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Logement : éviter l’expulsion

jeudi 16 janvier 2003

La procédure d’expulsion : 8 étapes

1. l’impayé du loyer

En principe, le point de départ de toute procédure d’expulsion est l’impayé de loyer. Cependant, d’autres raisons peuvent conduire à l’expulsion, notamment lorsque vous ne disposez pas ou plus d’un titre régulier pour occuper l’appartement (fin de bail, sous-location non-autorisée, etc.), ou lorsque vous êtes responsable d’un grave trouble de voisinage. Dans le cadre de ce numéro, on traitera uniquement de l’hypothèse où la procédure d’expulsion est lancée pour impayés de loyers.

Cet impayé peut être causé par plusieurs causes : une difficulté financière du locataire qui le met dans l’impossibilité de payer, une volonté de ne pas payer son loyer, le refus de payer pour forcer le propriétaire d’effectuer certaines réparations, etc.

ATTENTION : si votre propriétaire n’effectue pas les réparations demandées, cela ne vous donne pas le droit pour autant de cesser de payer le loyer. Pour obtenir l’exécution des travaux de réparation, faites une demande écrite. Si vous n’obtenez aucune réponse, recommencez, mais cette fois-ci en envoyant une lettre recommandée avec accusé de réception. Toujours pas de réponse : assignez votre propriétaire au tribunal. Cette dernière étape est souvent faisable sans l’assistance d’un avocat. Renseignez vous pour les détails auprès du greffe du Tribunal du lieu de résidence du bailleur. Mais continuez de payer votre loyer régulièrement, à défaut de quoi, vous vous exposez à un risque d’expulsion.

On considère qu’il y a un impayé de loyers lorsque, dans le secteur privé, vous ne payez pas un loyer, ou lorsque, dans le secteur public, vous ne payez pas trois loyers successifs. De même, d’importants retards systématiques dans le paiement des loyers peuvent être assimilés à un impayé.
Dès les premières difficultés financières, réagissez. Contactez le bailleur pour l’informer et négocier éventuellement un échelonnement de la dette avant qu’elle ne s’aggrave.

2. Le commandement à payer

Le commandement de payer est un acte d’huissier qui vous ordonne de payer les impayés. Ses conséquences varient selon que votre bail comporte une clause résolutoire ou non.

 Le bail ne comporte pas de clause résolutoire ou vous n’avez pas de bail écrit : il n’y a pas de délai impératif pour payer votre loyer, et vous pouvez demander des délais pour payer votre dette locative. À défaut de paiement, votre propriétaire peut vous assigner au tribunal pour vous faire condamner à payer la dette, voir à vous faire expulser.
 Le bail comporte une clause résolutoire (résiliation automatique du bail en cas de non-paiement ou retard de paiement du loyer) : vous disposez de deux mois après le commandement de payer pour payer vos arriérés. À défaut, au bout de ces deux mois, votre propriétaire est en droit de vous assigner devant le tribunal pour faire prononcer votre expulsion.

Dans les deux cas, réagissez : si vous n’avez pas les moyens de payer, contactez une assistante sociale ou une association afin de voir quelles sont les aides exceptionnelles dont vous pourriez bénéficier (Fonds Solidarité Logement, Commission de Surendettement, Caisse d’allocations familiales, etc.).

Il est par exemple possible de demander une aide financière au Fonds Solidarité Logement (FSL) : le FSL est destiné à toute personne en situation de précarité ayant des problèmes d’accès au logement, ou de maintien dans son logement. Il est soumis à des conditions de ressources qui varient selon le département. La demande doit être faite auprès de la DDASS de votre département. L’aide du FSL peut prendre la forme d’un don ou d’un prêt à 0 %, et elle peut couvrir jusqu’à 6 mois d’impayés.

Si vous êtes locataire du public, le bailleur social a l’obligation, dès la constitution d’un impayé de loyer, de saisir, dans un délai de trois mois avant l’assignation, la Section Départementale des Aides publiques au logement (SDAPL) ou la Caisse d’allocations familiales afin de rechercher des solutions d’apurement de votre dette locative ou d’obtention d’aides diverses. Si cette démarche n’est pas faite, le tribunal peut refuser de juger un locataire non-payeur.

3. La saisine du tribunal

Le bailleur peut vous assigner devant le tribunal. L’assignation est un acte d’huissier qui informe le locataire qu’une demande d’expulsion a été transmise au tribunal, qui précise à quelle date vous êtes invité à vous rendre au tribunal. Conformément à la loi du 29 juillet 1998, un délai de deux mois sépare obligatoirement l’assignation pour résiliation de bail et l’examen de l’affaire par le juge.

Une copie de cette assignation doit être adressée au Préfet pour toute demande d’expulsion, et cette obligation a été étendue, par la loi du 13 décembre 2000, à tous les baux d’habitation. Dès qu’il reçoit cette copie, le Préfet est obligé, dans le délai de deux mois, de demander aux services sociaux de réaliser une enquête sociale (origine de la demande, causes de l’impayé, aides susceptibles d’être mobilisées). Celle-ci est faite par un travailleur social. Les principales conclusions devront être communiquées au juge.

4. L’audience

C’est le moment où le locataire et le bailleur (ou leur représentant) se présentent au tribunal, devant le juge, et le juge écoutera les arguments du bailleur et du locataire.

