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Norvir® bénéfices en vue mais pour qui ?

vendredi 2 avril 2004

Des deux côtés de l’atlantique la mobilisation s’est organisée contre la hausse du prix exhorbitante du Norvir®.

Le 17 mars, nous organisions un die in lors de l’ouverture de la 7ème journée du laboratoire Abbott, pour protester contre l’augmentation du prix du Norvir® aux USA. Durant la séance du matin, le TRT-5 a su négocier avec le laboratoire pour intervenir sur scène durant une vingtaine de minutes et dénoncer l’attitude scandaleuse du laboratoire. Nous avons ensuite interpellé le laboratoire lors de la séance de l’après midi, pour obtenir une position et des réponses de la firme. Un représentant a voulu nous rassurer en nous expliquant que le prix du Norvir® n’augmenterait pas en France, mais a exprimé son malaise devant ces interventions répétées, alors que le but de la journée était de faire le point des connaissances scientifiques actuelles.

l’histoire d’un antirétroviral pas assez lucratif

Le ritonavir commercialisé sous le nom de Norvir® par la firme Abbott, est le deuxième antirétroviral de la famille des inhibiteurs de protéase à avoir été introduit sur le marché, il y a 7 ans, en 1996. Comme nombre d’autres antirétroviraux, la mise au point de cette molécule a bénéficié de fonds publics. Norvir®, initialement prescrit à la dose journalière de 1 200 mg et pour un coût de 20,52 $, s’est rapidement révélé comme présentant des effets secondaires particulièrement importants. Cependant, les médecins prescripteurs ont très tôt découvert l’autre grand intérêt de cet antirétroviral qui, employé à faible dose, booste (améliore) l’action d’autres antiprotéases. Actuellement, le Ministère de la santé des Etats-Unis recommande l’utilisation du Norvir® en booster de Agénérase® (amprenavir), de Crixivan® (indinavir) de Fortovase® (saquinavir) et d’Invirase® (saquinavir). Aujourd’hui, 80% des personnes sous Norvir® le prennent en booster pour un coût journalier de 1,75 $ par jour. On comprend aisément que, d’un point de vue financier, ce traitement n’a pas apporté toute la satisfaction lucrative que pouvait en attendre Abbott qui, pour le coup, n’a pas digéré la pilule... trop amère probablement.

quand abbott joue au père Noël

Fin décembre 2003, Abbott a brutalement informé le corps médical que le coût mensuel du Norvir® passait de 54 $ à 265 $ par mois. Avec un coût annuel de 45 000 $ à pleine dose, Norvir® devient ainsi l’antirétroviral le plus cher du marché devant Fuzéon® (de Roche) dont le coût annuel de 20 000 $ est déjà astronomique. En 24 heures, le prix du Norvir® a donc été multiplié par 5 ! Une augmentation vertigineuse de 400 %, joli cadeau de fin d’année pour les malades ! Du jamais vu dans le domaine pharmaceutique : de quoi rendre jaloux Miles D. White, président d’Abbott, dont le salaire n’a augmenté, en 2003, que de 21 %, soit de 3,39 millions de dollars (montant qui inclut le bonus de 1,75 million de dollars, en hausse de 40 % par rapport à 2002). En termes de chiffres, Abbott se pose là avec des ventes pour 2003 qui ont atteint 1,3 milliard de dollars, soit une augmentation de 11,3 % par rapport à 2002.

une stratégie marketing qui ne trompe personne

Derrière cette décision absolument scandaleuse se cache une stratégie marketing lamentable qui vise principalement à laminer la concurrence dans le déni le plus complet des principaux intéresséEs : les malades. Du fait de son utilisation comme booster dans de nombreuses multithérapies prescrites dans le traitement de l’infection par le VIH, la flambée du prix de Norvir® décidée par Abbott est à l’origine d’une hausse des prix très importante de plusieurs autres combinaisons médicamenteuses dont le coût mensuel se situe déjà aux Etats-Unis entre 800 $ et 1 300 $.

En réalité, l’intention d’Abbott est d’obliger les personnes utilisant Norvir® en association avec d’autres antirétroviraux à abandonner cette antiprotéase au profit de son nouveau traitement, le Kalétra® (combinaison de lopinavir et ritonavir). Des antirétroviraux tels que Reyataz® (l’atazanavir de Bristol-Meyers Squibb) et Lexiva® (le fosamprenavir de GlaxoSmithKline), tous deux boostés par du ritonavir, empiètent sérieusement sur la part de marché de Kalétra® qui se retrouve ainsi en compétition avec ces molécules. Avec le bond faramineux enregistré par le prix du Norvir®, les combinaisons utilisant cette antiprotéase deviennent beaucoup plus chère que Kalétra®. Ainsi, le coût mensuel d’un traitement incluant Reyataz® est de 684 $ contre 580 $ pour le Kalétra®.

quand abbott tente de justifier sa décision

L’augmentation vertigineuse du prix du Norvir® a déclenché un tollé général aux Etats-Unis et a fait l’unanimité contre la firme, aussi bien dans le milieu associatif que dans le milieu médical. Les médecins menacent de boycotter les produits commercialisés par la firme et le Secrétaire d’état à la santé y est allé de sa missive menaçant également de céder le brevet d’exploitation du Norvir® à un autre laboratoire pharmaceutique si Abbott persiste à pratiquer de tels prix. Face à cette levée de bouclier, Abbott a tenté de justifier sa décision en invoquant « un ajustement de prix visant à refléter au mieux l’apport de ce médicament dans le traitement de l’infection par le VIH et le coût nécessaire à l’amélioration de la formulation du Norvir® ». En effet, Abbott prépare actuellement une nouvelle présentation du Norvir® sous forme de comprimés ne nécessitant pas de réfrigération. Le prix de cette nouvelle galénique, dont la mise sur le marché est prévue pour 2005, sera bien évidemment analogue au nouveau prix du Norvir®.

abbott nous fait vomir... sans prendre de Norvir®

Le laboratoire Abbott, manifestement à court d’idées en terme d’innovation, n’a d’autres perspectives que de relooker un de ses anciens médicaments afin de justifier une flambée de prix vertigineuse.

Abbott profite d’une situation de monopole liée à l’utilisation du Norvir® comme booster de traitement, non seulement pour mettre à mal l’utilisation d’autres antirétroviraux déjà sur le marché mais également pour miner le développement de nouvelles molécules. L’augmentation du prix de Norvir® ne sera pas sans conséquences sur le développement de nouvelles antiprotéases comme le tipranavir de Boehringer, qui, pour la plupart, ne peuvent s’utiliser qu’en association avec le Norvir®. L’emploi des traitements utilisés contre le VIH/sida a une durée de vie limitée dans le temps, et la survie des malades nécessite toujours le développement de nouvelles molécules. En outre, Abbott contribue largement à mettre en péril les programmes d’accès aux soins dont doivent bénéficier les malades qui, aux Etats-Unis, n’ont pas d’assurance.

Quant à l’Europe, il est difficile de croire que la flambée du prix du Norvir® annoncée de l’autre côté de l’Atlantique n’est pas un essai que le laboratoire Abbott va s’empresser de transformer sur le vieux continent.

Act Up-Paris exige du laboratoire Abbott qu’il revienne sur sa décision de hausse de prix aux Etats-Unis et qu’il cesse de faire primer des considérations strictement
économiques sur la vie des malades.