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Lipo

lundi 1er décembre 2003

Les troubles métaboliques sont essentiellement causés par les antirétroviraux. Mais, leur prise en charge est essentiellement issue de domaines extra-VIH.

Epidémiologie

Les troubles du métabolisme des lipides sont une modification de la manière dont le corps absorbe et traite une bonne partie des substances alimentaires qu’on lui donne. Ils sont causés par la prise des trois classes d’antirétroviraux, et se retrouvent chez 18 à 70 % des personnes traitées. Cependant, tous les traitements n’ont pas le même effet. Si certains effets sont plutôt liés à l’une des 3 classes des antirétroviraux (INTI, INNTI, IP), au sein d’une même catégorie les effets produits par chaque molécule n’ont pas la même intensité. C’est ce qui a rendu ces phénomènes extrêmement difficiles à étudier et à comprendre.

L’ensemble de la problématique est d’ailleurs loin d’être totalement claire. Ainsi, les traitements par INTI seuls sont responsables des hypertriglycéridémies mais l’intensité de ce dysfonctionnement dépend de la molécule utilisée. La d4T est le plus souvent impliquée dans ce phénomène. Les IP provoquent des perturbations nettement plus importantes : élévation des triglycérides, du cholestérol total ainsi que du LDL cholestérol (dit mauvais cholestérol). Mais, ils provoquent peu de modifications du HDL cholestérol (dit bon cholestérol). Ces effets surviennent rapidement après le début d’un traitement par IP et concernent de 50 à 60 % des personnes traitées. Il existe toutefois une différence d’intensité des effets selon la molécule de cette classe employée. Une nouvelle molécule en développement, l’atazanavir, serait susceptible de provoquer moins de troubles des lipides. Mais cette donnée reste encore à confirmer à long terme, le recul que l’on a avec ce traitement est encore faible. Les INNTI ont, quant à eux, des effets assez modérés. Pour corser encore la difficulté, il existe des différences suivant les sexes : les hommes seraient plus touchés par les hypertriglycéridémies et l’intolérance au glucose, et les femmes par l’augmentation du taux de diabète.

La relation entre troubles du métabolisme et lipodystrophies est assez évidente, bien que toutes les explications ne soient pas encore claires. La prévalence des troubles est bien supérieure chez les personnes souffrant de lipodystrophies.
Les lipodystrophies sont des dysfonctionnements de la répartition des graisses corporelles. Elles regroupent en fait deux types d’affections :
 les lipoatrophies, fonte partielle ou totale du tissu adipeux périphérique ou généralisé,
 les lipohypertrophies, accumulation de tissu
adipeux viscéral.
 Le syndrome mixte existe aussi : c’est l’association d’une lipoatrophie périphérique et d’une lipohypertrophie abdominale. Ce phénomène peut s’accompagner d’une hypertrophie mammaire (grossissement des seins) chez les femmes, parfois une bosse de bison.

Ces déformations apparaissent typiquement après une période d’un à deux ans de traitement antirétroviral chez 50 à 70 % des personnes recevant une association d’INTI et d’IP. Les INTI seuls sont surtout responsables de l’apparition de lipoatrophies, quoique moins fréquemment et de moindre intensité que lorsqu’ils sont associés aux IP. Ces dernières provoquent en plus les hypertrophies du tissu viscéral au niveau abdominal.

Selon les résultats de nombreuses études chez des personnes séropositives sous traitement, les facteurs de risque de lipoatrophie sont l’âge, la durée du traitement, l’utilisation d’INTI et particulièrement de la d4T, et dans une moindre mesure, la sévérité de l’infection à VIH mesurée par le taux de CD4. Les facteurs de risque de lipohypertrophie sont le sexe, l’âge et l’usage d’IP.

La différence entre sexes se manifeste surtout dans la durée : au bout d’un an avec un traitement comprenant une IP, les femmes ont en majorité (28 %) un syndrome cumulant lipoatrophie et hypertrophie, tandis que chez les hommes, c’est l’atrophie isolée qui domine (24 %). Mais au bout de 3 ans, la répartition des effets est semblable pour les deux sexes avec 23 % d’atrophie et 30 % de syndrome mixte. Par ailleurs, ces phénomènes sont en augmentation avec la durée du traitement. Enfin, ils n’épargnent pas les adolescentEs qui suivent un traitement antirétroviral.

Dépistage

Le dépistage et le suivi de ces manifestations, du fait de leur association aux antirétroviraux, font partie du suivi VIH. L’examen clinique est la première étape dans le dépistage de ces complications, en pratique cela se traduit par la surveillance du poids, les mesures du tour de taille, du tour des hanches, du tour de poitrine. Pour affiner la recherche et mesurer de façon plus précise les tissus adipeux et la répartition des graisses, il faut alors utiliser l’imagerie médicale ou le dexa-scan. Mais ces outils ne sont guère utilisés que dans le cadre de la recherche.

Prise en charge

La première réaction serait de considérer que la première façon d’agir contre ces troubles consiste à en supprimer la cause : les antirétroviraux. Cependant, pour l’évidente raison qu’on ne peut interrompre un traitement sur la base de cette seule considération, il est nécessaire de trouver d’autres pistes.

Comme les effets de tous les médicaments disponibles ne sont pas les mêmes, de nombreux essais ont tenté de rechercher des solutions de substitution. S’il n’existe pas de traitement miracle, en revanche, on sait quels sont les produits les moins conseillés. Pour venir à bout d’effets déjà présents, les études menées ne montrent pas de résultats rapides, mais de légers progrès, notamment par le remplacement des IP par des INNTI. D’autres stratégies sont à l’étude, comme l’usage de traitements sans INTI. Dans le même registre, les essais d’interruption séquentielle de traitement n’ont pas donné de preuves d’efficacité très marquée jusque-là et font toujours peser le risque d’apparition de résistances. Par ailleurs, les interruptions de traitements ne sont pas recommandées chez les personnes fortement immunodéprimées, qui sont aussi les plus sensibles aux troubles lipidiques.

Un certain nombre d’études cliniques ont été menées ou sont en cours pour évaluer divers médicaments capables de procurer des améliorations. Dans l’ensemble, les solutions proposées ont souvent des effets limités et induisent parfois elles-mêmes des effets indésirables (hormone de croissance, testostérone). Récemment, avec la découverte des mécanismes mis en jeu dans ce syndrome, on a aussi découvert le pouvoir potentiel d’une classe de molécules, les thiazolidinediones. Des essais cliniques sont en cours pour en connaître l’efficacité.

Les troubles métaboliques nécessitent une prise en charge principalement à cause du risque cardio-vasculaire. Mais ce n’est pas le seul risque. Les troubles métaboliques peuvent aussi faire craindre l’aggravation de problèmes hépatiques, en cas de coinfection avec un virus hépatique notamment, mais aussi avec le risque toujours possible d’hépatite médicamenteuse. Pour lutter contre les troubles particulièrement aigus du métabolisme, divers médicaments sont utilisables. La metformine (Glucophage®) améliore les paramètres métaboliques (lire les bilans) mais avec des risques de toxicité notamment du fait des antiviraux. Les hypercholestérolémies peuvent être traitées avec des fibrates ou des statines. Leur efficacité est limitée chez les personnes atteintes par le VIH et le risque de toxicité cumulée avec les antiviraux reste important et nécessite une surveillance, et un ajustement des traitements si besoin.

Parmi les solutions les plus faciles à mettre en œuvre, il reste tout de même celles qui concernent le mode de vie. En effet, plutôt que de chercher à combattre inlassablement par des médicaments les excès de graisses, il est clairement plus facile de limiter l’apport nutritionnel. Le fait d’améliorer son régime alimentaire ne peut être que bénéfique et a l’avantage de ne pas présenter d’effets indésirables. Malgré cela, il est possible que le recours à des traitements soit nécessaire, mais il est préférable de les employer pour corriger ce qu’il n’est pas possible de faire naturellement.

Dans le même ordre d’idée, l’arrêt du tabac est fortement recommandé, principalement parce que sa consommation ne fait qu’accroître fortement les risques cardiovasculaires liés aux hypercholestérolémies et hypertriglycéridémies. Ces risques sont déjà augmentés du seul fait de l’infection à VIH.

Enfin, un des moyens les plus efficaces pour réduire les excès de graisses dans le sang est l’exercice physique. Les résultats obtenus par des exercices simples mais réguliers, outre le fait de renforcer les capacités cardiaques et de résistance à l’effort, permettent d’obtenir des réductions des lipides dans le sang qu’aucun médicament n’arrive à produire.

Dans le cas où la lipoatrophie serait sévère, il existe aussi la solution de la prise en charge chirurgicale. Le creusement des joues, outre le fait d’être inesthétique, a fait renaître chez de nombreuses personnes vivant avec le VIH qui en sont atteintes un sentiment de stigmatisation proche de ce qui avait cours au début de l’épidémie : le sida devient visible. Mais d’autres sites de fonte de masse grasse comme les fesses, posent aussi des problèmes au quotidien. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire, à partir d’un certain niveau, de faire appel à des techniques de chirurgie esthétique. Les principales techniques utilisées sont :
 la technique de Coleman qui consiste à prélever de la graisse là où il y en a, souvent au niveau du ventre, de la traiter puis de la réinjecter aux sites où elle manque. Le principal problème de cette technique est qu’elle s’avère impossible à pratiquer chez les personnes fortement atteintes chez qui l’on ne trouve que trop peu de graisse à prélever. Ce type de technique chirurgicale est réalisée sous anesthésie ;
 les produits de comblement sont des produits artificiels utilisés pour remplacer la graisse perdue. Le plus avancé de ces produits est l’acide polylactique (New Fill®). Il nécessite le savoir-faire de dermatologues habituéEs à cette pratique.
Dans tous les cas, actuellement, le principal inconvénient de ces techniques de reconstruction est de ne pas être remboursé par l’assurance maladie, sauf à constituer un dossier spécifique, ce qui ne garantit pas pour autant la prise en charge. Le New Fill® est en cours d’homologation mais l’inertie administrative alliée au climat actuel dû au déficit de la sécurité sociale font battre à ce dossier des records de lenteur. Actuellement, un accès compassionnel s’est ouvert dans une trentaine d’établissements en France et permet, sous certaines conditions de ressources, de pouvoir bénéficier du New Fill®.