La présence du locataire est essentielle : elle lui permet de donner ses explications, de faire état de ses efforts pour apurer la dette, de proposer un échéancier de règlement de sa dette, etc. Il faut donc absolument vous rendre à cette audience si vous voulez éviter une expulsion.

5. Le jugement

Le jugement équivaut à la décision prise par le juge. Après avoir entendu les parties, il tranche. Cette décision est motivée et écrite. Elle est rédigée par le greffier, sur instructions du juge.

Le juge peut suspendre les effets de la clause résolutoire et accorder au locataire des délais pour s’acquitter de sa dette. La procédure est alors arrêtée et le bail est maintenu. Les délais fixés par le juge sont impératifs, et vous devez tout mettre en œuvre pour les respecter, au risque de subir une nouvelle procédure d’expulsion. Il peut également refuser d’accorder des délais, résilier le bail et ordonner l’expulsion.

Le jugement est ensuite signifié au locataire par voie d’huissier. Le locataire dispose d’un délai d’un mois pour faire appel et contester la décision.

ATTENTION : l’appel suspend en principe l’exécution du jugement, sauf si le jugement comporte la mention « exécution provisoire », ce qui signifie que le jugement sera exécuté sans attendre les conclusions de l’appel. Parfois, cela donne lieu à des situations aberrantes : la Cour d’appel vous donne raison et annule l’expulsion, alors que vous avez déjà été expulsé. Dans tous les cas, ne faites appel que si vous avez des raisons valables. Sinon, cela peut vous coûter cher (amende, condamnation aux dépens, etc.).

6. Le commandement de quitter les lieux

Lorsque le jugement a prononcé la résiliation du bail et l’expulsion, l’huissier apporte alors au locataire un « commandement de quitter les lieux ». Ce commandement accorde deux mois pour quitter les lieux et saisir le juge de l’exécution, qui est un autre juge dont le rôle est de se prononcer sur d’éventuels délais supplémentaires accordés au juge.

Ce juge peut accorder un délai de grâce de 3 mois à 3 ans si les circonstances familiales, sociales, etc. rendraient insupportable une expulsion, ou rendent difficile un relogement. Ce délai doit servir à trouver une solution de relogement, et il est possible que le juge vous convoque régulièrement pour faire le point sur vos démarches.

À l’issue du délai de deux mois, si la décision de l’expulsion est maintenue, l’huissier se présente au logement pour demander au locataire de quitter le logement. Si le locataire s’y oppose ou pose des difficultés, l’huissier dressera un procès-verbal de difficultés. Le bailleur doit alors demander à la Préfecture l’autorisation d’utiliser la force publique pour réaliser l’expulsion.

ATTENTION : aucune expulsion ne peut intervenir pendant la période de l’hiver légal, c’est-à-dire entre le 1er novembre et le 15 mars, sauf si un relogement décent pour l’occupant et sa famille est proposé, si les locaux, menaçant ruine, font l’objet d’un arrêté de péril, ou si les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait (squatters).

7. La demande du concours de la force publique

Après que le bailleur a sollicité l’autorisation auprès de la Préfecture d’utiliser la force publique, le Préfet a un délai de deux mois pour répondre. Comme dans la phase de l’assignation, le préfet doit demander à un travailleur social de secteur une enquête sociale, ainsi qu’un rapport au Commissaire de police du secteur. Ce dernier convoque le locataire et tente de l’inciter à partir de lui-même afin d’éviter le véritable recours à la force publique. Après l’entretien, le commissaire de police adresse un rapport à la Préfecture qui complète l’enquête adressée par le travailleur social.

Au vu de ces éléments, le Préfet peut refuser le recours à la force publique, et le locataire restera alors dans les lieux, ou accepter le concours.

Dans le cas où le Préfet refuserait d’expulser de force un locataire, le bailleur constate que l’Etat ne respecte pas la loi et se retourne alors contre lui, en demandant des indemnités compensatrices.

Dans le cas où il accepterait, le locataire sera expulsé par l’huissier en présence du Commissaire et d’un serrurier. Un procès verbal d’expulsion est remis au locataire.

8. Après l’expulsion

Le locataire dispose d’un délai d’un mois pour récupérer les affaires laissées dans le logement. Ils ne peuvent être transportés sans son accord dans un autre lieu. À l’issue de ce délai, le juge de l’exécution, après avoir entendu le locataire et le bailleur, décide du sort des biens restés dans le logement : soit il accorde des délais supplémentaires, soit il constate l’abandon des meubles). Précision importante : le procès verbal d’expulsion doit comporter une liste précise des meubles laissés dans le logement.

De plus, un relogement devra être systématiquement recherché par la Préfecture dans le cadre des Plans départementaux d’action pour le logement des défavorisés (PDALD) pour les personnes de bonne foi.

Quelques remarques finales :

 ne faites jamais le mort, lorsque vous ne pouvez pas payer votre loyer. Reagissez, parlez-en avec votre bailleur. Cela ne s’arrangera pas tout seul, mais agissez sans attendre.
 contactez une association, une assistante sociale, etc. Pour vous aider dans vos démarches.
 gardez toutes les pièces justificatives : quittances, factures, courriers, etc. Et des traces écrites d’éventuels arrangements avec votre bailleur
 envoyez vos courriers avec accusé de réception.