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Le problème - c’est l’homme

janvier 1999

La RéPI Femmes s’est tenue le 9 décembre dernier. Consacrée aux spécificités médicales de l’infection à VIH chez les femmes, elle a réuni quatre intervenants spécialisés et une centaine de personnes.

Connaissant les difficultés auquelles se heurtent généralement les femmes séropositives pour obtenir des informations sérieuses et précises, cette Répi nous paraissait nécessaire à la diffusion de l’information et afin de permettre non seulement de poser les questions mais également d’essayer d’y répondre.
Le nombre relativement peu élevé de personnes présentes - comparé aux RéPI habituelles - s’explique sans doute par le caractère d’innovation de l’évènement ou encore par le fait que la plupart des gens ignorent toujours que les femmes sont 8 fois plus vulnérables face au virus que les hommes.

Gageons que cette rencontre aura su réveiller la soif de connaissance et la fibre militante de celles qui sont mises à la marge des préoccupations, tant des médecins, des chercheurs que des institutions.

Madame Spérandéo, médecin gynécologue consultant à la clinique Ste Marguerite à Marseille.

A partir des infections les plus fréquemment rencontrées par ses patientes, le Dr Spérandéo a présenté l’éventail des problèmes qui amène les femmes séropositives à consulter. En voici une rapide revue :

 Vaginites et pertes : lorsque l’immunité chute, vaginites et pertes deviennent récidivantes. C’est un problème très ’teigneux’ mais que l’on peut traiter notamment à l’aide d’ovules.

 L’infection des trompes et des ovaires (aussi appelés ’les annexes’ par la médecine hétérosexuelle masculine ...) : elle se caractérise par des douleurs très importantes et de la fièvre. Quand l’immunité est faible, les signes douloureux ont tendance à disparaître ou sont moins perceptibles, ce qui rend l’infection difficile à identifier. A l’échographie le médecin peut diagnostiquer ce qu’il croit être des kystes alors qu’en réalité il peut s’agir de poches de liquide infectieux situées autour des trompes. Il convient donc d’être vigilante.

 Douleurs abdominales : Ces douleurs peuvent être le signe de problèmes des trompes. Il faut être attentive aux douleurs qui apparaissent, réapparaissent ou encore à la douleur des règles qui se réinstalle. En cas de douleurs récidivantes il ne faut surtout pas hésiter à consulter.

 Cancer du col : il est provoqué par le HPV (virus humain du papillome). Chez une personne immunodéprimée, il provoque plus de lésions cancéreuses - appelées les candilomes - que chez une personne séronégative. Lorsque les cellules du col sont touchées au tiers, on parle d’une dysplasie légère, au deux tiers c’est une dysplasie modérée. Au delà on parle d’une dysplasie sévère, puis d’un cancer du col. Les interventions se font en général dès la dysplasie sévère. Le symptôme principal est le saignement du col. Les femmes doivent demander à être surveillées, pour éviter à long terme l’intervention chirurgicale. Les séropositives ont deux fois plus de risques de développer un cancer du col que les autres. Les risques de récidive sont importants. Une équipe américaine a suivi un groupe de femmes VIH traitées contre des candilomes ; sur 127, 62% ont eu des récidives, 30% d’entre elles ont été retraitées mais à nouveau 60% ont connu des récidives.

 D’autres problèmes fréquemment rencontrés concernent les troubles hormonaux, l’arrêt des règles, les candiloses.

 Les traitements VIH peuvent provoquer chez les femmes comme chez les hommes des lipodystrophies. Ils rendraient la pilule plus efficace ainsi que les traitements anti épileptique.

Monsieur Mandelbrot, médecin gynécologue accoucheur à la consultation Puzos de Port Royal.

Contrairement à ce qui prévalait au début de l’épidémie, le désir de grossesse se gère, désormais, au cas par cas. Il ne s’agit plus ni de le diaboliser, ni de le banaliser. Il y a de plus en plus de grossesses de femmes séropositives - bien qu’un tiers d’entre elles soit interrompu. Les deux tiers menées à terme représentent 800 accouchements. Quelques dizaines de grossesses seulement ont eu lieu sous trithérapie jusqu’à présent. La situation est globalement assez encourageante bien que différents problèmes et facteurs de risques persistent (échappements thérapeutiques, infections cervicales et/ou génitales, accouchements prématurés et perte des eaux précoce).

Actuellement, encore 40% de femmes enceintes séropositives découvrent leur statut sérologique au cours de la grossesse. Bien que le taux de dépistage des femmes soit élevé en France, les conditions de dépistage restent à améliorer à tout point de vue. En outre, un dialogue interdisciplinaire entre pédiatres, gynécologues, sages femmes, infirmières est primordiale ... Ce qui est loin d’être le cas.

Le taux de transmission de la mère à l’enfant est en net diminution grâce à différentes interventions : traitements antirétroviraux de la mère mais aussi de l’enfant après l’accouchement (2,5% de transmission pour les femmes sous trithérapie), césarienne (2/3 des enfants infectés le sont au moment de l’accouchement par voie basse). De nouvelles stratégies thérapeutiques sont actuellement à l’étude pour permettre de limiter dans de plus importantes proportions la transmission. Un essai est, notamment, en cours dans lequel du Viramune est administré à la mère au cours de la grossesse, et à l’enfant à sa naissance.

