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Coke : Aids activists are watching you

mardi 24 décembre 2002

Les 16 et 17 octobre, une coalition internationale d’activistes menait une journée d’actions contre Coca-Cola pour exiger la prise en charge des traitements de leurs employéEs séropositifVEs. Compte-rendu, pays par pays.

France Grigny, dans la région parisienne, le 16 octobre : un peu avant 6 heures du matin, une trentaine de militants d’Act Up-Paris fermait l’usine de mise en bouteille Coca-Cola. Après avoir fait sortir l’équipe de nuit et empêché celle du jour d’entrer, les grilles de l’usine étaient cadenassées. Sur ces grilles, trois banderoles : « Sida en Afrique, Coca-Cola laisse mourir ses employés », « Sida en Afrique, Coca-Cola complice », « 10 000 morts par jour ». Act Up-Paris exigeait alors de Dominique Reiniche, présidente de Coca-Cola France et Benelux, un engagement officiel sur la prise en charge médicale de l’ensemble des employés séropositifs en Afrique. Aucun camion de livraison n’accèdera à l’usine pendant plus de 8 heures. C’est ainsi qu’Act Up-Paris lançait la journée mondiale d’action contre Coca qui était organisée par une coalition internationale d’activistes. Le cas de Coca-Cola est emblématique : avec 100.000 salariés, la firme américaine est le premier employeur du secteur privé en Afrique. Ses produits sont distribués dans l’ensemble des pays du continent, à l’exception de deux. La veille de la journée d’action, Coca-Cola annonçait un bénéfice net de 1,16 milliard de dollars pour le troisième trimestre. Pourtant, elle ne paie les antirétroviraux qu’à 1,5% de ses salariés qui en ont besoin.

Etats-Unis Des manifestations dans 7 grandes villes et sur une douzaine de campus se sont déroulées simultanément. Atlanta : les activistes se sont rassemblés devant le musée « le monde de Coca ». New York : surplombant les 700 activistes, une bouteille géante Coca porte le slogan : « Coke’s Medical Apartheid Kills ». 32 sacs de la morgue ont été déposés aux portes des bureaux de Coca-Cola, le chiffre 32 symbolisant le nombre d’usines de mise en bouteille en Afrique qui ne fournissent pas de traitements. Philadelphie : devant l’usine de mise en bouteille la plus ancienne et la plus grande du pays, les activistes ont installé une bouteille géante avec pour message : « Coke’s Neglect = Death for African Workforce ». Sous les sons des cornes de brume, du faux sang a jailli de la bouteille géante. San Francisco : Act Up-East Bay et Health GAP organisent un picketing devant le Pacific stock exchange. Washington : portant un cercueil géant et se déplaçant lentement, les activistes ont marché jusqu’au siège social de Coca-Cola. Du côté des universités, les étudiants se sont fortement mobilisés et ont souvent rejoint les activistes. Parallèlement, ils ont lancé une campagne de « Kick Coke off Campus » demandant à l’université de rompre le contrat exclusif les liant à Coca-Cola jusqu’à la mise sous traitement de tous ses employés séropositifs.

Canada À Montréal, les étudiants canadiens ont lancé une pétition exigeant de l’entreprise qu’elle prenne en charge ses employés séropositifs.

Inde Les activistes se sont rassemblés devant les bureaux de Coca-Cola.

Japon À Tokyo, les activistes du forum Japon-Afrique ont transmis les pétitions et un mémorandum au représentant de Coca-Cola en Asie.

Mali
À Bamako, des militants ont fait un picketing devant les bureaux de Coca-Cola. Le représentant de l’entreprise a refusé le manifeste qui lui était adressé, mais la presse s’en est saisi.

Ghana Le gouvernement ghanéen détient des parts de l’entreprise Coca-Cola. À Accra, les activistes du Ghana AIDS Treatment Action Group (GATAG) projetaient d’organiser une marche pacifique jusqu’à l’usine de mise en bouteille. Mais le 16 octobre, alors que le GATAG finalisait les préparatifs de la manifestation, la police a surgi dans leurs locaux. Le secrétaire général a été arrêté, interrogé et menacé par la police puis relâché tard dans la nuit suite à la pression des activistes. « Assigné » à domicile, il n’a pas pu venir manifester, devant une usine encerclée par la police. Face à ce déploiement de forces, les activistes ont organisé une conférence de presse. Robert Lindsay, vice-président aux relations publiques de Coca-Cola Afrique s’est montré indigné sur le fait de « manifester contre son propre gouvernement et une entreprise qui a pourtant tant fait pour la communauté ».

Les activistes exigent de Coca-Cola et des autres multinationales implantées dans les pays en développement :
 qu’elles donnent accès aux soins et aux traitements nécessaires à l’ensemble de leurs employés séropositifs ainsi qu’aux familles de ceux-ci ;
 qu’elles donnent accès au dépistage anonyme et gratuit à tous leurs employés ;
 qu’elles mettent à disposition des préservatifs sur les lieux de travail et instaurent une politique d’information et d’éducation sur le sexe sans risque et la santé sexuelle ;
 qu’elles développent des politiques de prévention et d’éducation en
collaboration avec les employés affectés, les représentants syndicaux et les initiatives communautaires locales.

La campagne

Cette campagne de protestation contre Coca-Cola a été lancée il y a six mois. En avril 2002, des activistes perturbent l’Assemblée générale du groupe à New York. En juillet 2002, la pression redouble sur Coca-Cola lors de la conférence internationale sur le sida à Barcelone. Une coalition se met en place et fixe la date de cette journée mondiale d’action. Face à la montée de la mobilisation, la maison-mère d’Atlanta annonce le 26 septembre un programme de 4 millions de dollars par an pour prendre en charge 24.000 de ses 60.000 employéEs séropositifVEs (officiellement). Cette initiative de partage des coûts de la prise en charge est encore loin d’être satisfaisante : elle ne concernera que 35% des salariés. Seules 8 des 40 entreprises de mise en bouteille ont conclu un accord avec la firme. De plus, Coca-Cola s’engage à couvrir 50% des coûts de la prise en charge médicale, 40% revenant aux sous-traitants. Pourtant, toutes les entreprises ne pourront pas supporter les coûts de cette prise en charge. Les 10% restant sont imposés aux employéEs. Or la majorité des employéEs n’ont ni assurance maladie, ni salaire élevé. Et surtout Coca-Cola n’entend pas mettre en compétition les producteurs de médicaments de marque et les génériqueurs, et ainsi obtenir les médicaments les moins chers. Coca-Cola a d’ores et déjà annoncé des partenariats avec GlaxoSmithKline et PharmAccess, qui regroupe 5 des principales multinationales pharmaceutiques. Ce programme exclut par ailleurs de la prise en charge médicale, la cellule familiale hormis l’époux ou l’épouse, condamnant ainsi à mort les enfants et les autres conjoints.

Enfin, l’initiative de Coca-Cola ne concerne que le continent africain. L’épidémie, elle, touche tous les continents. D’autres multinationales, comme Heineken, Tetra Pak, ou les puissantes compagnies minières Anglo American, Anglo Gold et De Beers, mais aussi des entreprises plus modestes, comme la société Aluminium du Cameroun, ont déjà mis en place des programmes d’accès aux soins pour leurs employéEs.