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Edito

30 ans de trop

janvier 2001, par Emmanuelle Cosse

Curieusement, personne n’a tenu, cet hiver, à fêter les 30 ans de la loi du 31 décembre 1970 de lutte contre la drogue et la toxicomanie - hormis quelques associations d’usagers attachées à en dénoncer les conséquences.

Sans doute parce que personne ne peut en être fier. Ou parce que tout le monde, déjà, s’accorde à penser que la « loi de 70 » est caduque, et relève plus d’une approche dépassée des drogues que de l’actualité de la consommation des psychotropes et de ses dangers. Et si on admet partout, même à la MILDT (mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie), la nécessité d’une réforme législative, personne ne veut s’y coller.

La loi de 70 « relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite des substances vénéneuses » est pourtant dépassée et surtout meurtrière. Le tout répressif qu’elle a imposé, a eu pour principal effet de renforcer la clandestinité et la précarité des usages de drogues. Elle n’a en rien limité l’usage ou les trafics. Elle a simplement légalisé la traque des usagers de drogues.

Les principaux effets de cette loi, c’est le retard de mise sur le marché de seringues propres (1987), c’est la contamination par le VIH et par le VHC de milliers d’usagers, sans compter les overdoses. C’est aussi l’interdiction de parler de plaisir lorsqu’on parle d’usage de drogues. Act Up en a fait les frais il y a 2 ans, avec le tract J’aime l’ecstasy, que nous avions écrit et diffusé à 500 exemplaires devant des établissements gays menacés de fermeture pour « trafic ». Philippe Mangeot a été condamné à une amende de 20 000 francs. Justice inique, qui ne poursuit que ceux qui ont un discours « différent » sur les drogues.

Cette loi doit être abrogée. Nous en avons assez de constater depuis 30 ans ses conséquences désastreuses et criminelles sur les usagers de drogues. Personne aujourd’hui ne veut faire les frais d’un débat réel sur les usages des drogues. Cela sera pourtant nécessaire si l’on veut vraiment changer la politique française en matière de toxicomanie. A deux mois des élections municipales, on peut se rappeler l’attitude honteuse de Tony Dreyfus, maire du 10ème de Paris, qui n’a jamais soutenu l’implantation de la « Boutique », rue Beaurepaire et au contraire n’a fait que réconforter les riverains dans leur réaction de haine, et les pouvoirs publics dans leur mutisme.

On se rappellera également du centre Rivage à Sarcelles (en charge d’un programme méthadone) qui a subi au mois de juillet dernier une perquisition par un juge d’instruction de Pontoise dans le cadre d’une enquête sur un trafic de drogues : saisie de la liste des patients suivis, examen du contenu des dossiers médicaux et notamment des résultats des examens urinaires portant trace des consommations de produits.

Nicole Maestracci, qui dirige la MILDT, a toujours laissé entendre qu’on pouvait mener une politique différente sur les usages de drogues sans en changer la loi. Le bilan que nous en tirons, nous prouve le contraire. La loi de 70 doit être abrogée. Maintenant.