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essai coinfection, lecture univoque

jeudi 3 juillet 2003

Mi-juin, plusieurs journalistes ont repris une dépêche annonçant les premiers résultats officiels d’un essai espagnol de traitement de l’hépatite C chez les coinfectés VIH-VHC, par bithérapie PEG-interféron et ribavirine. Décidément, les avis divergent.

angle de vue

L’institut de santé Carlos III de Madrid annonçait ses résultats, attendus mais décevants, comme prévu. Ils se glorifient d’être les premiers à publier des résultats finaux sur ce traitement, mais leur étude n’incluait que 68 patients.
Résultats décevants car, cette bithérapie ne permet de maintenir une charge virale VHC indétectable, 6 mois après l’arrêt du traitement, que chez 28% des coinfectés VIH-VHC, comparativement aux 61% chez les mono-infectés VHC, tous génotypes confondus. Aujourd’hui, certains journaux évoquent trop rapidement une « élimination du VHC », chez les coinfectés, il s’agit plutôt d’un « contrôle de la virémie ». En effet, même si la charge virale est devenue indétectable, elle nécessite quand même un suivi réel.

posologies

Dans l’essai espagnol, les posologies utilisées n’étaient pas conformes au standard de référence qui est de 150 microgrammes de PEG-interféron alfa-2b par semaine pour les personnes de plus de 75 kilos, 120 microgrammes pour ceux pesant entre 75 et 65 kilos, et 100 microgrammes pour ceux de moins de 65 kilos. La concentration prescrite pour tous dans cet essai était donc de :
 150 microgrammes de PEG-interféron alfa-2b par semaine pendant les trois premiers mois, suivi, les six mois suivants, d’une posologie réduite de 100 microgrammes, selon le génotype VHC
 800 mg de ribavirine une fois par jour, dose, elle aussi, non adaptée au poids.

L’idée était d’essayer de maintenir des posologies basses espérant limiter la survenue des effets secondaires, qui dépendent des doses prescrites. En effet, il est préférable de traiter les patients à l’aide de posologies légèrement inférieures aux doses thérapeutiques idéales, afin de permettre une meilleure tolérance des traitements et d’éviter le risque d’une interruption. Car on a constaté que toute pause de traitement, même d’une semaine, rend le succès thérapeutique
aléatoire, tant sur le plan de la fibrose que de la virémie.

effets pesants

A écouter l’équipe madrilène, cette stratégie serait un succès, avec « seulement » 10% des patients souffrant d’effets secondaires. Ils annoncent que cette bithérapie est « relativement bien tolérée », mais en étudiant plus en détail le compte-rendu des résultats, on découvre que 70% des patients ont subi des pertes de poids sévères, sans autres détails. Perdre plus de cinq kilos en un mois serait-il secondaire ? Les conclusions nous paraissent douteuses, et illustre sans doute une sombre stratégie marketing.

confusions

En effet, au vu des 30 % de rechute qui font suite à l’arrêt du traitement, l’équipe du Dr Vicente Soriano ne trouve rien de mieux que de proposer un allongement de la durée du traitement afin d’obtenir de meilleurs résultats. Il s’agit là de suppositions hâtives basées sur une confusion.
 Envisager ce qu’on appelle des traitements VHC suspensifs : l’idée est qu’en cas d’échec de traitement antiviral, comme chez 72% des coinfectés VIH de cette étude, on essaye de continuer à bloquer l’évolution de la fibrose par une monothérapie à base de PEG-interféron, administré « au long cours », puisque des durées de trois ans et plus ont été évoquées pour certains essais.
 Proposer tout simplement d’allonger la durée du traitement de référence par bithérapie pour les patients coinfectés VIH-VHC. En effet, supporter cette bithérapie est impossible déjà sur un an, pour environ 40% de patients qui ont abandonné, comme cela a été publié lors des résultats intermédiaires de Ribavic. Nous savons que la ribavirine provoque à elle seule de nombreux effets secondaires et risques d’interactions. Prolonger la durée de cette bithérapie chez les coinfectés, au lieu de permettre une augmentation d’efficacité, ne servirait peut-être que de fantasmes pour espérer booster la vente d’actions Schering-Plough.

chercher plus loin

D’autres études, comme Ribavic (ANRS HC 02 avec le Viraféron-PEG® de Schering-Plough) ou Apricot (essai de Roche avec leur Pégays®) ont déjà publié des résultats intermédiaires. Ces essais sont nettement plus significatifs puisqu’ils ont inclus non pas 70, mais plus de 400 patients coinfectés VIH-VHC chacun. Nous attendons avec impatience les résultats qui devraient être publiés au printemps 2004. Nous saurons alors les raisons des arrêts de traitement, les effets secondaires et leurs conséquences, et surtout nous attendons la confirmation du taux de réponse antivirale (inférieur à 30%).

C’est là le point central de nos revendications en la matière car les laboratoires Schering-Plough refusent de publier et de prendre en compte le possible effet antifibrosant de leurs traitements. Les 72 % des patients qui n’ont pas pu obtenir une charge virale indétectable, six mois après l’arrêt du traitement, ont donc été considérés en échec de traitement. Mais une biopsie de contrôle permettrait de vérifier si à défaut d’effet antiviral, ces malades n’auraient pas bénéficié d’une régression de la fibrose et de l’activité de leur hépatite C. Dans ce cas, il s’agirait d’un réel bénéfice dû au traitement, permettant de pouvoir attendre l’arrivée des antiprotéases VHC, dont les essais de phase III ne sauraient tarder à démarrer, au moins pour les monoinfectés VHC.