prend beaucoup de temps, beaucoup trop de temps.

quand vigilance rime avec patience

En parallèle, le travail de lobby entrepris depuis longtemps a permis d’obtenir des engagements des différents ministres de la Santé. Bernard Kouchner s’était engagé mais trop peu de temps avant d’être débarqué dans les conditions dont nous nous souvenons. En janvier 2004, Jean-François Mattéi, ministre de la Santé actuel, s’est enfin engagé devant Jérôme Martin, président d’Act Up-Paris, lors d’un rendez-vous obtenu au prix de nombreuses actions, à rendre effectif ce remboursement à 100 %. Il faut que nous restions mobiliséEs et très prudentEs car les promesses non tenues sont nombreuses.

Nous surveillons en permanence chaque étape de ce long processus administratif qui doit finalement aboutir au remboursement effectif. Outre la possibilité légitime de bénéficier sans avance de frais de cette technique, la reconnaissance permettra de trouver davantage de médecins désireux de pratiquer ces injections.