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Assurances et VIH

juin 1999

La convention de 1991 et les dérives de l’assurance

La Convention sur l’assurabilité des personnes séropositives et sur les règles de confidentialité du traitement des informations médicales par l’assurance a été signée entre le Ministère de l’Economie, des Finances et du Budget, le Ministère de la Santé, la Fédération Française des Sociétés d’Assurances, l’Union Syndicale des Sociétés Etrangères d’Assurances, le Groupement des Sociétés d’Assurances à caractère mutuel et la Caisse Centrale des Mutuelles Agricoles le 3 septembre 1991.

La convention encadre les questions liées aux infections à VIH pouvant figurer dans les questionnaires médicaux que les compagnies d’assurance font remplir aux candidats lors de l’évaluation du risque avant l’établissement du contrat. Les questions autorisées sont les suivantes : "Avez-vous ou non subi un test de dépistage de la séropositivité ? Si oui, indiquez le résultat du test et sa date." et "Avez-vous eu une infection conséquence d’une immuno-déficience acquise ?". La convention de 1991 cautionne donc le principe du questionnaire médical, instauré par la loi du 31 décembre 1989. Or, les questionnaires des assurances sont loin de tous s’en tenir aux deux questions autorisées et bien souvent, la réponse affirmative à au moins l’une des questions entraîne le refus pur et simple du dossier, sans plus de justification.

De plus en plus de personnes séropositives ou ayant déclaré un sida sont amenées à être candidates à l’assurance, d’autant que le recours à l’assurance est quasiment systématique pour de nombreux actes courants (emprunts bancaires...). Pour éviter de se voir exclues du régime de l’assurance, nombre de personnes touchées par le VIH sont tentées par la fausse déclaration. Or toute fausse déclaration peut entraîner la nullité du contrat, conformément à l’article L 113-8 du Code des Assurances, ce que nous a rappelé avec force la décision de la Cour de Cassation du 7 octobre 1998.

Les compagnies d’assurance sont également autorisées à demander le test de dépistage de la séropositivité, lorsque "l’importance des capitaux souscrits ou les informations recueillies à l’occasion du questionnaire de risques le justifient", et dans les conditions suivantes : l’assurable donne son accord préalable ; le test est toujours prescrit par un médecin ; le médecin d’assurance veille à ce que des informations soient données au candidat à l’assurance avant et après l’examen biologique ; le test est intégré à un examen médical plus complet ; le médecin d’assurance invite le candidat à désigner un médecin auquel le résultat du test est adressé.

Dans son annexe, la convention de 1991 insiste sur la marche à suivre pour préserver le secret médical et la confidentialité des informations médicales. En réalité, ces précautions sont fréquemment bafouées et l’on compte nombre de cas où le questionnaire médical est directement rempli par le candidat à l’assurance sous les yeux du banquier.

Lorsqu’une compagnie d’assurance accepte le dossier d’un candidat, elle est tenue de respecter ses engagements lors du règlement de la prestation garantie. Cela n’empêche pas certains assureurs de contester le contrat et de se retourner contre le souscripteur.

La convention de 1991 propose la couverture du risque décès pour un emprunt immobilier contracté par une personne séropositive, sur un montant maximum de 1 million de francs et une période comprise entre 5 et 10 ans, avec surprime.

Un comité de suivi, réuni deux fois par an, était chargé de faire connaître cette convention auprès des assureurs, de la faire appliquer, d’en sanctionner les dysfonctionnements et de la faire évoluer en fonction des avancées thérapeutiques. Il se composait de représentants des pouvoirs publics, du Conseil National du Sida, des assurances, des personnes atteintes par le VIH (participation de Aides Fédération), des banques, de la profession médicale (dont un médecin conseil de l’assurance), du corps scientifique et des consommateurs. En réalité depuis 1991, la convention est restée quasiment ignorée des assureurs et du public. Elle n’a réglé qu’une quinzaine de dossiers en tout, alors que la ligne téléphonique de Sida Info Droit enregistre environ 400 appels par an pour des problèmes d’assurance. Le comité de suivi a fini par ne plus se réunir, les assurances refusant de jouer le jeu des négociations. Compte tenu du caractère restrictif et de la mauvaise application de cette convention, les représentants des personnes touchées par le VIH l’ont très vite boycottée.

Les positions d’Act Up-Paris

Suite à la relance du dossier assurances et VIH par les pouvoirs publics en novembre 1998, Act Up a accepté de participer au dialogue avec le secrétariat d’Etat à la Santé et à l’Action Sociale, aux côtés de Aides Fédération, Sida Info Service et Arcat-Sida. En parallèle, une plate-forme de travail interassociative s’est mise en place, afin de faire des propositions aux pouvoirs publics et aux compagnies d’assurance, et de construire un dispositif offrant des solutions concrètes aux problèmes que rencontrent les personnes.

Act Up est prêt à participer aux réunions d’un nouveau comité de suivi sur l’assurabilité des personnes touchées par le VIH, si ce comité sort des modalités de la convention de 1991 et est élargi aux quatre associations de lutte contre le sida. Il aurait pour but principal de publier après six mois un rapport à l’attention des Ministres concernés. Ses missions principales seraient : informer les participants sur l’évolution de la maladie et ses conséquences sur l’activité d’assurance ; examiner les difficultés particulières signalées et les problèmes que pose l’accès au régime de l’assurance ; proposer des mesures pour améliorer les conditions de souscription et d’exécution des contrats ainsi que la couverture des risques ; faire un compte-rendu à l’usage des Ministres concernés à l’issue de ses réunions.

Nous refusons de réactiver par la convention de 1991 un système qui a pu donner l’impression au début des années 1990 que les assurances se penchaient sur les difficultés rencontrées par les personnes touchées par le VIH, mais qui en réalité n’a pas fonctionné. Les problèmes d’assurabilité que nous rencontrons rejoignent ceux des personnes touchées par le VHC ou le cancer, nous refusons de laisser les compagnies d’assurance traiter ces pathologies selon des procédés analogues.

Notre revendication d’un droit universel à l’assurance privilégie la réforme du cadre juridique des assurances, afin d’offrir aux personnes touchées par VIH des moyens d’action efficaces contre les injustices commises par les compagnies d’assurance.

Le régime de l’assurance est hors du champ de la loi anti discriminations 90-902 du 12 juillet 1990. Si l’article 225-1 du Code Pénal stipule : "Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs moeurs, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée", l’article 225-3 précise qu’"en vertu du caractère aléatoire de certains contrats, ces dispositions ne sont pas applicables aux discriminations sur l’état de santé quand elles consistent en des opérations ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité". Nous exigeons l’abrogation de l’article 225-3 et la soumission des assurances à des sanctions pénales pour discrimination sur l’état de santé des personnes.

Nous demandons la révision de la loi du 31 décembre 1989 sur les questionnaires d’assurance et exigeons leur suppression, tout au moins, comme le propose Aides Fédération, en dessous d’un certain seuil (par ex. 100 000 FF), toutes demandes d’emprunts confondues. Cette exigence s’accompagnerait d’une mutualisation des risques en dessous des 100 000 FF. Au dessus du seuil, l’assureur pourrait recourir au questionnaire ou à l’examen médical, mais selon des modalités strictes assurant la confidentialité des informations médicales. Le candidat serait alors intégré au régime de l’assurance avec surprime, dans le cadre d’une codification rigoureuse de la notion du risque aggravé, afin d’éviter les surprimes abusives.

La convention de 1991 et son annexe envisageaient les conditions dans lesquelles l’assureur pouvait demander au souscripteur de se soumettre à des examens médicaux, les modalités de circulation des informations du souscripteur à l’assureur par l’intermédiaire du médecin-conseil et leur nature. Nous exigeons que le rôle du médecin-conseil de l’assurance soit révisé et contrôlé, afin de rendre passible de sanctions la divulgation d’informations confidentielles. En aucun cas l’assureur n’est en droit d’exiger d’accéder directement aux informations médicales. Nous demandons également que les questionnaires d’assurance soient uniformisés et régulièrement mis à jour, afin d’en exclure les questions et les formulations tendancieuses.

Notre réflexion concerne les modalités d’assurance pour toute demande d’emprunt (immobilier, à la consommation, concernant l’acquisition de locaux et de matériels professionnels), la couverture du risque décès, mais aussi la couverture des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne et des risques d’incapacité de travail. Pour chaque cas, il importe de contrôler les méthodes de calcul des primes, leur uniformisation et leur respect à l’échelle nationale, afin de rendre les tables des actuaires plus conformes aux réalités médicales et sociales du VIH.

Etant donné les difficultés particulières rencontrées par les personnes touchées par le VIH, la création d’un dispositif chargé de régler les problèmes de terrain est indispensable. Arcat propose la création d’une commission interassociative chargée de traiter les dossiers problématiques avec les assureurs, en dehors du comité de suivi. Cette commission pourrait bénéficier du savoir-faire de Sida Info Droit en la matière. Son action serait renforcée par la mise en place d’un fonds de solidarité.

En France, le secteur des assurances est un domaine privé, donc soumis aux lois du marché. Par solidarité et pour le respect de la dignité des personnes touchées par le VIH, nous exigeons que le gouvernement, en concertation avec les parties concernées, prenne les mesures nécessaires permettant l’accès à tous au régime de l’assurance, l’assouplissement du régime de l’assurance vis-à-vis des pathologies lourdes, le respect réel de la confidentialité des informations sur la santé des personnes.