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Ils construisent des prisons neuves, plus que jamais

jeudi 23 janvier 2003

La politique sécuritaire que Nicolas Sarkozy a mise en place à son arrivée au gouvernement, avec le constat, dès le mois d’août, d’une hausse de près de 40 % des détentions, ne pouvait se solder que par la mise en place d’un « programme immobilier de construction de nouvelles prisons ». Le projet a été officiellement annoncé par Dominique Perben et Pierre Bédier le jeudi 22 novembre.

D’abord on instaure des lois sécuritaires, ensuite on crée les places en prison qui vont concrètement servir une telle politique Chaque jour est l’occasion pour nos « responsables » de proposer un nouveau projet de loi, de multiplier la création de nouveaux délits, qui tous, visent frontalement les minorités. Criminalisation du racolage passif, criminalisation de la mendicité, criminalisation des étrangers, criminalisation de la séropositivité, etc. La liste est longue qui renforce progressivement l’arsenal législatif à même de soutenir une politique alarmante.

Lutter contre cette politique, c’est d’abord en identifier la vraie nature, derrière les écrans rhétoriques que ses défenseurs dressent. Un tel arsenal juridique, l’accord total et absolu d’une Assemblée nationale vide de toute opposition, le quadrillage du territoire par de nouvelles prisons : Le Pen n’aurait pas pu mieux faire.

Lutter contre une telle politique, c’est aussi dénoncer les arguments mensongers qui l’appuient. Chacun de ceux utilisés pour l’annonce du programme de 13 200 places est fallacieux. Il ne s’agit pas de créer « une prison plus humaine », mais seulement de créer de l’emprisonnement. Il ne s’agit pas d’améliorer la « qualité » de la prison, mais seulement d’en optimiser le rendement quantitatif, rendement à la mesure des délires sécuritaires d’enfermement de nos « responsables ». Quand Dominique Perben et Pierre Bédier appellent la mise en place de « conditions de vie appropriées » pour les détenus malades, âgés ou souffrant d’un handicap, on s’interroge sur la façon dont une vie marquée par la pathologie peut trouver dans l’enfermement des « conditions appropriées ».

La prison est inhumaine. Toute nouvelle prison construite est destinée à être remplie. Toute personne qui sait ce qu’est la prison, qui voit ce qui s’y passe, qui écoute ceux qui y sont sait cela. De deux choses l’une : soit le gouvernement ne le sait pas, et son incompétence est criminelle quand ce sont des années, voire des vies, dont il est question. Soit, et cette solution est très probable, il sait. Mais il faut alors qu’ils assument leur irresponsabilité. Lutter contre cette politique, c’est rappeler ce que subissent aujourd’hui ceux qui sont détenus.

Exemples

X est incarcéré en maison centrale. Il est atteint par le VIH et par le VHC, sous quadrithérapie pour le premier, sous bithérapie pour le second. Son médecin a rendu un avis médical qui confirme que « son état de santé est précaire » et que « ses pathologies et leurs conséquences rendent difficiles les soins appropriés » en prison. L’état de santé de X rend sa sortie urgente, au minimum pour accéder aux soins dont il a besoin. Il y a quelques semaines, la cour d’appel lui a refusé sa libération conditionnelle.

Y est atteint de graves pathologies mentales, directement incompatibles avec la détention. Souffrant de schizophrénie et de psychose chronique délirante, il est pourtant incarcéré pour six mois pour avoir été passager dans un véhicule volé. La COTOREP a estimé son taux d’incapacité à 80 %. Tous les recours pour raisons médicales n’ont rien donné. Les avis médicaux affirment pourtant, ici aussi que son état de santé est incompatible avec la détention. Y a tenté à plusieurs reprises de mettre fin à ses jours. Il est aujourd’hui toujours en détention et finit de purger sa peine. Toutes les instances juridiques considèrent qu’il doit rester en prison. La seule et unique réponse du magistrat est l’incarcération.

Enfermer une personne qui devrait bénéficier de l’irresponsabilité pénale ; refuser sa libération au moment où son état mental est clairement incompatible avec l’enfermement : l’irresponsabilité de tels jugements est purement criminelle.

Les détenus malades devraient pouvoir bénéficier, de la loi du 4 mars 2002, comme en a bénéficié MauricePapon. D’après l’article 720-1 du code de procédure pénale, la suspension de peine peut également être ordonnée, quelle que soit la nature de la peine ou la durée de peine restant à subir, et ce pour une durée qui n’a pas à être déterminée, pour tous les condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention, hors les cas d’hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux.