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Le sida au Bénin

Bailleurs de fonds cherchent société civile

juin 1999

Cité en exemple pour son adoption de la démocratie, le régime politique au Bénin reste pourtant mitigé. Avec les Plans d’Ajustement Structurel successifs du Fond Monétaire International, l’Etat n’a pas embauché depuis 1986 : pas de remplacement, aucun recrutement, voire même un certain dégraissage durant ces 13 dernières années.

Pour rembourser la dette, il faut savoir faire des économies ! Economies sur le personnel de santé par exemple. Mais comment restreindre son budget quand on ne connaît même pas le montant alloué ? Le ministère des finances ne communique aucun chiffre ; les lignes budgétaires restent inconnues de tous. De toute façon la règle est simple : il n’y a pas d’argent.

En 1995, lorsque Bruno Edico vient demander l’aide de l’Association Française des Volontaires du Progrès pour mener son dernier combat face au sida, il est pris pour un fou ; il veut témoigner en tant que personne séropositive et montrer qu’au Bénin le sida existe, qu’il a un visage, en l’occurrence celui d’un homme défiguré par un zona oculaire mal soigné. Soutenu par l’AFVP, il obtient un financement de l’Union Européenne et le projet Vie Nouvelle prend forme : en échange de 1 500 FCFA par mois (50% de « salaires » et 50% pour une caisse « au cas où ») les témoignages commencent. Il est rejoint par 4 autres personnes qui décident elles-aussi de se faire connaître en tant que séropositifs, au risque de se faire jeter de leur travail, bannir de leur famille et expulser de leur logement.

Pour que ce projet ne soit pas une fin en soi, les séropos qui y participent décident de monter en parallèle une association de soutien aux personnes atteintes. Mais pour toutes sortes de raisons plus ou moins absurdes - de sordides raisons personnelles, des ragots circulant sur la vie privée des membres du Projet Vie Nouvelle, le désintérêt de l’Etat - le projet s’arrête en décembre 1998, l’Union Européenne cesse de verser les soldes mensuelles, sans aucune explication.

Dans un premier temps la caisse sert de dépannage, pour quelques semaines. Mais quand on n’a ni argent, ni soutien familial ou amical, ni logement, ni travail, les maigres réserves fondent vite. La dynamique associative, biaisée et minée dés le début par les questions de rétributions des témoignages et de paiement des séropositifs pour apparaître en tant que tels, n’est pas d’un grand recours. Aujourd’hui l’association rencontre énormément de difficultés pour s’organiser, d’autant que beaucoup des personnes actives dans le projet - celles qui sont encore en vie aujourd’hui - sont très malades.

Le seul moyen d’accéder aux soins, quand on n’a plus les moyens, c’est le centre Arc En Ciel de Cotonou : deux chambres de 2 et 3 lits, une salle d’examens vide, une pièce qui fait office de laboratoire, vide, un bureau avec quelques médicaments et une salle d’osculation, vide. Le personnel qui y travaille est bénévole, attend un salaire improbable qui n’est jamais versé. Hormis quelques dons, il n’y a pas de budget, pas de financement, pas de médicaments, pas de nourriture. Le dimanche précédant notre venue, un séropo y est mort... de faim.

Pour terminer la visite des lieux, en fond de cour, cachée, une pièce, barreaux aux fenêtres, cadenas à l’entrée, un lit occupant tout l’espace ; c’est la chambre d’agonie où sont placées les personnes en fin de vie pour éviter de déprimer les malades encore vivants. Le gardien, séropo de 60 ans, conclu d’un sourire : « Qui vit d’espoir, ne meurt pas de chagrin. »