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Bénin

lundi 23 septembre 2002

Act Up-Paris était au Bénin en juin dernier. Notre précédent passage remontait à janvier 2000. Depuis, un programme national d’accès aux traitements, intitulé Initiative béninoise d’accès aux antirétroviraux (IBAARV), a été lancé en partenariat avec le FSTI. Act Up-Paris a plusieurs fois critiqué cette usine à gaz qu’est le FSTI, notamment pour ses actions au Maroc, au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Cette fois-ci, à la lecture du projet initial, le partenariat franco-béninois semblait sérieux. Mais notre visite a contredit cette première impression.

Le programme signé en avril 2001 impliquait une participation financière de la France à hauteur de 80%. Les premières réunions du comité d’éligibilité, destinées à inclure dans le programme les malades, ont débuté en septembre. Mais jusqu’en février dernier, personne n’avait encore reçu de trithérapie. Certains malades sont morts entre-temps. La situation ne s’est débloquée qu’en février. En juin, lors de notre visite, près de 80 malades étaient sous traitement, et 87 personnes supplémentaires venaient d’être sélectionnées. En moins de temps, le programme gabonais a réussi depuis novembre 2001 à traiter plus de 300 malades et à inclure en moyenne 25 personnes par semaine (une moyenne autrement plus importante qu’au Bénin).

IBAARV est un programme qui coûte cher, parce qu’il n’utilise pas les médicaments génériques. Pour être éligible, chaque malade doit verser une somme variant de 30 à 40.000 FCFA (soit 45,73 à 60,98 euros), pour les premiers frais d’examens. Ce sont ces résultats qui déterminent l’entrée du malade dans le programme. Cette première somme aurait dû être remboursée, mais ce n’est pas le cas, ni pour les bénéficiaires du projet, ni pour les refusés, ni pour les personnes décédées ! De plus chaque malade inclus doit s’acquitter d’une somme forfaitaire pour sa prise en charge variant de 1.000 à 20.000 FCFA par mois (soit 1,52 à 30,50 euros), suivant les résultats d’une enquête sociale. Le total pouvant dépasser pour certains un mois de salaire.

Le projet initial envisageait la possibilité de s’approvisionner en médicaments génériques, par l’importation, mais aussi via un génériqueur local déjà fabricant d’AZT, Pharmaquick. Mais le FSTI n’aime pas les génériques, des pressions ont été exercées pour en empêcher l’arrivée dans IBAARV. On se demande pourquoi la consultation restreinte organisée probablement en prévision du démarrage de l’IBAARV en avril 2001 par la centrale d’achat béninoise n’a pas pu aboutir, alors que le pays n’avait pas encore les mains liées par l’Initiative Accelerating Access d’Onusida. Le FSTI a pressé le pays à signer la convention Accelerating Access, arguant du fait que les prix seraient bons et la qualité garantie. Exit les indiens et Pharmaquick ! Ceci aurait pourtant permis de soigner bien plus de personnes.

La signature d’Accelerating Access implique un approvisionnement compliqué, pouvant prendre plusieurs mois et imposant parfois des pré paiements, alors qu’il s’agit d’une structure qui a besoin d’être financièrement soutenue. Les difficultés de règlement de la première commande ont considérablement retardé la deuxième. En juin, soit à peine 4 mois après le début des traitements, apparaissaient des ruptures de stock pour certains antirétroviraux dans les centres prescripteurs. Les malades inquiets ont alertés la CAME, qui, consciente de la gravité de la situation, a passé commande sur ses fonds propres chez Cipla, seul fournisseur à pouvoir livrer en un mois. Ainsi les malades du programme IBAARV prendront des génériques, au grand dam du FSTI.

Depuis près de cinq ans, les responsables politiques français tiennent un discours sans ambiguïté sur la nécessité de donner accès aux médicaments contre le sida aux malades des pays en développement. Dans les faits, la politique française est en contradiction avec les discours politiques. Il est plus que temps de cesser le blocage des génériques. Il est temps aussi que les autorités béninoises se montrent moins frileuses sur cette question, à un moment où plusieurs pays francophones et voisins ont déjà mis les génériques à disposition ou viennent de les commander. Accelerating Access n’est ni le meilleur, ni l’unique moyen de faire baisser les prix. Encore faudrait-il que cessent les pressions françaises et qu’apparaisse une réelle volonté politique locale.

Le verrouillage exercé par Accelerating Access et IBAARV empêchent que les médicaments soient accessibles à tous les malades, y compris ceux du secteur privé, au meilleur prix et en quantité suffisante. Actuellement, pour y parvenir, il faut se déplacer dans un pays voisin pour se fournir en traitements.

Il est préférable que IBAARV ne soit pas le seul à gérer l’accès aux traitements dans le pays. Son avenir n’est pas garanti. Le FSTI n’existe quasiment plus dans les faits, puisqu’il a été remplacé par Esther, le projet de jumelage hospitalier de Bernard Kouchner. En cas de rejet de financement par le Fonds mondial pour les prochaines années, le programme serait soutenu financièrement en 2003 par Esther (seule une garantie verbale a été formulée sur ce point, et a priori, Esther n’est pas destinée à financer l’achat d’ARV) mais seulement pour prendre en charge 400 personnes, soit le nombre d’inclusions prévues pour 2002. Or le projet initial prévoyait pour la deuxième année une montée à 700 personnes.