Le protocoles ANRS 075 étudie la tolérance à la bithérapie AZT/3TC pour traiter la mère et l’enfant de façon plus massive, à l’approche, pendant et après l’accouchement. Il semblerait cependant que les enfants ainsi traités multiplient les risques d’anémie à la naissance et de neutropénie à 2-3 mois. On ne sait pas encore si cette association est meilleure que les protocoles expérimentés jusqu’à présent (notamment ACTG 076 par AZT). Par contre, on sait que l’association efavirenz/ddc est contre indiquée pour les femmes enceintes. Un protocole pour la névirapine a été réalisé mais on ne connaît pas encore les résultats.

Camille Cabral, médecin, présidente du PASTT (Prévention, Action, Santé, auprès des TranssexuelLEs et TravestiEs).

Dans ce domaine, beaucoup d’ambiguïtés et de confusions persistent ; à commencer par la terminologie : transgenre, travestiE, transsexuelLE, opéréE, non-opéréE, autant de termes qui sont parfois utilisés indifféremment les uns pour les autres alors qu’ils concernent des individus qui revendiquent des identités différentes ou distinctes.

Les femmes transsexuelLEs (ou transgenres), opéréEs ou non, sont confrontées à différents types de complications médicales liées à la maladie, à la prise de traitements et à leurs interactions avec les interventions chirurgicales et hormonales auxquelles elles ont recours. Le silicone provoque une aggravation des problèmes de peau liés à l’infection à VIH. L’apparition de lipodystrophies est toujours une manifestation de la prise de traitement difficile à supporter et à gérer.

L’hormonothérapie n’est pas acceptée par le corps médical et les endocrinologues ne sont pas bien formés ; c’est l’objet d’une vraie lutte pour le PASTT. Globalement la prise en charge des transsexuelLEs est très compliquée. Leurs questions restent la plupart du temps sans réponse. Qu’en est-il de la prise de tabac avec les antiprotéases et l’hormonothérapie ? Quelles sont les interactions entre traitements antirétrovirals et hormonothérapie ? La recherche est particulièrement en retard dans ce domaine et se trouve incapable d’apporter des réponses aux questions qui se posent au quotidien aux transexuelLEs séropositives. L’opération, elle aussi, pose de vrais problèmes. Le VIH impose des pratiques sûres pour éviter tout risque de contamination, ce qui, faute d’information, n’est pas toujours le cas.

En outre, les transsexuelLEs constituent une population particulièrement vulnérable et discriminée. 70% des transsexuelLEs ont recours à la prostitution et, clandestiniséEs, se trouvent ainsi exposés aux contaminations. Pourtant, aucun effort de prévention n’est prévu par les institutions pour assurer leur protection.
Mais, la discrimination qui frappe les transsexuelLEs se retrouve également exercée par le pouvoir médical qui continue de ranger le transsexualisme parmi les troubles psychiques : si l’homosexualité a été retirée du glossaire des troubles psychiques, le transsexualisme lui s’y trouve toujours. C’est là une des revendications majeures du PASTT, que les transsexuelLEs ne soient plus considéréEs comme des malades.

Élisabeth Da Paz, coordinatrice du réseau méditerranéen à l’écoute des femmes à Sida Info Service.

Le problème dans l’infection à VIH, et si l’on veut parler de spécificités de l’infection chez les femmes, c’est le repère, qui est l’homme. On n’a naturellement jamais étudié la spécificité masculine du sida puisque tout a toujours été pensé par rapport au masculin, efficacité des traitements, effets secondaires, maladies opportunistes, recherche clinique, etc. Le virus n’est pas différent selon les corps, mais les corps, eux, le sont.

En matière de sexualité, les femmes expriment plus de culpabilité que les hommes, elles ont peur de contaminer leurs proches, et contractent plus d’infections génitales. Elles font plus d’infections opportunistes que les hommes pour un taux de T4 équivalent. Le cancer du col est recensé comme étant la 13ème infection opportuniste, c’est avec elle que la problématique féminine par rapport au sida a émergé en 1993.

Un des problèmes des femmes, c’est que pour éviter les problèmes de poids et de lipodystrophies, elles préfèrent arrêter les traitements mais elles ne peuvent pas le dire, ce serait incompréhensible et inacceptable.

La pandémie a fait émerger différentes problématiques : 70% des pauvres sont des femmes, les femmes infibulées ou excisées ont plus de risques d’être contaminées lors du premier rapport, en France tous les 15 jours deux femmes meurent des suites de violences conjugales, etc. Le VIH provoque violence et isolement et plus précisément pour les femmes.
D’une façon générale les femmes sont de toutes façon écartées de la recherche et de ses préoccupations. Il y a un manque et trop peu de recherches spécifiques alors que les femmes sont 8 fois plus sensibles au virus que les hommes.


L’absence du Dr Boubilley ne nous aura pas permis d’évoquer les femmes en substitution, ni la contraception.